Centre de référence des troubles des apprentissages, Hospices civils de Lyon, Hôpitaux Est, Bron
Les centres de référence des troubles spécifiques du développement du langage et des apprentissages ont été créés suite au rapport Ringard-Veber (février 2000) et au plan interministériel de mars 2001. Il s’agissait alors de faire un état des lieux sur des troubles encore mal connus, la dysphasie et la dyslexie, et d’apporter une réponse hospitalière pour le diagnostic et la prise en charge de ces enfants. Plus de 10 ans après, quelle place ont pris ces centres au sein d’un dispositif multipartenarial et quel est leur rôle ?
Bref historique
Au tout début des années 2000, l’objectif du rapport RingardVeber (Jean-Charles Ringard alors inspecteur d’académie et directeur des services départementaux de l’Education nationale de la Loire-Atlantique et Florence Veber chargée de mission du ministère de la Santé auprès du directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins) était de répondre à un certain nombre de questions : Comment et où diagnostiquait-on en France une dysphasie et/ou une dyslexie ? Comment et où ces enfants étaient-ils pris en charge ? Quels étaient les professionnels de santé impliqués ? Quelle était la réponse de l’Education nationale par rapport à ces troubles ? Comment ces enfants étaient-ils pris en charge sur le plan scolaire ?
La dysphasie/dyslexie au début des années 2000 ?
Suite à ce rapport, les termes de dysphasie et de dyslexie désignent une série de problèmes différents à situer dans un ensemble plus vaste dénommé troubles spécifiques des apprentissages, qui comportent les dyslexies-dysorthographies (troubles du langage écrit), les dysphasies (troubles du langage oral), les dyscalculies (troubles des fonctions logicomathématiques), les dyspraxies (troubles de l’acquisition de la coordination) et les troubles attentionnels avec ou sans hyperactivité.
Que signifie le terme de troubles « dys » ou troubles spécifiques du développement cognitif ?
Ce terme désigne un défaut de développement ou de mise en place d’une fonction cognitive, telle que le langage, le geste, la mémoire, l’attention ne relevant pas d’une autre cause que d’une atteinte « propre » ou « spécifique » à cette fonction. Il exclut donc, a priori, les troubles cognitifs « secondaires », c’est-à-dire survenant dans le cadre d’une pathologie neurologique avérée, autre que spécifique. En effet, les troubles cognitifs fréquemment rapportés dans diverses pathologies neuropédiatriques sont dits « non spécifiques ». Le rôle des centres de référence est alors de différencier ou de rapprocher ces deux types de troubles « spécifiques » et « non spécifiques ».
Un enjeu majeur de santé publique
Selon le DSM-IV-TR (2000), la prévalence des différents troubles de type « dys » est loin d’être négligeable, puisqu’elle est évaluée de 3 à 7 % selon la pathologie. Ces chiffres montrent l’importance quantitative à laquelle les centres de référence doivent faire face. De plus, ces troubles développementaux peuvent avoir des conséquences tout au long de la vie de la personne. En effet, les troubles « dys » dépassent largement le cadre de l’école et des enjeux actuels de la réussite scolaire. Être « dys » aujourd’hui expose non seulement au risque de situation de handicap scolaire, mais aussi, plus tard, à l’âge adulte, à celui de situation de handicap socio-professionnel. Le possible retentissement des troubles tout au long de la vie donne aux centres de référence un rôle de prévention.
En effet, poser un diagnostic le plus tôt possible permettrait de mettre en place des soins adaptés limitant le retentissement tardif de ce dysfonctionnement précoce.
Un plan interministériel
Il s’agissait de mettre en place une série de mesures permettant de mieux dépister ces troubles, d’améliorer leur prise en compte dans le cadre de l’Education nationale, de constituer des équipes pour poser un diagnostic, et de proposer une prise en charge et une rééducation adaptées à chaque cas. Les ministères de la Santé et de l’Education nationale ont élaboré et rendu public, en mars 2001, un plan d’action comportant la reconnaissance, au sein des centres hospitaliers universitaires, d’équipes hospitalières aptes à établir le diagnostic de ces pathologies. Des moyens ont été attribués pour constituer, au sein des différents CHU, des équipes pluridisciplinaires composées de médecins (pédiatres, neuropédiatres, pédopsychiatres, médecins de rééducation, neurologues), de psychologues, neuropsychologues, de paramédicaux tels que les orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, etc.
Les centres de référence au sein d’un dispositif multipartenarial
L’objectif était de créer un dispositif composé de plusieurs partenaires, comprenant la médecine scolaire et préventive, les secteurs libéral, médico-social, hospitalier universitaire et non universitaire, et de faire intervenir ces différents dispositifs en fonction du degré de complexité et/ou de sévérité des troubles. Intégrés aux CHU, les centres de référence auraient, eux, vocation à intervenir seulement en recours sur des situations d’emblée difficiles (complexes et/ou sévères) ou n’ayant pas répondu de façon satisfaisante aux mesures mises en œuvre préalablement.
De la difficulté du diagnostic : le rôle des centres de référence
Poser un diagnostic dans ce domaine n’est jamais simple. D’une part, parce qu’il relève le plus souvent d’un diagnostic différentiel, mettant en jeu d’emblée le regard croisé de plusieurs professionnels, la coordination des bilans réalisés et la synthèse des résultats. D’autre part, parce que le diagnostic n’est posé qu’à l’issue d’une période de traitement. En effet, dans certains cas, seule l’absence de réponse au traitement de première intention permet de poser le diagnostic a posteriori. On voit donc que ces situations cliniques peuvent être difficiles à traiter par un professionnel isolé et qu’elles nécessitent l’intervention d’une équipe qui peut assurer la coordination des soins et le suivi thérapeutique. De plus, ces troubles peuvent retentir sur la sphère psychoaffective, la vie personnelle, scolaire et sociale. Le professionnel de santé doit confronter ses observations à celles d’autres acteurs en dehors du champ de la santé : l’école, les travailleurs sociaux, les MDPH (maison départementale pour personnes en situation de handicap). Il faut un « référent » et/ou un « arbitre » en cas de litige, c’est-à-dire lorsque les décisions des différents acteurs ne vont pas dans le même sens. Le centre de référence prend dans ce contexte toute sa dimension dans son rôle d’expert : il annonce de quoi souffre cet enfant, le traitement qu’il doit recevoir, les mesures d’accompagnement pédagogique et de compensation dont il relève, éventuellement.
