Par Eric Favereau— Le centre de soins à Metz-Queuleu (Moselle).Photo Luc Boegly. Richter Architectes
Visite au nouveau centre de soins psychiatriques de Metz qui vient de gagner l’équerre d’argent, sorte de Goncourt de l'architecture
Voilà de jolis murs en béton… Lors d’une visite organisée afin de voir (ou plutôt d’admirer) le nouveau centre de soins psychiatriques à Metz qui vient de gagner l’équerre d’argent – une distinction annuelle que l’on compare à un Goncourt de l’architecture – tous les spécialistes se sont montrés emballés par le lieu. Et par cette muraille, sorte d’enveloppe de béton, couleur verdâtre qui encercle tout le bâtiment. «Une coque, unitaire et protectrice se développe de manière presque organique, et embrasse patios et courettes, univers contrastés à l’échelle intime, repères structurants à l’abri des regards»,explique ainsi la brochure de presse. Diable…
Dans une tribune adressée au « Monde », Michel Canis, professeur de gynécologie obstétrique, suggère d’entrer en résistance face à la quête d’économies devenue inacceptable. Il propose une forme de grève sans impact sur le soin.
Par Michel CanisPublié le 29 janvier 2019
Tribune. Parce que la cupidité n’a pas de limites, la financiarisation de la société impacte chaque moment de notre vie. A l’hôpital, parler aux patients est un exploit. Beaucoup de soignants « craquent », certains vont jusqu’au suicide. Il faut faire plus avec moins. On utilise des secrétariats en ligne ou on limite le temps des consultations, comme si la prise en compte du patient dans sa complexité n’était plus essentielle. Au bloc opératoire, le temps est la référence : remplir les salles pour rentabiliser, mais finir à l’heure et éviter les heures supplémentaires du personnel non médical.
Avec la baisse des températures, le numéro d’urgence sociale fait face à des centaines d’appels. Sans pouvoir répondre à la majorité des demandes.
Par Simon AuffretPublié le 28 janvier 2019
« Allô, ici le 115, bonjour madame ! » A l’instant où Rodolphe s’empare du téléphone, le temps d’attente indique 57 minutes. Un délai habituel pour les 399 appels décrochés, ce mercredi 24 janvier, par les opérateurs du numéro d’urgence sociale en Seine-Saint-Denis. Au bout du fil, Karima (tous les noms et prénoms ont été modifiés) raconte son histoire : enceinte de six semaines, elle dort avec son mari et son bébé de sept mois dans une gare du département depuis deux jours. C’est la première fois qu’ils appellent le 115 :
« Allô monsieur, je suis dehors avec mon bébé. Il respire mal, il a froid. Je vous en supplie, il faut nous aider.
– On va s’efforcer de vous trouver une solution, Madame.
– S’il vous plaît, c’est très difficile.
– Je sais que c’est difficile, on va chercher un hôtel. Si on ne vous trouve rien, je vous conseille, madame, d’aller aux urgences. Vous avez la possibilité de manger ?
– La vérité, je sais pas, j’ai payé l’hôtel avant-hier, je n’ai plus d’argent. »
Suite à l’annonce de la ministre de la Santé Agnès Buzyn ce jeudi 24 janvier 2019 aux professionnels du secteur réunis à Paris, que quarante millions d'euros (au niveau national) seront mobilisés l’année 2019 pour financer: [...] La CFDT-EPSMR, syndicat majoritaire demande à la Ministre de santé que des mesures exceptionnelles soient accordées à la psychiatrie de l’Océan Indien dont l’EPSMR et exige qu’un plan Marshall soit mis en place pour la psychiatrie Réunionnaise et Mayotte, qui est de plus sous-dotée par rapport certaine région Métropolitaine et souhaite une entrevue avec la nouvelle Directrice Générale de l’ARS-OI. Lire la suite ...
