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lundi 26 janvier 2015

Privilégions le travail social!

LE MONDE | Par 

Selon le ministère de la justice, 152 radicaux sont actuellement écroués, pour la plupart en Ile-de-France – ici, la prison de Fresnes.

Deux terroristes sur trois responsables des attentats de ce début d’année se sont vraisemblablement radicalisés en prison, ce qui a relancé la question du rôle du milieu carcéral dans la radicalisation. Depuis dix ans, le profil type du radicalisé a changé, les individus se sentant étroitement surveillés se font plus discrets. Il est donc très difficile pour les agents pénitentiaires de comprendre ce nouveau phénomène.

Les radicaux sont quand même très minoritaires en prison, on en dénombre entre 150 et 200 qui sont soit en attente de procès, soit condamnés pour association de malfaiteurs en vue de commettre une action terroriste.


Qui sont les « radicalisables »?


Si les radicaux sont peu nombreux, ils ont incontestablement une influence néfaste sur les autres détenus. Puisque toutes les mouvances radicales sont extrêmement surveillées par l’administration pénitentiaire, on peut alors se demander qui sont les « radicalisables » susceptibles d’être attirés par cette idéologie violente ?


Depuis une dizaine de jours, les effets d’annonce se multiplient, « isoler les détenus radicaux », « augmenter le nombre d’aumôniers et leur formation ». La fameuse question du rôle des aumôniers musulmans et de leur responsabilité n’a pas manqué d’être soulevée, comme ce fut le cas lors de l’affaire Merah, puis Nemmouche.

Le premier ministre, Manuel Valls, vient ainsi d’annoncer l’augmentation du budget consacré à l’aumônerie musulmane : 60 postes d’imams seront créés. Une mesure qui va dans le bon sens, car bien que l’islam soit la première religion carcérale, on compte à ce jour seulement 182 aumôniers musulmans contre 700 catholiques.

La question de leur formation doit aussi être posée. Les aumôniers étant bénévoles, des formations existent, mais elles ne sont pas obligatoires. Si elles le devenaient, cela supposerait de donner un statut en professionnalisant la fonction, comme cela existe déjà dans l’armée. Une nécessité au vu des exigences grandissantes qui pèsent sur les épaules des imams.


L’aumônerie n’est pas la seule réponse


Depuis plusieurs années, l’aumônier endosse malgré lui un rôle qui lui est propre, « la lutte contre les formes de radicalisation religieuse », en plus de l’exercice du culte et de l’écoute des détenus individuellement. La présence des mouvances islamistes en prison depuis la fin des années 1990 et à la suite de l’affaire Merah ont conduit à faire de l’aumônerie musulmane « l’outil » qui permettrait de lutter contre les imams autoproclamés chez les détenus.

Mais si elle doit faire partie des mesures à mettre en place pour contrer l’islamisme radical, elle ne peut en aucun cas être la seule réponse.

La radicalisation affecte les détenus les plus fragiles, entre autres ceux souffrant de maladies mentales, dont la proportion augmente rapidement. Ces nouvelles formes de radicalisation ne peuvent être traitées que si une coopération étroite s’instaure entre les différents professionnels intervenant au sein de l’administration pénitentiaire (conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, officiers de renseignement, école, médecins, psychologues, etc.).

L’articulation des différents services permettrait d’assurer un suivi plus méticuleux des sujets psychologiquement fragiles et des psychopathes susceptibles de radicalisation.

Il faudrait employer les outils développés par le travail social pour faciliter la réinsertion de l’individu et transformer un cadre répressif en terrain d’apprentissage de la réhabilitation. L’objectif général s’inscrit dans l’idée de transformer la prison-punition en prison-réhabilitation, dans une recherche d’efficacité de la réponse pénale, au vu de l’urgence posée par la dangerosité potentielle de nombreux détenus.


Faillite de la prise en charge sociale


La prison est un lieu violent où se concentrent des individus dangereux, délinquants, voire perturbés psychologiquement, en somme une concentration de la misère humaine et sociale. Les personnes arrivent en prison avec de multiples problèmes, des ruptures familiales, des échecs scolaires et professionnels, etc. Et beaucoup de souffrance. La prison ne fait qu’accentuer ces difficultés sociales.

La prise en charge des publics ciblés radicalisés et radicalisables implique d’intégrer une pluralité d’acteurs, à la fois internes et externes au milieu carcéral. Les aumôniers sont des partenaires essentiels à l’administration, mais on ne peut pas imaginer dans une république laïque répondre à un problème social uniquement par le religieux. Aussi ce sont tous les acteurs qui doivent être mobilisés pour apporter des solutions concrètes. 

Il faudrait notamment davantage s’appuyer sur le travail social. On a déjà tendance à accuser les aumôniers de ne pas contrer la radicalisation, alors que personne ne se préoccupe de savoir s’ils en ont les moyens humains et financiers, peut-être ne faudrait-il pas les accuser en plus de la faillite de la prise en charge sociale des détenus…



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