Le pape a dit que les enfants homosexuels pouvaient recourir à la « psychiatrie ». Un mot polémique, qui a été supprimé du compte rendu fait par le Vatican
LE MONDE |
Recourir à la « psychiatrie » lorsqu’un jeune enfant présente « des tendances homosexuelles » : cette suggestion faite par le pape François, dimanche 26 août au soir, lors de la conférence de presse donnée dans l’avion qui le ramenait d’une visite en Irlande, a fait vivement réagir.
Le gouvernement français a ainsi fustigé des propos« incompréhensibles et indéfendables », par la voix de la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations homophobes, Marlène Schiappa : « Je comprends que les personnes [concernées] puissent se sentir stigmatisées par ces propos », a-t-elle déclaré sur RTL, en jugeant la recommandation du pape « extrêmement maladroite ». Les associations de défense des droits LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans) en France ont dénoncé, elles aussi, des paroles « irresponsables ».
Le chef de l’Eglise catholique a tenu ces propos en réponse à un journaliste qui lui demandait ce que pouvait dire un père catholique à son fils lorsqu’il apprend que celui-ci est homosexuel. « Je lui dirais premièrement de prier, de ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille, donner une place pour qu’il s’exprime. »
Le pontife argentin a ensuite fait une distinction en fonction de l’âge de l’enfant :
« C’est une chose quand cela se manifeste dans l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C’est autre chose quand cela se manifeste après 20 ans. Je ne dirai jamais que le silence est un remède. Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité. Tu es mon fils, tu es ma fille, comme tu es. Je suis ton père ou ta mère : parlons. »
« Ne pas altérer la pensée du pape »
Dans la transcription officielle (en italien, consultable sur le site du Vatican) de cette conférence de presse publiée lundi matin par le service de presse du Saint-Siège, le mot « psychiatrie » a cependant été omis. Une de ses responsables a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) que ce terme avait été laissé de côté « pour ne pas altérer la pensée du pape ».
« Quand le pape se réfère à la “psychiatrie”, il est clair qu’il le fait comme un exemple qui rentre dans les différentes choses qui peuvent être faites, explique cette source. Mais, avec ce mot, il n’avait pas l’intention de dire qu’il s’agissait d’une maladie psychiatrique, mais que peut-être il fallait voir comment sont les choses au niveau psychologique. »
Le fait est que l’emploi du mot « psychiatrie » a sans doute brouillé un message que, depuis le début de son pontificat, François veut plus ouvert pour les gays. « Qui suis-je pour juger ? » – une phrasedite au cours d’une conférence de presse, en 2013, à propos des personnes homosexuelles – est sans doute la plus connue de ce pape. Celui-ci n’a en revanche en rien fait évoluer la doctrine catholique en la matière, qui continue de considérer l’homosexualité comme une conduite « intrinsèquement désordonnée » et non conforme au « plan de Dieu ».
« Juan Carlos, que tu sois gay, ça m’est égal »
Depuis les deux synodes sur la famille, en 2014 et en 2015, le message diffusé par le Vatican insiste néanmoins sur l’importance, pour l’Eglise catholique, « d’accueillir » et « d’accompagner » les gays et leurs familles, et non de les rejeter. Par rapport aux évolutions qu’a connues la société dans son ensemble, on peut trouver cette inflexion infinitésimale, mais elle existe.
En avril, à l’une des victimes chiliennes d’un prêtre condamné par l’Eglise pour abus sexuels, François avait dit, en tête à tête : « Juan Carlos, que tu sois gay, ça m’est égal. Dieu t’a fait ainsi et t’aime ainsi et à moi ça m’est égal. Tu dois être heureux d’être comme tu es », selon des propos rapportés par la suite par le Chilien au quotidien espagnol El Pais.
Quant à la référence à la « psychiatrie », il ne faut sans doute pas l’entendre comme une incitation à essayer de « soigner » son enfant dans le but d’en faire un hétérosexuel – comme certaines « thérapies » se réclamant du christianisme affirment pouvoir le faire. Par ce mot malheureux, le pape a peut-être voulu préconiser un recours pour détecter un éventuel mal-être chez de jeunes enfants se découvrant homosexuels.
Dans la bouche de Jorge Mario Bergoglio – l’état civil du pape François – les distinctions entre psychiatrie, psychologie et psychanalyse ne sont par ailleurs pas nécessairement très précises, ni connotées négativement. En bon Argentin, il a révélé avoir lui-même suivi « une psychanalyse » pendant six mois, autour de la quarantaine, en Argentine.
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