Dans un article consacré à la question de la sévérité des troubles psychiatriques et à l’incidence clinique et thérapeutique de cette sévérité, une équipe d’un Département de Psychiatrie de Providence (Rhode Island, États-Unis) rappelle l’existence d’une « controverse sur l’efficacité des antidépresseurs » en fonction de la sévérité de la dépression et sur la « préférence à donner aux médicaments plutôt qu’à la psychothérapie » en cas de « dépression sévère. »
Mais en réalité, il n’existe pas de consensus précis sur cette notion de sévérité. Et concrètement, s’interrogent les auteurs, qu’entend-on par « maladie sévère » en psychiatrie ? Ce critère de sévérité concerne-t-il surtout le nombre de symptômes éprouvés par le patient ? Ou l’intensité de ces troubles ? Ou leur fréquence ? Leur persistance dans le temps ? Leur impact néfaste sur le fonctionnement psychique ou sur la qualité de vie du sujet ? Leurs conséquences en termes de handicaps, voire de risques vitaux… Probablement un peu tout cela à la fois, mais dans des proportions non définies, avec un usage galvaudé et trop imprécis du mot « sévère. »
Pascale Nandillon, Frédéric Tétart et leur compagnie Hors champ sortent de la collection d’art brut de Lausanne les écrits hors normes d’Annette Libotte pour les porter à la scène. Un voyage extrême dans une langue inouïe allant jusqu’au chant.
Soldat belge de deuxième classe, Marie Ernest Maurice Albert Libotte était marié à Annette Cornelis. Il disparaît le 14 septembre 1914, nulle tombe ne porte son nom. Sa présence traverse les écrits de sa veuve, Annette Libotte. Cette mort, cette absence, elle ne s’y résout pas. Il est là. Elle le croise dans la rue, il frappe à sa porte, elle lui écrit des poèmes d’amour. Mais ces écrits en langue éclatée, morcelée vont bien au-delà.
Deux blocs-notes, trois cent cinquante pagesécrites entre 1941 et 1942 lorsqu’Annette Libotte est internée, volontairement, à l’hôpital de Schaerbeek en Belgique pour des hallucinations auditives. Ces carnets sontconservés au sein de la Collection de l’Art brut de Lausanne fondée par Jean Dubuffet. C’est là que Pascale Nandillon et Frédéric Tétart les ont consultés, retranscrits (à partir d’un premier travail effectué par Anne Beyers) et en ont fait une adaptation pour la scène. Après avoir exploré des écritures allant de Nijinski à Tarkos, d’August Stramm aux Vagues de Virginia Woolf (lire ici), ils poursuivent loin leur voyage dans les langues extrêmes. Car la voix d’Annette Libotte est des plus singulières.
Selon des données récentes, l’activité physique professionnelle n’aurait pas des bénéfices aussi francs sur la santé que celle pratiquée en loisir.
Par Sandrine CabutPublié le 30 janvier 2019
« Dix mille pas et plus ». C’était à la fin des années 1940, le docteur Jeremy Morris découvrait grâce à un autobus à impériale ce qui allait se révéler l’un des médicaments les plus universels − et le sujet obsessionnel de cette chronique : l’activité physique (AP). L’épidémiologiste britannique constatait en effet que les contrôleurs des bus à double étage, très mobiles, faisaient deux fois moins d’infarctus du myocarde que leurs collègues conducteurs, assis 90 % du temps. Pendant des décennies, Jeremy Morris a multiplié les études pour démontrer les bénéfices de l’AP, professionnelle ou de loisirs, et les effets délétères de la sédentarité.
A l’Université libre de Bruxelles, le nombre de dossiers d’inscription déposés par des Français a été multiplié par six en l’espace de deux ans.
Par Jean-Pierre StroobantsPublié le 22 janvier 2019
Test rapide et non scientifique : qui sont les étudiants présents, ce matin-là, dans ce cours de première année de master en psychologie, à l’Université libre de Bruxelles (ULB) ? Un coup d’œil suffit pour remarquer que les filles sont majoritaires. Une invitation à lever le bras va, elle, confirmer ces récits de la presse belge : les Français et Françaises sont très nombreux dans l’amphi, souhaitant décrocher ici, ou à Liège, Mons ou Louvain, ce master qui leur offrira l’accès à un diplôme et à une carrière.
