20.07.2018
Après l’internat, le jeune médecin exerce souvent comme remplaçant. Le Dr Claire Konzelmann, 30 ans, aujourd’hui généraliste à la Garennes-Colombes, peut témoigner des difficultés de ce type d’exercice, expérimenté au sortir de son internat en 2015. Elles l’ont menée à se questionner : que pensent les patients des remplaçants ? La jeune remplaçante en a fait son sujet de thèse, qui sera primée en juin 2018 par l'Ordre des Hauts-de-Seine. D’après ses conclusions, les patients perçoivent bien les remplaçants et ont foi dans leurs connaissances théoriques.
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Quel a été votre parcours depuis l’internat ?
Après mon internat, en novembre 2015, je me suis mise à chercher des remplacements. Encore non thésée, c’est tout ce que je pouvais faire. J’ai exercé ainsi au centre de santé du Rond-Point de l'Europe à Garenne-Colombes pendant un an et demi. Pour y demeurer, je devais valider ma thèse. Cela m’a motivée. Je suis aujourd’hui CDIsée comme médecin installée depuis le printemps 2017. Je ne suis plus remplaçante, mais en pratique, cela ne change pas grand-chose, car je reçois globalement les mêmes patients.
Votre thèse porte sur la perception qu’ont les patients des remplaçants. Pourquoi ce sujet ?
Alors que j’étais remplaçante non thésée, une patiente m’a consultée pour une fatigue inhabituelle. Mon examen n’a rien révélé de particulier. J’ai prescrit une prise de sang dont les résultats étaient normaux. Par la suite, la fatigue persistant, elle a consulté les urgences d’un hôpital, où des examens poussés ont détecté une hémopathie maligne (cancer du sang). Il s’agissait d’une macroglobulinémie de Waldenström, maladie rare et indétectable au stade de la consultation généraliste.
En m’apprenant la nouvelle, sa fille m’a reproché de ne pas avoir initié d’examens complémentaires, qui auraient permis un diagnostic plus précoce. Elle m’a menacée de plainte. J’ai été très perturbée.
Qu’avez-vous ressenti ?
J’ai pensé n’avoir pas été à la hauteur, remis en cause mes connaissances théoriques, mes capacités, mon rôle : aurais-je dû penser à cette maladie ? J’ai aussi eu peur pour mon poste.
D’après mon témoignage, les médecins que je remplaçais n’auraient pas non plus pensé à une pathologie grave dès le premier rendez-vous. Puis les choses se sont calmées, j’ai débriefé les faits avec la patiente et sa fille, il n’y a pas eu de plainte. Je suis même aujourd’hui leur médecin traitant.
J’ai repris confiance, forte d’une histoire qui m’a fait penser aux difficultés des jeunes remplaçants comme sujet de travail possible. J’en ai parlé à une directrice de thèse. On a finalement décidé de s’attarder sur la perception qu’avaient les patients des médecins remplaçants. Question à laquelle des entretiens avec huit patients, ainsi que des séances d’observation dans une salle d’attente m’ont permis de faire écho.
À quelles conclusions avez-vous abouti ?
Les remplaçants bénéficient globalement d’une image positive auprès des patients, qui ont foi dans leurs connaissances théoriques. Les entretiens que j’ai menés font ressortir chez eux une vision « en miroir » de celle de leur propre médecin traitant. Certains vont privilégier un aspect plutôt fonctionnel de la consultation : peu importe de voir leur médecin traitant ou un autre. A contrario, une relation plus « intense », « rapprochée » avec son médecin habituel va mener le patient à éviter le remplaçant.
D’après mes observations en salle d’attente, les situations « extrêmes » semblent favoriser l’approche fonctionnelle : une pathologie bénigne, ou au contraire un symptôme jugé grave. Pour les situations intermédiaires (maladie chronique), le médecin traitant apparaît privilégié.
Le remplacement est une épreuve, mais salutaire. Confronté à des patients qu’il ne connaît pas, le remplaçant s’adapte et innove. Il essaie d’« imiter » le médecin traitant, tout en se forgeant sa propre identité médicale, ses propres habitudes.
Les remplaçants ne doivent donc pas craindre le regard des patients ?
Absolument pas. Ils les associent à la jeunesse et à la curiosité, et c’est plutôt justifié. Le remplaçant est souvent jeune. Et nous, médecins débutants, disposons d’un œil neuf. Les recommandations officielles médicales sont fraîches dans notre esprit. Notre formation nous a incités à alléger les traitements. Nous sommes libérés d’a priori sur les patients, contrairement à ceux qui les suivent depuis 20 ans, avec à la clef les vieilles habitudes de prescriptions et de comportements, lesquelles peuvent mener les anciens à trop de facilité. Certains ne suivent même pas les recos actuelles. Nous « fouillons » un peu plus, posons plus de questions pour éviter les risques. En parallèle, rien ne remplace l’expérience. Au final, un savant mélange des deux est sans doute l’idéal.
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