Nicole et Pierre vivent dans une des «Maisons de Lyliane», à Richebourg (Yvelines). Malgré leur relation assumée, leur chambre n’est équipée que de lits simples.Photo Edouard Caupeil
La sociologue Lucie Nayak explique que la sexualité des handicapés mentaux a souffert d’une vision caricaturale, leur désir étant considéré comme amorphe ou exacerbé.
La docteure en sociologie Lucie Nayak déconstruit, dans son dernier ouvrage (1), l’idée d’une sexualité qui serait «spécifique» aux personnes handicapées. Pour son enquête, menée entre 2009 et 2012 en France et en Suisse, la chercheuse a interrogé une centaine de femmes et d’hommes en situation de handicap mental, de parents, d’éducateurs et d’assistants sexuels.
Quelles idées reçues sont rattachées à la sexualité des personnes handicapées dans l’imaginaire collectif ?
Leur sexualité a longtemps été envisagée comme une hyposexualité ou une hypersexualité. C’est ce que démontre le psychosociologue Alain Giami dans l’Ange et la Bête,paru en 1983. Il oppose cette représentation de «l’ange», de l’éternel enfant, et la figure de «la bête» à la sexualité incontrôlable. Ces représentations ont longtemps eu pour résultat d’interdire la sexualité dans les institutions spécialisées. Mon enquête montre que ce n’est pas tant le handicap qui conditionne la sexualité, mais le fait d’avoir été désigné comme personne handicapée mentale, et la contrainte institutionnelle qui va avec. Le fait de vivre en institution spécialisée conditionne la sexualité. Le discours éducatif l’envisage à travers le prisme du handicap.