Par Solène Cordier et Julia Pascual Publié le 10 octobre 2023
« J’ai besoin d’un alignement politique pour avancer ensemble », résume-t-elle, en invitant les représentants des départements, chefs de file de la protection de l’enfance depuis 1983, à « clarifier une position commune ». A l’heure actuelle, « toutes les options sont sur la table » pour redéfinir les engagements de l’Etat et des départements, assure la secrétaire d’Etat, y compris, « même si ce n’est pas sa logique première », « la renationalisation » de la protection de l’enfance.
Mercredi, l’Assemblée des départements de France doit voter une résolution sur ce sujet. Dans le projet de texte, que Le Monde a consulté, les départements dénoncent les défaillances de l’Etat sur ses champs de compétences (pédopsychiatrie, prise en charge du handicap…) et les conséquences que cela fait peser sur l’aide sociale à l’enfance.
L’accompagnement des mineurs isolés étrangers, dont 24 300 étaient pris en charge fin 2022, et le sujet sensible de l’évaluation de leur minorité sont au cœur du texte. Les départements réclament qu’un cadre national d’évaluation soit instauré par l’Etat, ainsi qu’un soutien financier supplémentaire. Evoquant des structures départementales d’accueil « saturées », malgré un budget global de près de 10 milliards d’euros, ils souhaitent que le gouvernement ait la responsabilité de la mise à l’abri de ces jeunes migrants le temps que leur âge soit déterminé, au titre de la politique migratoire.
Fractures politiques
Le conflit entre les départements et l’Etat sur ce sujet « est récurrent », souligne Corentin Bailleul, de l’Unicef. Mis en sourdine pendant la période de pandémie, il ressurgit à la faveur de la reprise des flux migratoires, et dans la perspective de la future loi sur l’immigration. Si le projet de texte – débattu en séance publique au Sénat à partir du 6 novembre – ne s’empare pas de la question des mineurs non accompagnés, il permet à la droite de faire monter les enchères sur le sujet. En mai, déjà, c’est le président Les Républicains (LR) du département des Alpes-Maritimes, Charles-Ange Ginésy, qui avait demandé de transférer à l’Etat la charge des jeunes migrants pendant la période d’évaluation de leur âge.
Sur ce point précis, Charlotte Caubel affirme, là encore, que toutes les options sont ouvertes. « Faut-il que l’Etat se charge de l’évaluation de la minorité de ces jeunes, de leur mise à l’abri – auxquels il contribue déjà – ou, plus largement, de leur prise en charge ? La question se pose. »
Tous les départements ne sont pas confrontés de la même manière à cette question, souligne-t-on au secrétariat d’Etat, dans la mesure où « 25 % des départements concentrent 60 % des évaluations de minorité ». La question révèle aussi des fractures politiques. Il y a quelques jours, dans le Territoire de Belfort, le président (LR) du conseil départemental, Florian Bouquet, a fait voter une délibération dans laquelle il déclare qu’il ne prendra plus en charge les mineurs non accompagnés. Une situation qui, si elle se matérialisait, placerait le département dans l’illégalité. « C’est un signal d’alarme envoyé sans finesse », regrette un cadre du ministère de l’intérieur.
Les départements de gauche s’opposent, eux, à une prise en charge différenciée pour les mineurs étrangers isolés. Les difficultés actuelles de recrutement que traversent tous les services de l’aide sociale à l’enfance, auxquelles s’ajoute l’arrivée des mineurs étrangers devraient renforcer l’engagement de l’Etat aux côtés des départements, plaide notamment Stéphane Troussel, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. « Cela passe par le fait de les faire accéder de manière prioritaire aux services de droit commun comme l’éducation, la santé, ce qui devrait être le cas pour tous les enfants accueillis en protection de l’enfance. » De gauche comme de droite, tous tombent d’accord : ce n’est pas le cas aujourd’hui.
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