Il existe, cependant, des situations dites « simples » qui ne nécessitent l’intervention que d’un ou de quelques professionnels et qui réagissent rapidement et positivement au traitement mis en place. En revanche, il existe des situations « complexes » sur le plan clinique lorsque les symptômes sont d’emblée intriqués et ne permettent pas de poser un diagnostic ou lorsque la réponse thérapeutique n’est pas aussi satisfaisante qu’attendue. Les centres de référence doivent jouer leur rôle chaque fois que le diagnostic ou la mise en route du traitement nécessite une contribution pluridisciplinaire, qu’il n’y a pas de référent ou de coordonnateur de soins, et que les parents se retrouvent « seuls », souvent démunis, face à un ensemble de réponses diagnostiques et thérapeutiques qui ne leur semblent pas aller dans le même sens ou qu’ils n’ont pas la possibilité de « porter ». Ce n’est donc pas toujours la complexité ou la sévérité des troubles « d’emblée » qui né cessitent le recours au centre de référence, car toute situation « simple » au départ peut devenir « complexe » si elle n’est pas assez rapidement et efficacement prise en charge, mais l’absence de réponse diagnostique et thérapeutique coordonnée.
Les neurosciences développementales : un domaine en plein essor
Nos connaissances dans le domaine de la cognition de l’enfant sont en plein essor tant au niveau de la clinique, avec l’élaboration et la diffusion de nouveaux outils d’évaluation, que de la recherche. Tenant compte de l’avancée de ces connaissances, les centres de référence ont construit en lien avec leurs partenaires la référence des savoirs et des pratiques. Ils sont garants des critères diagnostiques de ces pathologies et ont en charge la validation des protocoles thérapeutiques en regard. Ils sont responsables de la formation des médecins, des paramédicaux et des autres professionnels en dehors du champ de la santé concernés par ces pathologies comme les enseignants et les acteurs du secteur médico-social et du handicap.
En effet, l’évaluation et la prise en charge de ces enfants reposent sur la maîtrise du développement neurocognitif et de ces perturbations qui est à partager avec les différents acteurs. Il n’est plus possible aujourd’hui de banaliser ces troubles. Et comme cela a été recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS) dans le rapport sur « L’orthophonie dans les troubles spécifiques du développement du langage oral chez l’enfant de 3 à 6 ans » publié en mai 2001 : « Toute préoccupation exprimée concernant le langage de l’enfant doit être prise en compte, qu’elle provienne des parents, des enseignants ou de professionnels de santé. Cette plainte doit aboutir à la réalisation d’une évaluation individuelle et d’un examen médical qui ont pour but de vérifier l’existence du trouble du langage et sa spécificité. La décision de réaliser un bilan orthophonique dépendra des résultats de ces examens ».
De la même façon, toute plainte concernant une fonction cognitive (langage, geste, mémoire, attention, etc.), même isolée, doit être considérée comme signe d’alerte d’un dysfonctionnement cérébral et faire l’objet d’un examen.
En pratique, on retiendra
Parallèlement à l’avancée des connaissances concernant le cerveau et son développement, les moyens d’évaluation cognitive et les techniques d’investigation cérébrale chez l’enfant, les familles trouvent auprès des centres de référence des équipes dites « expertes » capables de répondre à leurs inquiétudes concernant les troubles d’apprentissage de leur enfant, leur avenir scolaire et, plus tard, leur avenir social et professionnel.
Ces centres répondent à une double mission hospitalière : celle de service public en participant à l’accueil et la prise en charge d’un grand nombre d’enfants, et celle de mobiliser la recherche concernant des pathologies neurocognitives développementales isolées apportant des informations précieuses sur le développement cognitif en lien avec la maturation cérébrale. De plus, la création de ces centres est à l’origine d’une dynamique d’interaction entre différents secteurs (sanitaire, médico-social, du handicap et de l’Education nationale), avec des journées de rencontre, de travail et de formation. Cette dynamique s’est concrétisée à travers deux rendez-vous au ministère de la Santé pour des Assises nationales en 2011 et 2013. Ces dernières ont bénéficié d’un financement de la part de la CNSA (Caisse nationale de solidarité et de l’autonomie) et du soutien de la part de
la DGS (Direction générale de la santé) permettant la rédaction et la diffusion d’un rapport à partir duquel de nouvelles lignes d’action pourront être définies.
Pour en savoir plus
• Ministère de l’Education nationale. A propos de l’enfant dysphasique et de l’enfant dyslexique. Rapport Jean-Charles Ringard, février 2000.
• Plan interministériel de mars 2001 (circulaire DHOS/O 1 n°2001-209 du 4 mai 2001).
• DSM-IV-TR. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th edition-text revised. American Psychiatric Association 2000.
• Rapport de la Haute Autorité de santé (HAS). L’orthophonie dans les troubles spécifiques du développement du langage oral chez l’enfant de 3 à 6 ans. Mai 2001.
• Rapport des 2es Assises nationales des Centres de référence des troubles du langage et des apprentissages. Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre. CREAI Rhône-Alpes, 14 juin 2013.
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