Les troubles psychiatriques liés au travail représentent la catégorie d’affections professionnelles la plus fréquente après les affections de l’appareil locomoteur. Parmi eux, le burn out (ou syndrome d’épuisement professionnel), n’est pas reconnu comme une maladie dans les classifications internationales et n’est mentionné dans aucun tableau de maladie professionnelle. Pour autant, sur le plan clinique, le burn out correspond à un syndrome clinique bien spécifique, souligne la HAS qui publie aujourd’hui de premières recommandations sur le sujet, sous forme de fiche mémo à l’attention des généralistes et des médecins du travail. Objectif de ce travail : définir clairement ce que recouvre vraiment le terme de burn-out – « aujourd'hui utilisé pour décrire toute sorte de stress, de grande lassitude ou de fatigue par rapport à son travail »- et améliorer son repérage et sa prise en charge, ainsi que l’accompagnement des patients lors de leur retour au travail.
Prévue par le 3e Plan santé au travail 2016-2020, la nouvelle feuille de route ne traite que du versant clinique de la prise en charge du burn-out. « L’action sur l’organisation du travail, essentielle pour une démarche de prévention, est exclue du champ de ces recommandations », précise d’emblée la HAS, qui insiste sur deux points : la nécessité d’une collaboration du généraliste avec le médecin du travail à toutes les étapes de la prise en charge et l’importance d’un traitement individualisé, qui ne fasse pas appel systématiquement aux antidépresseurs et dans lequel l’arrêt de travail occupe une place centrale.
Dépression ou burn-out ?
Le burn-out se manifeste par un épuisement physique, émotionnel et mental, rappelle la fiche mémo, souvent d’installation insidieuse, ce qui explique un diagnostic volontiers tardif. Les symptômes peuvent être émotionnels (anxiété, tristesse, indifférence…), cognitifs, comportementaux (repli, agressivité, comportements addictifs…), physiques. Ils s’accompagnent d’une dégradation de la motivation vis-à-vis du travail, qui s’exprime dans trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme vis-à-vis du travail (déshumanisation, indifférence) et la perte d’efficacité.
La démarche diagnostique doit s’attacher à caractériser les pathologies associées au syndrome d’épuisement professionnel (troubles anxieux, troubles dépressifs, stress post-traumatique…). « Le risque suicidaire doit être particulièrement évalué », note la HAS. Devant ces symptômes non spécifiques, seul le lien avec le travail permet d’affirmer le diagnostic. Beaucoup de symptômes sont communs, en particulier, à la dépression. « Mais la dépression touche toutes les dimensions de la vie, alors que le burn-out ne concerne que la sphère du travail, et il peut tout à fait y avoir burn-out sans dépression, observe Karine Petitprez, chef de projet (HAS). La dépression « est une comorbidité du burn-out », ajoute le Dr Michel Laurence (chef du service des recommandations des bonnes pratiques professionnelles).
Une fois le diagnostic évoqué, le généraliste doit se mettre en relation avec le médecin du travail, si le patient l’accepte. « Cette collaboration est indispensable car, à part l’arrêt de travail, le médecin traitant n’a pas d’action sur le travail », souligne Karine Petitprez. Elle est importante aussi pour alerter sur une situation de travail délétère dans l’entreprise. « Quand une personne est en burn-out, il y a une raison organisationnelle ou managériale, explique le Dr Laurence. Le rôle du médecin du travail est de l’identifier en lien avec le service des ressources humaines et de mettre en place des actions préventives. Ce n’est pas toujours facile ».
L’arrêt de travail quasi incontournable
Le médecin traitant coordonne la prise en charge, en pouvant faire appel à un psychiatre à toute étape. Un arrêt de travail est « le plus souvent » nécessaire, précise la fiche. « Cela se fait en dialogue avec le patient, analyse Karine Petitprez. Mais si la situation de travail est vraiment toxique, il faut en extraire le patient pour prendre du recul et voir avec le médecin du travail dans quelle mesure on peut changer les conditions de travail ». La fiche ne précise pas la durée de cet arrêt. Cependant, le Guide d’aide à la prévention publié en 2015 par l’INRS, l’Anact et la DGT précisait que « selon la gravité des symptômes un arrêt maladie de 2 à 3 mois peut être nécessaire ».
La fiche évoque le traitement, en stipulant qu’il peut comporter des approches psychothérapeutiques ou psychocorporelles. « Trop souvent la tendance est de prescrire des antidépresseurs », constate Karine Petitprez. La fiche ne les recommande que dans les strictes limites de leurs indications (troubles anxieux, dépression).
Enfin le dialogue avec le médecin du travail est important pour préparer la reprise du travail et le médecin traitant comme le patient, peuvent à tout moment demander une visite de préreprise avec le médecin du travail. « Il est fondamental que le généraliste et le médecin du travail communiquent entre eux, pour que le salarié puisse retrouver des conditions de travail satisfaisantes et pour le maintien dans l’emploi », souligne le Dr Laurence .
Signe des temps, un encadré est consacré aux soignants, particulièrement exposés au risque d’épuisement professionnel, qu’ils soient en activité ou en formation.
Dr Isabelle Leroy
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