C’est le genre de médecin qui peut aider à faire un sérieux tri dans une pharmacie familiale. Docteur en neurosciences et psychiatre, Patrick Lemoine est en guerre contre les excès médicamenteux en tout genre. A commencer par ceux de benzodiazépines, ces tranquillisants et somnifères dont les Français sont parmi les premiers consommateurs du monde.
Sur ce sujet, comme sur bien d’autres, il est intarissable, maniant habilement bon sens, provocation et sens de la formule. « Les benzodiazépines sont à l’origine de nombreux effets secondaires graves : apnées du sommeil, chutes, maladie d’Alzheimer… Récemment, une étude a même démontré que la mortalité est presque doublée chez les personnes qui en prennent plus ou moins régulièrement. Cela fait froid dans le dos… mais moins que l’absence de réaction des décideurs sur ce dossier », fulmine Patrick Lemoine, qui, comme clinicien et chercheur, a étudié ces médicaments et dénoncé leurs dangers depuis les années 1990. « A quand un Grenelle des toxiques ? », ironise-t-il en proposant une solution « simple » mais radicale : « Le remboursement des techniques de psychothérapie validées sur le plan scientifique. »
Au fil de nombreux livres grand public, ce thérapeute médiatique de 64 ans creuse ainsi le sillon d’une médecine moins chimique. Plus ouverte aussi aux approches alternatives de tout poil : relaxation, EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing, une technique de désensibilisation et reprogrammation par les mouvements des yeux)…
PROVOCATION
Un état d’esprit que cet ex-hospitalo-universitaire, passé dans le privé en 2003, défend aussi auprès des 300 psychiatres qu’il encadre en tant que directeur médical des cliniques psychiatriques du groupe Orpéa-Clinea – soit une quarantaine d’établissements en France et dans des pays frontaliers. « La médecine oublie que dans notre cerveau se trouve un fantastique laboratoire pharmaceutique capable de lancer la fabrication de tous les médicaments de la création », résume-t-il dans Soigner sa tête sans médicaments… ou presque, son dernier livre (Robert Laffont, 384 pages, 21 euros).
Il s’y montre en revanche sans pitié pour la psychanalyse et son « échec retentissant en tant que technique de soins » ; et surtout pour Freud, « un neurophysiologiste spécialiste de la sexualité des anguilles » qui « n’a jamais réussi à se guérir de sa phobie des chemins de fer ni de son appétence pour la drogue (cocaïne) alors qu’il était supposé en comprendre les racines infantiles ». La provocation, encore.