A l’heure où la multiplication des approches « omiques » pour appréhender la complexité du vivant a donné naissance au génome et ses cousins le nutrigénome, l’épigénome, le méthylome et le transcriptome, au phénome, au microbiome, au métabolome, au lipidome et son voisin le protéome dirigé par l’interactome, au connectome et j’en oublie (1), le magazine The Scientist nous propose un inédit, le « métropolome » (2).
L’histoire débute lorsqu’une petite fille de 6 mois fait pâlir d’angoisse son père, le Dr Christopher Mason, généticien au Weill Cornell Medical College de New York, en partageant tous ses jouets à la garderie avec les autres enfants et en les portant à la bouche. Lorsqu’il apprend l’existence d’un projet de microbiome de la garderie mené par des chercheurs de l'Université Drexel et Brooklyn College, une grande idée germe chez le chercheur: pourquoi ne pas explorer le microbiome de la ville de New York ?
Des prélèvements dans le métro
La première étape commence l’été dernier quand il collecte plus de 1 400 échantillons avec une équipe de cinq étudiants : trois prélèvements, repérés par photo et par GPS, de chacune des 468 stations de métro de la ville. Sans surprise leur séquençage témoigne d’une vie microbienne très variée… Plus surprenant, chacune des stations de métro a généralement un profil unique. La composition bactérienne diffère selon les stations et l'endroit du prélèvement dans chacune d’elle. Plusieurs centaines de souches différentes, dont certaines de bactéries infectieuses telles que Pseudomonas et Staphylococcus, ont déjà été détectées à partir de cette première collection, révèle Christopher Mason.
Le chercheur prévoit de poursuivre ce projet, baptisé Pathomap (3), hors du métro, dans les parcs, les taxis, les aéroports, les avions, etc… Il envisage également le séquençage microbien dans le cadre de la surveillance municipale normale, éventuellement par le biais d'un système entièrement automatisé. Une préoccupation reste de ne pas entraîner de paranoïa collective. A l’heure actuelle on ne sait pas de quelle manière les données microbiennes peuvent être prédictives, il s’agit dans une première étape d’établir une base de référence.
D’autres chercheurs convaincus
D’autres chercheurs partagent la même vision que Christopher Mason : caractériser et suivre le microbiome de villes entières. L’idée est d’essayer d’établir une base de référence pour les différents pathogènes de l'environnement, puis de voir s’il est possible d’en détecter des fluctuations qui pourraient indiquer des épidémies émergentes.
Ainsi en 2011, basé alors à San Francisco, Eric Schadt de la Mount Sinai School of Medicine (New York) a réalisé un projet pilote d’enquête sur les virus des stations d’eaux usées de la région de la baie. Avec ses collaborateurs, il a aussi séquencé les virus trouvés sur différentes surfaces de son entreprise, une biotech développant et fabriquant des systèmes de séquençage. Il explore maintenant le microbiome du Mount Sinai Hospital de New York en collaboration avec Mason.
Également à New York, la biologiste Jane Carlton et ses collaborateurs de l’université ont été en septembre dernier l’une des 2 équipes gagnantes du prix universitaire Grand Challenge de $ 250,000 pour leur projet de méta-génome de New York, à partir d’un échantillonnage à la fois du système d’égouts de la ville et de l'argent en circulation.
« Ome » sweet « ome », comme écrivent Jeff W Lichtman et Joshua R Sanes (4), alors à quelle grande ville française le privilège d’un prochain métropolome ?
Tous ces projets représentent évidemment beaucoup de travail et il n’est pas sûr que quelques centaines d’échantillons suffiront pour définir un environnement normal ou anormal. Et si c’est le cas, on ne sait pas encore si les données seront utiles à l'épidémiologie. A suivre donc.
Dominique Monnier
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