En janvier 1963 à l’hôpital Trousseau, à Paris. Elle a fondé avec Jacques Lacan l’Ecole freudienne de Paris en 1964.Photo Michele Brabo. Opale. Leemage
La célèbre thérapeute pour enfants, morte le 25 août 1988, reste un personnage clé de l’histoire de la psychanalyse française.
Virginie Linhart, 52 ans, réalisatrice, prépare un documentaire sur Françoise Dolto : «J’ai été sidérée par la modernité de sa pensée»
«Françoise Dolto a longtemps représenté pour moi l’archétype de la psychanalyste un peu démodée. L’icône des parents de la génération 68, avec leurs idées dépassées autour de "l’enfant roi" et du "tout est permis". J’avais tout faux. Il y a un an, pour la préparation d’un documentaire que je réalise sur elle (1), j’ai commencé à écouter ses conférences, ses entretiens, puis je l’ai lue. J’ai été sidérée par la modernité de sa pensée, l’utilité de ses réflexions, et par sa drôlerie.
«L’œuvre de Françoise Dolto est à mes yeux une boîte à outils formidable pour les parents d’aujourd’hui. Si vous voulez faire un vrai cadeau à de jeunes parents, offrez-leur Lorsque l’enfant paraît plutôt qu’un nounours ! S’ils le lisent, ils gagneront un temps fou… Elle explique, éclaire et déculpabilise. Je n’ai qu’un regret : ne pas l’avoir découverte quand j’étais jeune maman ! Je crois que j’aurais été moins angoissée. J’ai élevé mes trois enfants comme je pouvais, de manière assez hasardeuse, à l’instinct. Découvrir Dolto m’a beaucoup éclairée rétrospectivement. Désormais, je me sers de Dolto au quotidien, y compris avec ma fille aînée de 20 ans ! Et ça fonctionne.»
Eliane Phely, 77 ans, ancienne auditrice sur France Inter de «Lorsque l’enfant paraît» : «Avec elle, on est passé à la compréhension de l’enfant»
«Quarante ans après, je me souviens de sa voix posée, très claire, assez rapide, parfois enjouée. Tous les jours à 14 h 15, du lundi au vendredi, de 1976 à 1978, j’ai écouté Lorsque l’enfant paraît sur France Inter. Je n’en ratais pas une. A cette époque, il n’y avait pas d’émission de grande écoute consacrée à l’éducation des enfants. C’était une première, il y avait une attente formidable. Ce que j’aimais chez elle, c’était son sens des réalités. En tant que médecin, elle n’était pas que psychanalyste. Colères, caprices, pipi au lit, l’enfant qui ne dort pas ou qui ne mange pas, elle analysait tous les comportements de la petite enfance et en un quart d’heure, elle disait tout : des conseils précis, sages, réconfortants, faciles à appliquer. Des trucs pour coucher les enfants par exemple. J’ai essayé de suivre ses conseils, elle m’a sûrement aidée dans l’éducation de mes trois enfants : ne pas crier plus que l’enfant crie. Quand le parent commence à crier, c’est déjà trop tard.
«J’ai été une mère assez ferme, et je suis une grand-mère assez ferme - j’ai cinq petits-enfants -, exigeante sur les règles de politesse ou sur la tenue à table par exemple. Jamais, je n’ai été choquée par les propos de Françoise Dolto. L’enfant-roi ? Non ! Au contraire, elle a donné à l’enfant une place qu’il n’avait pas. Avant Dolto, l’éducation - que j’ai reçue - était «sois sage et tais-toi». Avec elle, on est passé à la compréhension de l’enfant. Or à partir du moment où on comprend l’enfant, on lui donne de la liberté.»
Hélène Pla, 32 ans, pédiatre aux urgences du CHU de Rennes : «J’ai beaucoup étudié Freud, Lacan, mais jamais Dolto»
«Je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu parler de Françoise Dolto durant mes études de médecine. Pas même durant les cours de psychologie ou durant mon internat en pédiatrie. On a beaucoup étudié Freud, Lacan, mais jamais Françoise Dolto. Et pourtant, dans ma pratique quotidienne, je fais du Dolto tous les jours. L’une des grandes idées de la psychanalyste était de dire que tout est langage. Je suis complètement d’accord. Durant une consultation avec un bébé, par exemple, avant même de l’examiner, je sais souvent où se situe le problème. J’ai appris à lire la gestuelle de l’enfant qui ne parle pas encore, je peux le comprendre rien qu’en observant son comportement et ses réactions. Concrètement, je fais du Dolto.
«Aussi, je vais systématiquement dire la vérité à un enfant, dès l’âge de 10-11 ans. Je ne leur mens jamais, même s’il faut leur annoncer qu’ils sont atteints d’un cancer, même si les parents ne veulent pas qu’on leur dise. De la même manière, je vais dialoguer avec un enfant comme je parlerais à un adulte. Sans infantilisation. Tout cela, ce sont des principes véhiculés par Françoise Dolto. Alors peut-être que nous ne l’avons jamais étudiée en cours, mais il est certain que cette dame a changé, inconsciemment, notre regard sur les enfants.»
(1) Françoise Dolto, l’enfance au cœur, prochainement sur France 2.
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