L’Agence régionale de santé d’Ile-de-France a placé sous administration provisoire l’établissement. Trois familles ont déposé plainte pour des violences au cours des douze derniers mois.
En quelques jours, les procédures visant la maison d’accueil spécialisée (MAS) Virginie, aux Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), se sont accélérées. Le sort de la structure, qui accueille une vingtaine d’adultes en situation de handicap, en majorité autistes ou atteints d’autres troubles envahissants du développement, est désormais suspendu à plusieurs enquêtes, administratives et pénales.
Début juillet, une mère de famille dont le fils de 29 ans, Tedrick, vit là depuis huit ans et demi, tire la sonnette d’alarme. Monique François vient de recevoir de manière anonyme une vidéo, sur laquelle on entend un des encadrants menacer son fils de lui « péter les dents » avant de lui asséner un coup avec un bâton, lors d’une sortie organisée dans un stade.
Des photographies lui sont aussi envoyées, montrant des blessures sur le corps du jeune homme. « Un gros hématome sur la cuisse et une brûlure de cigarette sur le dos du pied, détaille-t-elle, images à l’appui. J’ai décidé de porter plainte au commissariat et ma fille a averti l’établissement de ces problèmes. » Une éducatrice à qui elle se confie alors l’encourage d’ailleurs à « faire quelque chose pour son enfant », affirme-t-elle, désireuse de ne pas jeter l’opprobre sur toute l’équipe.
La direction, après vérification des faits, entame rapidement une procédure de licenciement contre le salarié mis en cause. Mais l’affaire n’en reste pas là. L’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, alertée, diligente elle aussi une enquête. C’est la troisième en cinq ans visant cette structure, ouverte fin 2011, et la deuxième qui fait suite à un signalement pour violences. A compter de 2014, plusieurs signalements, liés à des dysfonctionnements divers, lui sont parvenus, dont treize depuis 2016.
« Mesure d’urgence »
Le 25 juillet, les inspecteurs de l’ARS toquent donc à la porte de la MAS Virginie. Lors de cette visite surprise, ils obtiennent confirmation des récents faits de maltraitance et relèvent notamment des carences de personnels. Verdict : « La sécurité des usagers n’est pas garantie. » La sanction ne tarde pas. Cinq jours plus tard, le 30 juillet, le placement sous administration provisoire de l’établissement, fondé en 2011 et géré par une association de parents d’enfants porteurs d’un handicap, l’AIPEI, est prononcé.
La décision revient à déléguer la gestion du lieu à une autre structure, en l’occurrence l’établissement public de santé mentale de Ville-Evrard, aussi situé en Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’une « mesure d’urgence prise en raison de la gravité des faits, afin d’assurer que les personnes accueillies puissent bénéficier d’une bonne prise en charge », précise-t-on à l’ARS.
Pour Jean Roberto, administrateur de l’AIPEI, l’association gestionnaire, « la personne licenciée a eu des gestes inqualifiables, et elle a été heureusement sanctionnée ». Mais « il serait vraiment dommage que cela détruise tout le travail réalisé par les autres professionnels, qui ne sont pas du tout solidaires de ces agissements », plaide le porte-parole, dont la fille fréquente elle-même l’accueil de jour de l’établissement.
Interrogée sur Franceinfo le 30 juillet, Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, a dénoncé pour sa part des « faits accablants ».
Le Défenseur des droits alerté
Devant l’ampleur prise par l’affaire, la situation rebondit aussi sur le plan pénal. Un mois après le dépôt de plainte de Mme François, le parquet de Bobigny, qui a ouvert une enquête préliminaire, a décidé de confier les investigations aux policiers parisiens de la brigade de répression de la délinquance contre la personne. Il s’agit en effet de la troisième plainte pour « violences volontaires sur personne vulnérable » émanant de familles dont les enfants sont accueillis à la MAS Virginie.
La première a été déposée en juillet 2018 par Hélène Ripolli, après plusieurs incidents. Depuis, cette retraitée, qui a également alerté le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ne décolère pas. Son fils Arnaud, âgé de 45 ans, est autiste et non verbal. En juin 2018, elle le retrouve à l’issue d’un séjour organisé par la MAS avec la main gauche bleuâtre, recouverte d’un hématome. L’équipe minimise, évoque un possible choc, sans davantage de détails.
Quelques jours plus tard, une radiographie qu’elle fait passer révèle une fracture de la main gauche. Quinze jours d’incapacité totale de travail (ITT) sont prescrits. « Ce n’était pas la première fois qu’il avait eu des blessures ; j’avais déjà déposé plusieurs mains courantes au commissariat », affirme Mme Ripolli, qui a tout noté dans un dossier.
En 2013, Arnaud se fracture l’humérus, dans des circonstances qui demeurent floues. L’année suivante, elle constate des « griffures terribles sur son dos, profondes et rouges ». On lui répond qu’il a heurté un placard. Quand, fin juillet 2018, elle est prévenue que son fils a été grièvement brûlé lors d’une douche, c’en est trop. « Il avait une énorme cloque, une brûlure au deuxième degré. On ne l’a même pas conduit aux urgences ! On m’a dit qu’il avait crié très fort, alors qu’il ne crie jamais », se souvient-elle avec émotion, mettant en cause la direction, qui a mis à pied quelques jours la personne ayant donné la douche. C’est après cet épisode que la septuagénaire s’est décidée à déposer plainte. Depuis, en attendant les conclusions de l’enquête, son fils est retourné vivre chez elle.
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