LE FAIT
La fixation d'orientations claires par le ministère de la Santé devrait être le préalable à toute réforme de la psychiatrie, préviennent des représentants de directeurs et de praticiens hospitaliers. Une clarification sur le sens de cette réforme est notamment demandée au regard des travaux techniques en cours, en parallèle du Copil à la DGOS.
L'ANALYSE
La réforme du financement de la psychiatrie, tant attendue par les acteurs de la discipline (lire notre analyse), a besoin d'orientations politiques claires a priori pour être engagée sur de bonnes bases. C'est la teneur du message que font passer actuellement des représentants des directeurs d'hôpitaux et de praticiens hospitaliers, ouvertement ou à mots couverts, que ce soit en réaction au récent rapport d'Olivier Véran ou sollicités par Hospimedia.
Une avancée notable a néanmoins été réalisée, dans la perspective de cette réforme, avec l'installation d'un comité de pilotage (Copil) sur la psychiatrie à la DGOS en janvier dernier (lire notre article). La DGOS a ainsi annoncé "des premiers travaux sur les modalités de financement" pour 2017, "concentrés dans un premier temps sur les critères de modulation intrarégionale des dotations annuelles de financement (Daf) et l'homogénéité des tarifs de prestation". Depuis plusieurs années, remontent en effet systématiquement les doléances réitérées des acteurs de la psychiatrie pour dénoncer les insuffisances dans l'organisation du financement du secteur. Ceci dans un contexte où les travaux de valorisation de l'activité en psychiatrie (Vap) ont été interrompus depuis près de dix ans et où coexistent par ailleurs des systèmes de péréquation différents selon les régions pour moduler les Daf allouées aux établissements.
Une avancée notable a néanmoins été réalisée, dans la perspective de cette réforme, avec l'installation d'un comité de pilotage (Copil) sur la psychiatrie à la DGOS en janvier dernier (lire notre article). La DGOS a ainsi annoncé "des premiers travaux sur les modalités de financement" pour 2017, "concentrés dans un premier temps sur les critères de modulation intrarégionale des dotations annuelles de financement (Daf) et l'homogénéité des tarifs de prestation". Depuis plusieurs années, remontent en effet systématiquement les doléances réitérées des acteurs de la psychiatrie pour dénoncer les insuffisances dans l'organisation du financement du secteur. Ceci dans un contexte où les travaux de valorisation de l'activité en psychiatrie (Vap) ont été interrompus depuis près de dix ans et où coexistent par ailleurs des systèmes de péréquation différents selon les régions pour moduler les Daf allouées aux établissements.
Arbitrages politiques avant le volet technique
Il reste désormais à entrer dans le vif du sujet de ces travaux techniques. Certains sont déjà engagés avec, par exemple, une réunion d'étape et d'analyse organisée fin avril par la DGOS sur les modulations de la Daf. Par ailleurs, au sein du Copil — dont la prochaine réunion est prévue le 11 mai — doivent être désignés des rapporteurs thématiques sur les axes de travail définis, dont le financement des établissements. Mais la poursuite des travaux techniques devrait être subordonnée à l'assurance d'un pilotage ministériel, estiment plusieurs membres du Copil. Notamment parce que l'articulation entre les chantiers techniques et, surtout, l'orientation et le pilotage général de l'ensemble des travaux en cours ne sont pas définis. Par exemple, quid de l'articulation entre les travaux du comité et ceux de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) relatifs à l'enquête de coûts en psychiatrie ? Des participants du secteur privé et public expriment en effet, selon nos informations, de sérieuses réserves sur le sens et la pertinence de ces travaux.
Pour l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), il est en tous cas impératif que "le pilotage et les orientations politiques [de la réforme] précède désormais toute poursuite et toute décision d'orientation de travaux à dimension technique". Pascal Mariotti, président de l'association, annonce d'ailleurs que tant que ces questions n'auront pas été tranchées, "il est fort probable que nous préconiserons à notre prochain bureau national de ne plus participer jusqu'à nouvel ordre aux travaux de l'ATIH". Les orientations attendues peuvent venir "à titre transitoire ou définitif, émaner du Copil, de la DGOS, inspirées ou non du rapport Véran" mais "à la limite ce n'est pas la question", poursuit le président de l'Adesm. Et dans une réaction très critique au rapport Véran, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) exprime la même volonté de pilotage politique : "il ne reste plus qu'à souhaiter que le prochain Gouvernement, et pas seulement [...] le Copil, se saisisse sérieusement du sujet" du financement de la psychiatrie.
