Le texte, qui devait être présenté lors du conseil des ministres mercredi 24 juillet, sera débattu enseptembre à l’Assemblée nationale.
Par Paul Benkimoun Publié le 23 juillet 2019
Les arbitrages ont été rendus et le projet de loi de bioéthique devait être présenté en conseil des ministres mercredi 24 juillet, par Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, Nicole Belloubet, ministre de la justice, et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Sur deux points sensibles, la filiation des enfants conçus par une procréation médicalement assistée (PMA, le milieu médical parle d’assistance médicale à la procréation, AMP) avec tiers donneur et la possibilité pour ces enfants d’accéder par la suite à leurs origines, le texte initial soumis au Conseil d’Etat comprenait des options alternatives. Ce dernier s’est prononcé le 18 juillet, dans un avis dévoilé, le 22 juillet, par Mediapart. Pour la filiation, le gouvernement a tranché en faveur d’un régime particulier pour les couples de femmes. L’accès à l’identité du donneur sera possible si celui-ci a donné son consentement préalablement à son don.
La mesure-phare parmi les trente-deux articles du projet de loi de bioéthique, dont le texte sera débattu à l’Assemblée nationale à la mi-septembre selon le ministère de la santé, est l’élargissement aux couples de femmes et aux femmes seules de l’accès à la PMA, jusqu’ici réservée aux couples hétérosexuels souffrant d’infertilité.
Une ouverture qui « relève d’un choix politique », estime le Conseil d’Etat, qui ne voyait pas dans les règles encadrant jusqu’ici la PMA une atteinte au principe d’égalité. La décision du gouvernement d’étendre aux couples de femmes et aux femmes seules revient donc à fonder le recours à la PMA non plus sur une cause médicale mais sur un projet parental.
Le projet de loi prévoit la prise en charge par la Sécurité sociale de ces PMA, une disposition approuvée par le Conseil d’Etat comme un « traitement égalitaire » en matière de protection sociale. Le coût additionnel, calculé par le Conseil d’Etat – une première –, serait de 10 millions à 15 millions d’euros par an, soit une hausse de 5 % du coût annuel total de la PMA, qui s’élève à 300 millions d’euros.
Déclaration anticipée devant un notaire
Si ces dispositions étaient clairement fixées dans le projet de loi soumis au Conseil d’Etat, le gouvernement avait laissé ouvertes deux questions sur lesquelles existent de fortes demandes contradictoires entre associations, juristes et parlementaires : la filiation et l’accès aux origines pour les enfants conçus grâce à une PMA avec un tiers donneur. Pour les deux articles, deux rédactions étaient soumises à l’avis du Conseil d’Etat.
Actuellement, les couples hétérosexuels ayant un projet parental nécessitant une PMA avec don de gamètes doivent signer un consentement devant un juge ou un notaire afin de rendre incontestable la filiation les reliant à l’enfant à naître. A la naissance, le statut de mère est reconnu à la femme qui accouche, celui de père est accordé automatiquement à l’époux ou, si le couple n’est pas marié, après déclaration du conjoint à l’officier d’état civil.
Le projet de loi pose l’égalité des modes de filiation à l’exception de l’adoption simple. Il introduit un dispositif d’établissement de la filiation par la déclaration anticipée de la volonté rendant compte du projet parental, qui sera présenté après la naissance à l’officier d’état civil. Celui-ci devra l’indiquer dans l’acte de naissance de l’enfant.
Dans une première version, le régime s’appliquerait à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, ainsi qu’aux femmes seules. Dans la seconde, plus restrictive, il ne concernerait que les couples de femmes.
S’il reconnaissait que la première version offrait une cohérence en plaçant tous les enfants conçus avec une PMA dans une même situation de connaissance de leur mode de conception, le Conseil d’Etat avait recommandé cette seconde option afin que les couples hétérosexuels conservent « la liberté dans le choix de révéler ou de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception ». Une différence de traitement avec celui réservé aux couples de femmes que le conseil d’Etat justifiait par une « vraisemblance biologique » qui serait « radicalement inapplicable » aux couples de femmes. A l’inverse, diverses associations LGBT, homoparentales et de personnes conçues par PMA dénoncent la stigmatisation qui découlerait de la présence de ces informations sur l’acte de naissance.
