Un patient en psychiatrie sur deux pris en charge au CH Édouard-Toulouse dans les secteurs des quartiers nord de Marseille n'a pas de logement. D'où un impact direct sur les prises en charge et une embolisation du parcours au niveau des hospitalisations complètes. Le CH présente donc ses nombreuses initiatives lancées pour pallier ces difficultés.
C'est une problématique actuelle et croissante insuffisamment mise au jour : les difficultés d'accès au logement et à des structures sociales et médico-sociales sont source d'embolisation des hospitalisations complètes en psychiatrie. En effet, faute de solutions d'aval, des patients stabilisés ou des personnes souffrant de handicaps peuvent être maintenus en hospitalisation de façon inadéquate. Occasionnant par là même du déficit de places pour des personnes nécessitant une prise en charge hospitalière et des coûts importants pour l'Assurance maladie et la collectivité en général. C'est une problématique bien connue notamment à Marseille (Bouches-du-Rhône), où les acteurs de la psychiatrie se sont saisis de longue date de cette question. Le CH Édouard-Toulouse, spécialisé en psychiatrie, n'est pas, loin s'en faut, le moins actif de ces acteurs. Il présente aujourd'hui une série de nouvelles initiatives pour pallier ces difficultés et fluidifier les parcours de soins et de vie des patients et personnes handicapées psychiques. Comme l'explique le directeur du CH, Gilles Moullec, à Hospimedia : "L'établissement est en train de structurer sa politique dans ce domaine, même si elle ne relève par directement d'un établissement de santé, car ce dossier a un impact direct sur nos prises en charge." Pour résumer l'enjeu, un chiffre simple, dans cet établissement qui dessert des quartiers très défavorisés au nord de Marseille : "Un patient sur deux n'a pas de logement".
Des "tensions" engendrées sur l'utilisation des lits de psychiatrie
Cela peut vouloir dire que la personne n'a pas du tout de logement, qu'elle pourrait en avoir un mais n'est pas en l'état de l'habiter, etc. De nombreux cas de figure existent. Mais cela signifie qu'il n'y a "pas de possibilité de faire sortir la personne [de l'hôpital] dans une solution de logement qui soit satisfaisante". D'où un "effet de salle d'attente dans nos unités d'hospitalisation", confie Gilles Moullec. Des patients qui pourraient être pris en charge en ville, en ambulatoire, ne peuvent ainsi y prétendre, à cause de ce problème. Et des patients ayant besoin d'être hospitalisés en sont empêchés, conduisant à ce que des associations appellent les "externalisations abusives". Cela "engendre des tensions sur l'utilisation de nos lits", appuie le directeur, difficultés gérées par exemple au niveau de l'observatoire régional des urgences (ORU) de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca). Les difficultés sont ainsi signalées à l'ORU via le dispositif hôpital en tension.
À cela s'ajoute la problématique de l'orientation des patients en séjour long (c'est-à-dire restés plus de 292 jours hospitalisés). "Certains de ces patients relèvent quand même de la psychiatrie de court séjour, mais d'autres pourraient être réorientés", explique Gilles Moullec. Mais se posent alors deux problèmes : celui de l'accès au logement précédemment évoqué, mais aussi l'absence (plus ou moins provisoire) de solutions d'aval telles que des places d'hébergement collectif dans le médico-social. Le CH a donc créé dans les années 1980 des structures d'appartements associatifs, grâce à des personnels hospitaliers. Le dispositif évolue aujourd'hui : de trois associations couvrant une partie de la sectorisation du CH, il y aura désormais une seule association pour couvrir l'ensemble des secteurs relevant d'Édouard-Toulouse. Une convention vient donc d'être signée à la mi-décembre 2015 entre l'hôpital et l'Association pour la promotion des appartements de réinsertion thérapeutique (Appart), qui fixe notamment les subventions versées et la mise à disposition de postes en équivalents temps plein (ETP) — quelques ETP d'infirmiers, éducateurs, assistants sociaux, etc. et un peu de temps de travail médical.
Projet d'extension de l'offre de places en Mas et Samsah
L'établissement s'est également orienté vers la gestion de structures médico-sociales. Depuis décembre 2005, le CH gère une maison d'accueil spécialisée (Mas) de 40 places, qui offre un outil d'hébergement à plein temps. "Nous sommes en train de travailler sur un dossier que l'on souhaite présenter rapidement à l'ARS pour passer à 60 places, même si cela n'est pas pour l'instant programmé dans le programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac)", annonce Gilles Moullec. Par ailleurs, pour le maintien à domicile, l'établissement marseillais dispose d'un service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), ouvert en 2009. "Nous sommes en train de négocier avec le conseil départemental et l'ARS un doublement de la capacité, pour passer de 20 à 40 places", annonce également le directeur. Les tutelles ont formulé deux demandes. D'une part, que le Samsah puisse accueillir "en adressage direct" des handicapés psychiques, par l'intermédiaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). D'autre part, que l'hôpital tisse un partenariat avec deux institutions médico-sociales gérant un Samsah sur la zone : La Sauvegarde et Isatis. Une convention de partenariat a été conclue avec ces deux organismes et est en passe d'être signée. L'idée générale est de mieux se coordonner entre services pour définir les zones d'interventions respectives sur le territoire.
Enfin, Gilles Moullec précise que la confirmation du projet d'extension de l'offre du Samsah géré par le CH devrait intervenir au premier semestre 2016. Et outre ces projets portés par l'hôpital, le directeur confie que d'autres acteurs sociaux et médico-sociaux, conscients de l'importance de cette problématique de l'accès au logement, se rapprochent également de l'établissement pour porter ensemble de nouvelles initiatives. Des projets à suivre donc également à l'avenir, dans un dossier transversal dont on n'a pas fini de parler en régions, et pas seulement en Paca...
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