Léa, Emma, Alban et les autres viennent de Lille, Reims ou Paris. Ils ont décroché en France une licence, mais n’ont pu accéder au master, faute de places pour tout le monde : « En France, depuis 2017, la procédure de sélection intervient désormais entre la troisième année de licence et la première année de master », rappelle la Fédération des étudiants francophones, qui s’inquiète des conséquences d’un afflux de candidats français vers les facs belges.
Dans les auditoires, les récits de jeunes qui dénoncent cette injustice sont nombreux. Alban Davoust, un ancien étudiant de l’université Paris-Descartes, a réalisé quinze demandes en France et n’a reçu une réponse positive qu’après s’être déjà inscrit à Bruxelles. La Fédération des étudiants en psychologie (Fenepsy), dont il est membre, estime que, pour 3 000 demandes d’accès à un master en France, 400 environ auraient reçu une réponse positive.
« Je suis en colère contre un système français qui, à la base, ouvre les portes et les referme brutalement ensuite. Beaucoup de jeunes ont le sentiment d’être trahis par leur université et, parfois, abandonnent tout », témoigne Alban Davoust, aujourd’hui inscrit en psychopathologie clinique à Bruxelles.
Mathilde Basset, infirmière, a récemment quitté son poste au sein d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle raconte son expérience dans un livre, J’ai rendu mon uniforme. Il suffit d’en lire un extrait pour saisir la détresse qu’elle a vécu : « Je sens que cette journée va mal tourner, car je suis seule infirmière pour 99 résidents. J’appréhende. Mais je ne dis rien. Nous sommes toutes dans le même bateau. »
Différentes zones du cerveau s’activent en réaction à notre propre toucher et à celui d’un autre.
Être capable de déterminer que ces doigts qui nous grattent sont bel et bien les nôtres, cela semble aller de soi. Mais une série de mécanismes sont en branle dans le cerveau pour faire la distinction entre nos propres contacts avec notre corps et les contacts physiques avec d’autres personnes, selon une étude dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
Les chercheurs de la Linköping University, en Suède, ont remarqué qu’une région du cerveau était désactivée lorsque l’on se touche soi-même.
Pour en arriver à cette conclusion, l’équipe scientifique a fait appel à 54 volontaires. À l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, un appareil qui permet d’observer le cerveau en action, l’équipe a demandé aux volontaires de réaliser trois scénarios différents : se caresser l’avant-bras gauche avec sa main droite, se laisser toucher par un des expérimentateurs de la même manière et toucher un oreiller (ce dernier servait de contrôle). Chaque processus, qui dure 12 secondes, a été répété dix fois.
A l’inverse de ce qui reste envisagé par le gouvernement, la mesure la plus efficace pour faire diminuer les problèmes de comportement des jeunes consiste à augmenter les ressources des familles, souligne Maria Melchior, épidémiologiste, dans une tribune au « Monde ».
Interview de John Johnson, infirmier, coordinateur de projet, Médecins sans frontières (MSF)
La République Démocratique du Congo (RDC) connaît sa dixième épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola.
Dans le tumulte de l’actualité hexagonale, l’information est presque passée inaperçue. Et pourtant cette flambée est la plus importante de toute l’histoire du Congo et le virus ne se cantonne plus aux villages reculés et atteint désormais le cœur de grands centres urbains, déjà en proie à une guérilla vieille de 20 ans.
L’intelligence artificielle suscite beaucoup d’espoirs, mais aussi de craintes, chez les médecins. Trois chercheurs (deux Américains et un Britannique) proposent une mise au point sur ce qu’il est actuellement raisonnable d’en attendre.
Pour commencer, qu’entend-on par intelligence artificielle ? Le terme approprié serait plutôt « apprentissage machine » ( machine learning – ML ), ou apprentissage automatique. En effet, il ne s’agit plus de faire appliquer des recommandations d’experts par l’ordinateur, mais de traiter un nombre considérable de données (d’où l’importance du « big data ») au moyen d’algorithmes permettant à l’ordinateur d’améliorer en même temps ses performances.
