Le Monde Par Annick Cojean 21 octobre 2018
« Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, la philosophe retrace le silence sur ses origines juives et la maladie de son frère.
Philosophe, spécialiste de Diderot, attachée à la question juive et spécialiste de la cause animale – son ouvrage Le Silence des bêtes a ouvert toute la réflexion contemporaine sur les animaux –, Elisabeth de Fontenay a longtemps enseigné la philosophie à la Sorbonne.
Elle vient de publier un livre très personnel – Gaspard de la nuit (Stock) – consacré à son frère déficient, dont elle scrute le mystère en « enquêteuse incompétente, impatiente et inconsolée ».
Je ne serais pas arrivée là si…
Si ma mère n’avait pas été juive, si ma famille maternelle n’avait pas été exterminée à Auschwitz et si le secret dont tout cela a été entouré ne m’avait à la fois détruite et construite. C’est la première chose.
La deuxième : si cette longue catastrophe silencieuse qu’est mon frère Gaspard, handicapé mental, enfermé en lui-même et coupé du réel, n’avait influencé toute ma vie, y compris mes décisions philosophiques et politiques. En cela, je dis qu’il fut une sorte de maître intérieur.