ANALYSE
L’organisation menée par le nouveau chef du service de l’hôpital parisien a amélioré les conditions d’accueil, et donc de soin.
«Cela va mieux, les urgences à l’hôpital européen Georges-Pompidou ne sont plus un scandale», lâche Claire Compagnon, représentante des usagers dans l’établissement parisien. Le changement est de taille : ces dernières années, les patients y attendaient des heures, s’entassaient sur des brancards dans des couloirs, traînaient sans beaucoup de soins. Un comble, dans l’établissement le plus moderne des hôpitaux de Paris. «Aujourd’hui, les délais d’attente sont réduits, poursuit cette militante. Ce qui reste problématique, c’est le lien avec les services de l’hôpital pour trouver un lit.»
Faire le tri. Les urgences à Pompidou ? C’est un défilé incessant de plus de 150 personnes par jour. Ici, comme ailleurs, le lieu est froid, sans chaleur. A l’entrée, trois jeunes en service civique sont là pour accueillir. Les urgences, c’est d’abord une organisation. Et celle-ci est délicate à mettre au point, tant les paramètres sont nombreux : gérer des flux, trouver des lits, faire le tri entre le grave et le léger, entre l’urgent et ce qui peut attendre, rassurer le patient, donner une place à sa famille…
Au Canada, pays souvent cité comme ayant les meilleures urgences hospitalières au monde, l’espace géographique est décisif : c’est un vaste univers sans barrière. Lorsqu’un patient arrive, se construit autour de lui immédiatement un espace pour lui, ses proches et les médecins. Le patient ne bouge plus. «C’est vrai», note le professeur Philippe Juvin, chef des urgences de Pompidou : «Ici, l’architecture nous contraint. Il y a des couloirs, des murs porteurs, on ne peut pas les déplacer.»
Dans le milieu hospitalier, Philippe Juvin agace. On se demande comment il fait. N’est-il pas maire de La Garenne-Colombes, député européen (UMP) et, donc, aussi chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou depuis février 2012 ? Pourtant, de l’avis de tous, il a plutôt réussi son pari.
Depuis le 1er janvier, Philippe Juvin a mis en place une nouvelle organisation, divisée en trois circuits. Un court, correspondant à un patient léger qui arrive : celui-là a juste besoin de voir un médecin, ne rentre pas aux urgences, reste à l’entrée dans un box de consultation. Puis il y a un circuit où le patient doit être examiné plus sérieusement, sans pour autant que l’on envisage une hospitalisation. Et enfin le circuit pour ceux dont l’arrivée aux urgences va se poursuivre par une hospitalisation. «C’est la bonne répartition entre les trois qui va faire un bon service. Et il faut en finir avec les faux débats, tranche le professeur Juvin. Il est inutile de se plaindre de ces patients qui viennent aux urgences mais qui n’auraient rien à y faire. Ils viennent et ils continueront de venir. Autant les accueillir, bien et vite.»
A l’entrée des urgences, une infirmière fait le tri entre les trois parcours. Chaque jour, il faut trouver une trentaine de lits pour hospitaliser les patients les plus sérieux. C’est là que se situe le goulot d’étranglement. Dans une pièce, deux médecins et deux cadres infirmiers. «Toute la matinée, notre travail consiste à appeler les services et à trouver des lits, raconte l’un d’eux.L’enfer. En cardiologie, il y a une personne qui est spécialement affectée à cette tache de "bed management", et c’est avec elle que l’on voit s’il y a de la place chez eux. Avec les autres services, il faut être diplomate ou persuasif.»
Jongler. Problème : certains services refusent d’hospitaliser, préférant garder leurs lits pour leur propre activité. A cela, s’ajoute la gestion des lits portes. Ce sont des lits d’attente, au maximum pour vingt-quatre heures, en attendant une place dans un service. Il y en a quinze à Pompidou. Il faut jongler. «Ce qui ne va pas, ce ne sont pas les lits portes, mais les pré-lits portes, c’est-à-dire ces gens qui n’ont même pas de places», se plaint le syndicat SUD santé.
On meurt parfois au service porte : 100 décès par an. Et bien souvent, les personnes âgées ne trouvent pas de place, et vont aller dans une clinique privée voisine. «Finalement, lâche le professeur Juvin, un bon service d’urgence, ce sont mille petits détails. Par exemple, je réfléchis pour la suite : un patient qui est passé aux urgences, il faudrait le rappeler deux ou trois jours après, juste pour faire le point, prendre de ses nouvelles.»
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