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lundi 1 octobre 2018

L’école peine à s’adapter aux enfants handicapés

Les parcours à la carte voulus par « l’école inclusive » promise par Emmanuel Macron restent difficiles à mettre en œuvre.
LE MONDE  |  Par 

AUREL
Depuis la rentrée, Sabrina est inquiète. Son fils de 13 ans, Enzo, se rend seul au collège, faute d’une personne nommée pour l’aider au cours de la journée. « Multidys », il souffre de troubles variés dont la dyspraxie, la dyslexie et la dysorthographie. Normalement, Enzo devrait être accompagné douze heures par semaine au collège par un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH). Mais, pour pouvoir suivre une filière professionnelle, Enzo a fait sa rentrée en 3e dans un nouvel établissement où son ancienne AESH n’a pas pu le suivre, faute de contrat disponible pour elle.
Le fils de Sabrina fait partie des 340 000 enfants handicapés scolarisés cette année dans « l’école inclusive » portée par le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, et la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel. Au total, 80 000 enfants sont pris en charge dans des instituts spécialisés, où les heures d’enseignement sont variables selon les cas. Le nombre d’enfants handicapés pris en charge par l’école elle-même a augmenté de 6 % par rapport à la rentrée précédente. Ils n’étaient que 100 000 en 2006.

« Il n’y a plus de solutions à l’extérieur de l’école et les familles doivent savoir que, même si c’est difficile, dans l’intérêt de leur enfant et pour son bien-être futur elles doivent s’accrocher »,insiste Sophie Cluzel, pour qui le système scolaire a trop longtemps proposé des filières fléchées, par opposition au « parcours personnalisé avec des périodes en classe ordinaire » qui devait devenir la norme à partir de la loi sur le handicap de 2005. En pratique, ces parcours « à la carte » ressemblent souvent à un parcours du combattant pour les parents.
Un métier peu attractif
La clé de voûte du parcours « personnalisé », c’est bien souvent la présence d’un accompagnant, qui permet à l’enfant de rester en classe dite « ordinaire », comme c’est le cas pour Enzo. Ils sont 110 000 en France, pour 175 000 enfants scolarisés qui en ont besoin – certains accompagnants s’occupent de plusieurs enfants à la fois.
Cette année, plus de 3 500 postes d’accompagnants ont été créés. Pourtant, comme à chaque rentrée, les associations ont alerté sur les enfants qui n’ont pu rejoindre l’école, faute d’accompagnants. Impossible de connaître leur nombre exact, qui évolue chaque jour. Le ministère précise que la cellule « Aide handicap école », qui gère ces problèmes, a reçu moins d’appels qu’à la rentrée 2017.« Beaucoup de parents ne savent pas qu’elle existe », tempère Emmanuel Jacob, expert scolaire auprès de l’Unapei, la fédération d’associations d’aide aux personnes handicapées.
Pour les associations, l’absence de données précises sur le nombre d’élèves en attente est caractéristique de la gestion du handicap en France. « Ne pas communiquer les données, c’est maintenir un tabou sur le handicap », s’agace Anne-Charlotte Chéron, chargée de la communication de l’Unapei. L’administration, elle, évoque un nombre « incompressible » de cas : les notifications donnant droit à l’accompagnement déclenchent un recrutement qui peut prendre plusieurs semaines. Dans l’académie de Paris, par exemple, plus de 880 élèves supplémentaires y ont droit en cette rentrée, dont 500 cas n’ont été communiqués qu’au cours de l’été. « Nous recrutons des dizaines d’accompagnants par semaine », précise l’académie, qui ajoute que le nombre d’élèves en attente est inférieur à celui de la rentrée 2017.
Mais la difficulté à recruter des accompagnants – un métier peu attractif avec un salaire faible – n’est pas le seul obstacle rencontré par les parents dans ce « parcours à la carte » censé coller aux besoins de leurs enfants. Côté enseignant, on déplore aussi un manque de formation. Une enseignante de primaire du Nord, qui a souhaité garder l’anonymat, raconte avoir passé l’année scolaire 2017-2018 avec une classe de CP accueillant un enfant autiste. Si elle se félicite d’une « bonne communication avec les spécialistes et avec les parents », ce lien précieux n’est « pas toujours possible », et varie d’un cas à l’autre. « On reste mal formés pour accueillir ces élèves et je ne peux pas dire que c’était simple, ajoute-t-elle. Mon élève perturbait la classe et l’école manquait de choses dont on aurait eu besoin, comme par exemple un coin repos, avec une personne pour surveiller… Cela existe en institutions spécialisées, mais pas chez nous. »
Forte rupture au collège
Dans une classe du collège-lycée Elie-Vignal, à Caluire-et-Cuire (Rhône), le 1er septembre 2016. L’établissement accueille des enfants malades ou en situation de handicap.
S’il est impossible de dresser un parcours type de l’élève handicapé, il est certain que, pour les handicaps les plus lourds, le temps passé à l’école dite ordinaire décline progressivement, avec une forte rupture à l’entrée au collège.
Pour certaines familles, la scolarité devrait même s’arrêter assez tôt… encore faut-il qu’il soit possible de sortir l’enfant de l’école et de l’accueillir dans un centre spécialisé. Emy, la fille d’Amélie, attend une place depuis trois ans. Elle souffre d’un handicap mental lié à une maladie génétique rare. Scolarisée en maternelle depuis ses 4 ans, elle est toujours en grande section, alors qu’elle en a 7 aujourd’hui. Sans solution, la mère de famille continue à mettre Emy à l’école maternelle plusieurs matinées par semaine, avec le soutien d’une maîtresse « formidable ». Mais tout serait plus simple si Emy était prise en charge dans un centre spécialisé, où l’orthophoniste et la psychomotricienne sont sur place. « Je dois prendre deux jours de présence parentale par semaine pour courir les rendez-vous », explique la jeune maman qui élève seule ses deux filles.
Sophie Biette est présidente d’une association de parents d’enfants handicapés pour la Loire-Atlantique, le département où vivent Emy et sa famille. Selon elle, ce cas n’est pas isolé et plus de 800 enfants dans le département attendent une place dans des instituts spécialisés. Certains sont maintenus faute de mieux dans des classes ordinaires ou spécialisées, les « ULIS », qui ne leur conviennent plus, et où ils ne peuvent donc pas rester toute la journée. Pour Emmanuel Jacob, de l’Unapei, les parcours personnalisés promis par l’école inclusive ressemblent encore trop à des « petits bouts de prise en charge » qui obligent les familles à cesser, au moins en partie, de travailler. Avec les conséquences sociales que l’on connaît.

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