Un collectif de responsables associatifs, dans une tribune au « Monde », juge injustifiable que la « déclaration anticipée de volonté », prévue par le projet de loi bioéthique, ne soit pas étendue à tous les enfants conçus par don.
Publié le 30 juillet 2019
Tribune. Le projet de loi bioéthique est maintenant connu. Ouvrant la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, il propose un dispositif permettant aux couples de femmes d’établir la filiation à l’égard de leurs enfants conçus par don de gamètes par une « déclaration anticipée de volonté » signée par le couple dès le consentement au don.
Celle-ci permettra de sécuriser la double filiation avant même la naissance de l’enfant. L’expérience douloureuse des « mères sociales » ayant eu recours à une PMA à l’étranger, dépossédées de leur droit d’établir une filiation en cas de séparation du couple, nous rappelle qu’il était indispensable de mettre en place un dispositif refusant toute hiérarchie entre la mère qui accouche et celle qui n’accouche pas.
Appelée de nos vœux, cette déclaration commune de volonté permettra de reconnaître l’engagement parental comme fondement commun de la filiation des deux mères. En portant la mention sur l’acte intégral de naissance de l’enfant, l’Etat signifie à celui-ci qu’aux yeux de notre droit ses deux mères sont parfaitement à égalité de statut et de droits.
Alors pourquoi ne pas avoir étendu ce dispositif aux couples de sexe différent ? Pour ne pas « toucher au dispositif actuel pour les parents hétérosexuels », selon le gouvernement. Or on se souvient que, en cas de recours au don, la filiation a été instaurée en 1994 selon les modalités de la filiation dite « charnelle », dans le but avoué de permettre aux parents de se faire passer pour les géniteurs de l’enfant. Le recours au don de gamètes était alors marqué du sceau du secret médical, considéré comme relevant de la vie privée des parents. Mais, aujourd’hui, la société a évolué et chacun reconnaît que l’enfant a droit à la vérité de son histoire et de son identité personnelle.
Certains poussent des cris d’orfraie en affirmant que les enfants conçus par don seraient « stigmatisés » si la mention de cette déclaration était portée sur l’acte intégral de naissance. Mais de nombreuses mentions existent déjà : filiation établie par un jugement d’adoption, par une possession d’état [au regard de la réalité affective d’une famille] ou encore par la reconnaissance du père non marié. Ces enfants n’ont jamais été stigmatisés par ces mentions qui donnent pourtant des indications indirectes sur leur conception.
Les personnes conçues par don seront-elles stigmatisées par la mention de la « déclaration anticipée de volonté » ? Certainement pas, d’autant que les extraits de naissance, seuls communicables aux tiers, n’en feront pas état. Pour les familles homoparentales, cet argument pousse le ridicule encore plus loin : la mention des deux mères sur l’acte de naissance signifiera qu’il y a eu don, et ce quel que soit le mode d’établissement de la filiation choisi. Ces familles homoparentales seront-elles alors stigmatisées ?
Créer un sentiment factice de honte
La réalité est que le stigmate a été entièrement construit, artificiellement, par la logique toujours en place du secret et du mensonge. Voilà comment créer un sentiment factice de honte. Il est temps de sortir de cet héritage d’allégeance au modèle « biologique » qui n’a fait que du mal, et de revendiquer que les familles issues de don sont des familles tout aussi dignes que les autres.
Aujourd’hui, les personnes conçues par don sortent de l’ombre où elles étaient maintenues. Lorsqu’une centaine d’entre elles témoignent nominativement dans une tribune publiée dans Le Monde daté du 5 juin, soutenues par leurs proches et par 150 personnalités, elles disent haut et fort qu’elles ne portent aucun stigmate et qu’elles veulent connaître leurs origines. Un point c’est tout.
Il est injustifiable que le dispositif de « déclaration anticipée de volonté » ne soit pas étendu à tous : pour le même geste médical, le dispositif de filiation variera en fonction de l’orientation sexuelle des parents ! Seuls les enfants des familles composées de deux mères auront une garantie d’accès à leur histoire et à leurs origines. Le maintien du dispositif d’établissement de la filiation à l’égard des parents hétérosexuels a pour but, de l’aveu même du Conseil d’Etat, de permettre de ne pas révéler le recours au don à l’enfant, pourtant premier concerné.
Quand on défend un projet de loi qui maintient une filiation pseudo-charnelle pour les parents hétérosexuels qui recourent au don, on commet une double faute : on traite à part les mères lesbiennes et leur famille au risque de les montrer du doigt, on discrimine les enfants de parents hétérosexuels en leur refusant une garantie d’accès à leurs origines. Qu’on ne s’y trompe pas, à défaut de pouvoir interdire le don, La Manif pour tous veut pouvoir le dissimuler et revendique a minima le statu quo pour les parents hétérosexuels.
Il faut impérativement amender ce projet de loi et étendre la « déclaration anticipée de volonté » à tous les enfants conçus par don. Quel que soit le sexe de leurs parents, les enfants doivent bénéficier des mêmes garanties au regard de leur droit d’accès à leurs origines. Ces enfants aujourd’hui adultes sont de plus en plus nombreux à le revendiquer, comme ceux de l’association PMAnonyme,principale association nationale de personnes conçues par don. Ils aiment leur famille et ne confondent nullement leurs parents et leur donneur. Quand ils affichent publiquement leur conception par don dans les médias, ils ne montrent aucun stigmate mais démontrent au contraire des valeurs et une indépendance de caractère qu’on appelle la fierté.
Les signataires : Anne Abrard, présidente de Les Cigognes de l’espoir ; Vincent Brès, président de PMAnonyme ; Jean-Bernard Geoffroy, président du Ravad ; Frédérick Getton, président de Centr’égaux ; Valérie Leux, présidente de Stop homophobie ; Larissa Meyer, présidente du Réseau Fertilité France ; Sandrine Ngatchou,présidente de l’Utasa ; Lennie Nicollet, président d’Homosexualités et socialisme ; Laëtitia Poisson-Deleglise, présidente de l’association MAIA ; Denis Quinqueton, codirecteur de l’Observatoire LGBT +, de la Fondation Jean-Jaurès ; Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales.
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