Le gouvernement a tranché dans le sens du Conseil d’Etat, indique le ministère des solidarités et de la santé : les couples de femmes recourant à une PMA effectueront une déclaration anticipée de volonté devant notaire et la présenteront, une fois l’enfant né, à l’officier d’état civil, qui l’inscrira sur l’acte de naissance intégral. La double filiation maternelle sera ainsi établie.
Accès à l’identité du donneur
L’autre arbitrage a porté sur l’accès aux origines des enfants conçus par le biais d’une PMA avec un tiers donneur. Les trois quarts des personnes interrogées dans un sondage IFOP réalisé en mai s’étaient déclarées favorables à ce que les enfants ainsi conçus puissent accéder à l’identité du donneur. Dans son avis 129 en date du 25 septembre 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’était prononcé dans le même sens, mais en « respectant le choix du donneur ».
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Le projet de loi ouvre un nouveau droit aux personnes nées d’une PMA avec un tiers donneur qui, à leur majorité, pourront, sans condition, accéder aux informations non identifiantes relatives au tiers donneur, avec la mise sur pied d’une commission d’accès aux origines. Celle-ci sera un intermédiaire entre les personnes conçues dans le cadre d’une PMA avec donneur et l’Agence de la biomédecine (ABM), qui sera dépositaire de toutes les données sur les donneurs, les dons et les enfants issus de ces dons.
Les deux variantes envisagées portaient sur l’accès à l’identité du tiers donneur, permis dans la première version dès lors que le donneur y a expressément consenti au moment de son don et, dans la seconde, soumis à la condition du consentement du donneur au moment de la demande d’accès par l’enfant devenu majeur.
Là encore, le Conseil d’Etat avait penché pour la seconde option qui présentait, selon lui, « un plus juste équilibre des intérêts » de l’enfant et du donneur dont la vie privée serait mieux respectée. A l’inverse, le gouvernement a choisi de permettre l’accès de l’enfant, dix-huit ans au moins après sa naissance, à l’identité du donneur dès lors que celui-ci y aura consenti préalablement à son don. Si le donneur ne donne pas préalablement son consentement, son don ne sera pas accepté.
Ce régime s’appliquera pour les nouveaux dons. Au cours de la période de transition, plutôt que de solliciter individuellement les anciens donneurs, le gouvernement a opté pour les laisser se manifester spontanément, une fois que la mise sur pied de la commission d’accès aux origines aura été annoncée publiquement, précise l’entourage d’Agnès Buzyn. C’est à cette même commission que pourront s’adresser les personnes souhaitant lever un doute qu’elles auraient sur leur mode de conception. Après consultation de l’ABM, la commission pourra indiquer s’il y a eu un don ou non.
Insémination post mortem
Dans son avis, contrairement au gouvernement qui y est hostile, le Conseil d’Etat a recommandé de lever l’interdit sur le transfert d’embryons et l’insémination post mortem avec les gamètes du mari prélevés avant son décès. L’institution jugerait « paradoxal » que ce qu’une femme seule pourrait réaliser avec un tiers donneur ne soit pas permis à une femme qui avait un projet de PMA avec son époux décédé.
Dans son avis 129, le CCNE se déclarait également « favorable à l’ouverture de la PMA en post mortem, c’est-à-dire au transfert in utero d’un embryon cryoconservé après le décès de l’homme, sous réserve d’un accompagnement médical et psychologique de la conjointe ».
Sur les autres sujets, hors PMA, le texte du projet de loi n’a pas varié. Il assouplit les dispositions concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, qui devront faire l’objet d’une déclaration préalable, et non plus d’une autorisation préalable par l’ABM. Il élargit la possibilité pour tout individu de faire prélever et conserver ses gamètes, par exemple « en vue de la réalisation ultérieure, à [son] bénéfice » d’une PMA.
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