Par Ruwen Ogien
Du 14 au 18 mai 2014 se tenait à Saint-Émilion, en Gironde, la 8ème édition de l’excellentFestival Philosophia. Cette année le thème (qui n’intéressait évidemment pas que les philosophes), c’était l’amour. Les lecteurs de Platon ont dû penser que l’endroit était particulièrement bien choisi, puisque comme dans Le Banquet, on entendit surtout des éloges de l’amour prononcés par des philosophes un peu pompettes.
Aphrodite, Pan et Eros, découvert à Delos, en 1904. Photo Certains droits réservés par Tilemahos Efthimiadis
Vers la fin des débats, deux spectateurs visiblement étonnés sont venus me demander pourquoi dans un colloque consacré à l’amour presque aucun conférencier n’avait parlé de sexe, comme si l’un n’avait absolument rien à voir avec l’autre. Je leur ai fait remarquer qu’avec Alain Badiou au programme, il ne fallait pas s’attendre à un exercice de Kama Sutra ou à une leçon de libertinage.
En fait, ces deux spectateurs avaient sans doute oublié que même à gauche, l’amour a pris une fonction conservatrice, puritaine, anti sexuelle. Il faut dire que l’éloge de l’amour, enrobé d’une couche épaisse de sentimentalisme kitsch, a toujours été un genre apprécié des philosophes. Mais sa signification a varié.
Ce que l’éloge de l’amour semble exprimer aujourd’hui, c’est le rejet de l’individualisme moderne ou «néolibéral». Cette forme d’individualisme aurait contribué à la destruction du lien social, à l’anéantissement du souci pour autrui, à l’affaiblissement général de la volonté de vivre ensemble, et à la disparition progressive du respect pour l’art et la pensée dans leurs formes les plus exigeantes.
Pour certains philosophes, cet état supposé du monde appelle une réponse urgente. Il faut retrouver ce qui peut faire «lien» avec les autres, revaloriser les mouvements de l’âme «désintéressés», renforcer ce qui pourrait remettre dans le cœur des citoyens le goût des belles choses, de la constance, de la durée, de la fidélité, de la communauté.
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