Qu’on se le dise, l’efficacité n’est pas nécessairement le principal critère pour apprécier la pertinence de la mise sur le marché d’un médicament. Marisol Touraine a donné illustration de ce principe paradoxal en annonçant que contrairement à ce que préconise la Haute autorité de Santé (HAS) pour la seconde fois, les médicaments indiqués dans la maladie d’Alzheimer, dont l’efficacité est plus que discutée, ne seront pas l’objet d’un déremboursement.
Conflits d’intérêt et dissimulation : le cocktail éternel
Le choix de Marisol Touraine, qui s’inscrit dans celui de son prédécesseur, Xavier Bertrand, a soulevé un tollé chez certains praticiens qui depuis plusieurs années observent ce maintien des médicaments anti-Alzheimer dans le champ des produits remboursables comme le symbole des nombreux maux qui accablent l’organisation des soins : conflits d’intérêt et dissimulation de la vérité aux patients en tête. Christian Lehmann n’a ainsi pas caché sa consternation face au discours du ministre. « Jusqu’au bout, Marisol Touraine aura été à l’image du quinquennat de François Hollande: veule, stupide, consternante. Scrupuleusement attachée, comme ses prédécesseurs de droite, à faire de la santé publique une simple variable d’ajustement du politique » annonce-t-il en introduction avant de poursuivre plus loin. « Marisol Touraine, donc, se retrouve devant un choix simple. Acter l’inutilité et la nocivité de ces médicaments, ordonner leur déremboursement (dans un premier temps), puis les modalités de leur arrêt de commercialisation (puisqu’il en va de la santé des malades). Ou bien satisfaire les lobbies, maintenir un statu-quo déclinant, ne pas faire de vague, surtout, ne pas ouvrir une nouvelle brèche dans le pédalo en voie de submersion de François Hollande. Et Marisol Touraine tranche : pas question de dérembourser ces médicaments, dans l’état actuel des choses. Pas tant que ne sera pas mis en place « un protocole de soins en accord avec les scientifiques et les associations de patients ». Traduisons-la : il n’est pas question, même en s’appuyant sur des données scientifiques accablantes, de désespérer Billancourt et de mettre un terme à une affaire qui marche. Pas question de dire la vérité aux malades, à leurs familles, ce qui nécessiterait du courage, ouvrirait la porte à des questionnements aussi légitimes que dangereux pour les pouvoirs en place : Depuis combien de temps saviez-vous ? Quels éléments nouveaux font basculer la décision ? Qui a payé le prix de votre lâcheté, de votre malhonnêteté intellectuelle ? Non, rien de tout ça. On attendra un « protocole ». On se cachera encore pendant quelques années derrière les apparences, derrière un modèle obsolète, honteux, où on n’imagine pas un instant qu’un soignant a envers un patient et sa famille un devoir d’accompagnement, un devoir de vérité, plutôt qu’une obligation à prescrire, à prescrire n’importe quoi pour faire fonctionner la filière et cultiver des espoirs qui sont autant de supercheries » écrit-il dans un long post où sa colère fait plus que transparaître.