Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a notamment visité en 2015 le CH Gérard-Marchant à Toulouse et une unité pour malades difficiles à Albi. Il juge les conditions de séjour dans les établissements "globalement satisfaisantes", tout en émettant certaines réserves.
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a publié ce 7 avril le rapport sur sa visite en France en novembre 2015 (lire notre article) ainsi que la réponse du Gouvernement. Au cours de son sixième déplacement périodique dans l'Hexagone, la délégation du CPT s'est rendue dans une dizaine de structures pénitentiaires et trois établissements de santé, afin d’y examiner la situation des personnes privées de liberté. Elle a ainsi visité le CH Gérard-Marchant de Toulouse (Haute-Garonne), spécialisé en psychiatrie, son unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) et l'unité de soins de longue durée (USLD) Marcel-Riser, ainsi que l'unité UF1 pour soins psychiatriques sans consentement du CHU de Toulouse. La délégation s'est également rendue dans l'unité pour malades difficiles (UMD) Louis-Crocq d’Albi (Tarn).
Les prescriptions de psychotropes en question
S’agissant des conditions de séjour dans les établissements, les conditions matérielles étaient "globalement satisfaisantes", à l’exception de quelques unités de suite du CH Gérard-Marchant, qui présentaient des signes de vétusté, note le CPT. A l’UMD, il serait opportun d’améliorer l’équipement des cours de promenade et de créer un environnement plus convivial dans les chambres des patients ainsi que dans les espaces communs, remarque le comité. Dans l’ensemble des établissements, la prise en charge médicale des patients était basée "sur une approche individualisée". Le CPT est "cependant préoccupé par la prescription concomitante d’un nombre relativement élevé de psychotropes différents pour le traitement médicamenteux de certains patients à l’UMD". Dans la réponse fournie par le Gouvernement, il est précisé que l’UMD "s’efforce de réduire la polymédication à laquelle les hôpitaux adresseurs sont parfois contraints de recourir en raison des difficultés de prise en charge de certains patients". La comparaison des prescriptions dans l’unité avec celles transmises à l’entrée des patients permet de constater "un allègement souvent significatif du traitement durant l’hospitalisation", assure-t-il. "En cas d’échec de la monothérapie chez des patients chimio-résistants et présentant une sérieuse potentialité de dangerosité, l’association de médicaments peut être envisagée mais la sédation comportementale n’est pas recherchée", poursuit le Gouvernement.
Un focus sur la contention chimique
Les soins prodigués à l’UMD permettent "de réduire à la fois la posologie et la multiplicité des psychotropes", affirme le Gouvernement, qui explique que le recours à l’électro-convulsivothérapie peut également conduire à un usage "plus raisonné" des psychotropes. "Les bilans biologiques réguliers et les électrocardiogrammes réalisés au profit des patients visent à contrôler et à limiter les risques iatrogènes", précise-t-il. Les risques médicamenteux "sont surveillés de manière systématique par la pharmacie hospitalière". Enfin, l’établissement est associé "à l’étude de l’observatoire des médicaments [...] sur la juste prescription en psychiatrie". Le comité salue en conséquence le projet de mise en place d’un groupe de travail au niveau régional en coopération avec l’Observatoire du médicament et des dispositifs médicaux et de l'innovation thérapeutique (Omedit).
Par ailleurs, le CPT signale que dans les établissements visités, les patients agités et/ou violents pouvaient faire l’objet de contentions. Et le comité se déclare "préoccupé par la fréquence et la durée des mesures de contention mécanique dans les établissements psychiatriques visités". Entre temps, par la loi du 26 janvier 2016, un encadrement législatif des mesures de contention utilisées dans les hôpitaux psychiatriques a été voté, et ces mesures ont fait l'objet de recommandations de bonnes pratiques par la Haute Autorité de santé (HAS). Mais le CPT "regrette que les nouvelles dispositions législatives ne fassent pas référence à la contention chimique". Plus généralement, il préconise "l’incorporation de ses principes concernant le recours à la contention dans les protocoles médicaux existants".
Une charte des droits dans chaque USLD ?
En ce qui concerne l’USLD, le CPT salue "l’attitude bienveillante du personnel à l’égard des résidents ainsi que la volonté d’améliorer les soins". La prise en charge des résidents était "globalement satisfaisante" et les mesures de contention "utilisées pour prévenir les chutes étaient bien encadrées et faisaient l’objet d’une procédure de surveillance et d’une réunion mensuelle dédiée". En revanche, s’agissant des mesures de contention utilisées à l’encontre des résidents agressifs et/ou agités, notamment l’isolement et la contention chimique, elles "devraient faire l’objet d’un meilleur encadrement et d’un protocole spécifique", estime le comité. Il se dit ainsi "préoccupé par l’absence de garanties essentielles entourant les placements en USLD". Au vu de "l’absence, en France, d’une procédure de placement non volontaire dans les établissements hébergeant des personnes âgées", le CPT recommande aux autorités que "les tribunaux compétents soient informés de la présence à l’USLD de tout résident n’étant pas (ou plus) en mesure de consentir valablement à son placement et n’étant pas soumis à une mesure de tutelle".
Sur ce point, le Gouvernement explique que les personnes peuvent à tout moment faire part de leur consentement ou de leur non consentement à séjourner en USLD. Le personnel soignant "doit dans la mesure du possible recueillir le consentement des patients tout au long de leur séjour", ajoute-t-il. Il signale que certaines USLD ont mis en place une charte des droits et libertés de la personne accueillie, quand d'autres rappellent dans leur livret d’accueil les droits des patients (droit au consentement libre et éclairé, possibilités de recours). Et de conclure qu'il "pourrait être envisagé de généraliser la charte des droits et libertés de la personne accueillie dans chaque USLD".
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