Des conclusions "minimalistes" dans le rapport Véran
Si l'on ne sait quelles suites le ministère donnera au rapport d'Olivier Véran sur la partie consacrée à "la santé mentale", ce document a en tous cas provoqué l'ire du SPH. Selon un communiqué du syndicat du 11 avril, celui-ci est "complètement passé à côté de son sujet" pour la psychiatrie. Le syndicat relève que, "de façon minimaliste, le rapport conclut pour la santé mentale à l’intérêt de prévoir une modulation des Daf selon des critères géopopulationnels non précisés et sur les soins réalisés". Plutôt que de circonscrire son sujet, qui aurait dû être le mode de financement des soins en psychiatrie et le financement des structures dédiées au handicap psychique, le rapport est un "assemblage d’approximations et de suggestions inquiétantes", estime le SPH. En effet, développe-t-il, "préconiser ainsi le décloisonnement du financement hospitalier (dont on suppose qu’il doit être psychiatrique dans l’esprit des rédacteurs) vers le médico-social, semble inspiré par une curieuse conception des soins psychiatriques". À savoir, une conception "où les attentes toujours plus complexes vis-à-vis de la psychiatrie dans une société tourmentée seraient réduites à de la simple gestion de handicap mental". Et, en "intensifiant" les principes de fongibilité asymétrique initiée par la loi HPST, ce rapport "pousse au rationnement de la psychiatrie publique". Le SPH se demande pour finir si le financement de la psychiatrie n'est pas finalement d'une trop grande complexité pour être ainsi traité dans le rapport. "Les travaux portant sur la Vap, interrompus il y a plusieurs années, n’y sont même pas rappelés".
Des pistes de réflexion pour les modulations
Or les enjeux pour les Daf en psychiatrie méritent pourtant d’être nommés, insiste le syndicat. Il rappelle que les ARS procèdent à des répartitions entre établissements "sur des critères inconnus et, en amont, des péréquations interrégionales s’effectuent de manière insaisissable et variable d’une année à l’autre". Il souligne aussi que les évolutions de l’Ondam* pour la psychiatrie s’aggravent au cours de ces dernières années : "C’est la catastrophe annoncée et l’impossibilité d’assurer l’égalité des soins généraux réclamée par tous les rapports." Des missions plus spécifiques, sur des dispositifs innovants ou non, ont donc encore "moins de chances d’être réalisées correctement". Les conditions de déséquilibre entre les Ondam (MCO, psychiatrie sous Daf, psychiatrie sur objectifs quantifiés) "sont donc installées" et l’application de la fongibilité asymétrique et les réserves prudentielles "ne font que répartir la pénurie que les établissements ne pourront pas assimiler indéfiniment".
Cependant, le SPH explique que les pistes de réflexion sur les modulations auraient pu résider, en premier lieu, dans la différenciation entre poids de l’hospitalisation à temps plein et soins ambulatoires dans leurs différentes formes et indications médicales. Notamment "dans une meilleure discrimination entre les compartiments de psychiatrie générale et de psychiatrie infanto-juvénile", précise le syndicat. Une autre piste est l’intégration dans les Daf des taux de recours aux dispositifs spécialisés interrégionaux tels que les unités pour malades difficiles (UMD), les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), les centres ressources ou experts, pour en faire évoluer le financement. Enfin, les critères "géopopulationnels peuvent d’ores et déjà dessiner un modèle intégrant la taille de la population, ses caractéristiques socio-démographiques tels que les indices de précarisation, la taille du territoire et la part du secteur libéral dans l’offre de soins".
Un calendrier peu propice
Par contre, l’idée de moduler la Daf "selon l’activité se heurte au fait qu’aucun modèle pertinent n’a été validé et qu’un financement à l’activité contient les risques de course à l’activité, déjà signalés pour la T2A dans le secteur MCO et contraires à la diversité des besoins de santé publique en psychiatrie", note le SPH. De son côté, l'Adesm indique qu'elle va réaliser une évaluation du rapport Véran et que ses conclusions seront débattues en interne lors du prochain bureau national le 19 avril. L'association de directeurs a également travaillé de son côté sur les modalités du financement et doit finaliser ses propositions. "Nous ne sommes pas forcément tous d'accord sur le sujet, il est multifactoriel et complexe", commente Pascal Mariotti. Il estime d'ailleurs qu'il "n'y aura sans doute pas la martingale qui résoudra toutes les contradictions" et signale que certains points sont encore en débat au sein de l'association. Quant aux clarifications attendues du ministère par plusieurs acteurs de la discipline, reste à voir ce qu'il ressortira notamment de la prochaine réunion du Copil, si le financement est mis à l'ordre du jour. Mais, comme confient des membres du comité, il va sûrement falloir réviser les espérances à la baisse durant quelque temps. Car, soupirent-ils, "en pleine période électorale, il ne risque pas de se passer grand chose" en matière d'arbitrages politiques.
* Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire