Vincent Martin, à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), le 16 juin 2015 (Rémi Noyon/Rue89)
Vincent Martin est ce qu’on appelle communément un « casse-pieds ». Prononcez son nom devant le maire, c’est la certitude de provoquer un commentaire acerbe, du type :
« Vincent Martin n’est pas le centre du monde. Si je devais répondre à toutes ses questions, il me faudrait une personne dédiée. »
Lorsque cet infirmier trentenaire déplie son ordinateur portable, dans un café de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), on y aperçoit les autocollants d’associations comme
Regards citoyens. Ces furieux du tableur passent leurs nuits dans les subtilités administratives, murmurant des mots comme « transparence », « Cada » ou
« article 15 ».
A chaque phrase, Vincent se tourne vers son écran et dépiaute des dossiers, sous-dossiers, fichiers, méticuleusement classés dans sa machine (sous Linux, évidemment). Avec un comparse, il vient de mener un « audit citoyen » de la « vidéosurveillance » (ou « vidéoprotection », c’est selon) de la commune de Nogent. Il l’a envoyé au maire et à quelques journalistes.
Style « Cour des comptes »
Lorsqu’on ouvre la pièce jointe de son e-mail, on s’attend à de la faconde militante sur la société panoptique. Rien de cela. Le document, dix-neuf pages [
PDF] sous un logo propret, est charpenté comme du Deloitte. « Avant-propos », graphique en araignée et « recommandations » :
« C’est parce que mon comparse dans l’association travaille dans le secteur financier. Nous avons appliqué les méthodes de l’audit. C’est un peu le style “Cour des comptes”. »
Que dit-il ce rapport ? Oh, rien qui ne fasse trembler le maire, mais tout de même de petits accrocs. Aujourd’hui, près de 90 caméras sont déployées dans sa commune d’environ 30 000 habitants. En se rendant au rendez-vous, on s’amuse à les repérer. Ce sont pour la plupart des caméras à dôme. Au-dessus d’un Franprix, près de la station de RER, le long de l’avenue Clemenceau.
Je rencontre donc Vincent Martin, lunettes épaisses, barbe courte. Il évoque les critiques présentes dans le rapport :
- le comité d’éthique, supposé protéger les libertés publiques, ne « remplit pas son rôle ». Il n’a jamais publié de rapport d’activité depuis sa création en 2011. Sa composition ne permettrait pas « d’obtenir un contre-pouvoir équilibré » ;
- l’accès au centre de surveillance urbaine (CSU), où la police scrute les écrans de surveillance, serait insuffisamment maîtrisé. Des journalistes y seraient entrés sans autorisation du comité d’éthique ;
- l’installation des caméras se fait sans avis du conseil municipal et l’information au public est insuffisante ;
- l’intérieur de certains commerces et des entrées d’immeubles seraient toujours visibles via les caméras.
Rien de dramatique. Mais le plus intéressant reste la méthode.