Dans une tribune au « Monde », quatorze chefs de service hospitalier réclament un grand plan en faveur des urgences, qui sont en permanence saturées.
Par CollectifPublié le 16 janvier 2019
Tribune.Les récents drames survenus dans des services d’urgence sont un malheur pour les patients et leurs familles. Pour nous aussi, chefs de service d’urgences, et nos équipes, dont la raison d’être est de soigner et de sauver, ils sont chaque fois des tragédies. Or, de tels accidents peuvent maintenant se répéter partout et à tout moment, car le gouffre se creuse entre les besoins et nos moyens.
Auparavant, l’encombrement des services d’urgences (SU) n’était évoqué qu’au moment de la grippe ou de la canicule. Désormais, nos services sont saturés en permanence. Or, cette saturation n’a pas qu’un effet sur le confort ou le délai d’attente : elle augmente considérablement le risque d’erreurs médicales et use les équipes. Quand un seul médecin doit prendre en charge simultanément dix malades, le risque d’accident devient immense. Nous travaillons désormais en permanence sur le fil. Aucune autre spécialité médicale ne connaît une telle exposition au risque.
En France, la moitié des 176 000 jeunes placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sont pris en charge par des familles d'accueil. Ces assistants familiaux étaient 50 000 en 2012 et sont environ 45 000 aujourd'hui. Une situation de pénurie se profile et les départements peinent à recruter.
Elles accueillent au quotidien près de 85 000 enfants et jeunes majeurs en France. Les familles d'accueil, que l'on appelle désormais les assistants familiaux, sont de moins en moins nombreuses. Estimées à 50 000 il y a sept ans, elles seraient aujourd’hui environ 45 000.
Selon l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a mené une enquête en 2013, "le constat commun à tous les départements, avec des degrés inégaux de gravité, est bien celui du net vieillissement des assistants familiaux face à des besoins qui ne diminuent pas" , et pour cause, le nombre de placements a augmenté de 4,6% entre 2016 et 2017. Ce métier, largement professionnalisé au cours des quarante dernières années, reste vocationnel mais se complexifie. Les assistantes familiales dénoncent un métier de plus en plus compliqué : précarité, enfants atteints de troubles psychiatriques, manque de moyens, les difficultés sont multiples.
Devant les avancées prodigieuses des biotechnologies, Alain Finkielkraut interroge deux psychanalystes pour définir la nouvelle place du père alors qu'il peut être évincé, remplacé et facultatif dans la procréation.
Un père, une mère c'était, il y a peu encore, élémentaire. Cela ne l'est plus en dépit des banderoles et des slogans de la Manif pour tous.
L'extension irrésistible des droits individuels conjuguée avec les avancées prodigieuses des biotechnologies ont fait apparaître des configurations inédites et tout à fait surprenantes, par exemple un couple de femmes homosexuelles qui ont recours à la procréation médicalement assistée, la conjointe, avocate, de celle qui porte l'enfant demande et obtient un congé paternité. Quelques mois plus tard elle est enceinte ce qui lui donne droit à un congé maternité.
La Grande table reçoit Nicolas Gauvrit, psychologue et mathématicien français spécialisé en science cognitive qui a co-dirigé "Des têtes bien faites (défense de l’esprit critique)" (PUF, janvier 2019)
Attentats, réchauffement climatique, vaccins, etc. Des théories du complot à la désinformation, de la simple parano à la persistance des idées reçues… L’époque est à la remise en question. Nos cerveaux sont-ils programmés pour croire ou pour douter ? Quel système d’autodéfense mettre en place pour que la raison ait le plus souvent gain de cause ?
On ouvre la réflexion à l’occasion de la parution de l’ouvrage Des têtes bien faites (défense de l’esprit critique) (PUF, janvier 2019), qui rassemble les contributions de chercheurs mais aussi d’enseignants, de vidéastes ou encore de webmasters. Un ouvrage collectif publié sous la direction scientifique de l’auteur de La démocratie des crédules, le sociologue Gérald Bronner.