Petite chronique inattendue d'une vieillesse sans tabou
Il fait chaud, L’été se fait intense, mais c’est bien. Le souffle d’un ventilateur nous berce lentement ; une somnolence propice à la rêverie.
Je tiens sa main ; toutes les deux assises, immobiles, je laisse mes pensées vagabonder.
Cette première rencontre, je m’en souviens comme si c’était hier ; comment aurais-je pu imaginer que les cinquante trois années suivantes je les aurais passées avec lui. Il était beau, il me trouvait belle, il me désirait, nous avons eu deux enfants.
J’adorais mettre cette robe, une robe d’été imprimée de grosses fleurs rouges : des pivoines, des coquelicots ? Les enfants jouaient, leur père riait avec eux. L’espace d’un instant, un sentiment de bonheur ...
Mes enfants sont loins, je ne les vois plus souvent : ils font leur vie, c’est ce qu’on dit. Je leur ai donné une partie de la mienne, c’est normal.
Vieillir, c’est une mauvaise surprise. Lorsque je suis tombée ils m’ont dit que je ne pouvais plus rester seule à la maison. C’est sans doute par amour qu’ils ont pris cette décision ; je n’ai pas eu la force de m’y opposer.
Mon quotidien, entourée de quelques uns de mes objets, s’est réduit à une chambre et à un rythme que je n’ai pas choisi. Quand je suis arrivée, je pensais que je n’aurais plus le désir de vivre, mes souvenirs ne suffiraient pas. Est-ce que l’on apprend à vieillir ?
Je comptais sur la lassitude de mon corps pour progressivement m’échapper en douce, m’éloigner de la vie, laisser mes désirs s’effacer, me résigner. Puis j’ai rencontré Françoise...
Nous nous retrouvions, à heures fixes, avant le repas, on nous avait mis à la même table. Elle me racontait des bribes de sa vie passée. Je l’écoutais distraitement, mon silence devait l’encourager ; parfois nos regards se croisaient et je me suis laissée apprivoiser.
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