| 31.08.2018
Crédit Photo : PHANIE
Edvard et May-Britt Moser n’ont pas pour habitude d’emprunter les sentiers battus. Il y a treize ans, ces neuroscientifiques de l'Institut Kavli, en Norvège, décryptaient le GPS du cerveau, fondé sur des « cellules de lieu » qui permettent de se repérer dans l’espace. La découverte leur a valu le prix Nobel de médecine en 2014 avec l’Américain John O’Keefe. Aujourd’hui, ils s’attaquent à la face Nord d’un nouvel Himalaya : la façon dont le cerveau code le temps et plus particulièrement les événements. Une tâche qu’ils attribuent à une zone du cerveau considérée comme la voie d’entrée vers le siège de la mémoire et dont on ignorait la fonction, le cortex entorhinal latéral (CEL).
« Peu de neuroscientifiques se sont penchés sur la façon dont le cerveau code le temps, commente Valérie Doyère, directrice de recherche CNRS à l’Institut des neurosciences Paris-Saclay. Une des raisons est qu’on ne peut monter une expérience classique avec un groupe test et un groupe contrôle. Il faudrait que le groupe contrôle ne perçoive pas le temps. » Cela impose de concevoir des expériences différemment, tout en garantissant qu’elles soient pertinentes.
Des essais chez le rat
Ici, des rats ont été soumis à 12 essais identiques, consistant à être placés pendant 36 minutes dans une boîte dont les murs étaient soit blancs, soit noirs. Ils pouvaient s’y mouvoir librement, puis avaient une pause avant de recommencer le même essai. Pendant plus d’une heure, les scientifiques ont enregistré, grâce à des électrodes, l’activité de neurones précis. Ces derniers appartenaient au CEL mais aussi à d’autres structures cérébrales, le cortex entorhinal médian, siège des cellules de lieu, et le siège de la mémoire lui-même, l’hippocampe.
Ils ont alors découvert que, quelle que soit l’expérience, certains neurones du CEL montraient une activité croissante à mesure que l’essai avançait en temps. Cette activité diminuait brutalement pendant les pauses. Mais dès que le rat reprenait un nouvel essai, l’activité de ces cellules nerveuses recommençait à augmenter.
Environ 20 % des neurones du CEL se comportent de cette manière. L’analyse statistique, qui est aujourd’hui « la meilleure façon de décoder le langage du cerveau », selon Valérie Doyère, a révélé que cette dynamique d’activité unique est liée au tempo d’un événement. Pour les Moser et leur équipe, le CEL code ainsi le contexte temporel d’un événement. Ils proposent un rôle au CEL si intensément connecté au siège de la mémoire.
Associer le où et le quand
Or l’autre voie d’entrée vers ce siège, c’est le cortex entorhinal médian. Que contient-il ? Les cellules du lieu qui codent l’emplacement de l’organisme dans l’espace. L’hypothèse des Moser est alors assez séduisante : CEL et cortex entorhinal médian enverraient leurs informations à l’hippocampe qui les associerait. Chaque événement mémorisé contiendrait alors lieu et le moment, « le où et le quand », écrivent-ils. Évidemment, ce travail est très préliminaire et reste à être confirmé, renforcé. Pour Valérie Doyère, il s’agit toutefois d’une « jolie démonstration ».
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