L’estimation de la prévalence de la dépression dans la population des adolescents varie largement selon les pays : en France, elle pourrait être de l’ordre de 5 %. Le suicide en est la manifestation la plus sévère et elle est à l’origine de troubles fonctionnels, de perturbations du sommeil, de difficultés familiales, scolaires et sociales, affectant tous la qualité de vie.
Les services d’urgences hospitalières pourraient représenter un lieu favorable au dépistage de ces troubles dans la mesure où 15 % des patients accueillis sont des adolescents de 12 à 18 ans alors qu’ils représentent 10 % de la population. C’est ce qu’a voulu vérifier une étude française menée dans trois établissements : hôpital Ambrose Paré à Boulogne, hôpital de Versailles et intercommunal de Créteil, ces centres ayant été choisis pour pouvoir étudier des milieux sociaux différents et parce qu’ils comprennent une unité consacrée aux adolescents.
Tous les consultants aux urgences, quel que soit le motif, âgés de 13 à 17 ans ont été sollicités en 2010, pendant deux périodes de 4 à 6 semaines, pour remplir un questionnaire. Les parents, dans une autre salle, remplissaient également parallèlement un autre questionnaire qui leur était propre. Les questions visaient à évaluer les symptômes dépressifs (Adolescent Depression Rating Scale ADRS), les signes somatiques et les conduites à risque. La cotation sur l’ADRS permettait de distinguer ceux qui étaient très déprimés (≥ 6), ceux modérément (3-5) déprimés et ceux qui ne l’étaient pas (1-2).
En tout au cours des périodes d’étude, 1 859 adolescents ont consulté pour des motifs très variables : traumatisme (56 %), douleurs diverses (12,8 %), désordres psychiatriques aigus (9 %) dont intoxication éthylique, pathologies infectieuses et autres causes ; 320 ont participé et fourni un questionnaire exploitable. Les trois quarts des consultants n’ont pas été hospitalisés.
Les scores ADRS étaient normaux pour 226 (70,6 %), 62 (19,4 %) avaient des signes de dépression modérée et 32 (10 %) des symptômes sévères. Le score n’était pas influencé par l’âge mais les filles avaient des taux plus élevés. Parmi les adolescents déprimés, seulement la moitié consultaient pour des raisons psychiatriques (tentative de suicide, intoxication), un quart pour traumatisme et un quart pour des symptômes somatiques. En analyse multivariés, les facteurs de risque de dépression sévère étaient le sexe féminin (Odds ratio [OR] 2,65), le tabagisme (OR 5,89), les plaintes somatiques (OR 3,75), la sensation de malaise (OR 4,96). Les réponses des parents à leur questionnaire montraient qu’ils sous-estimaient très nettement l’existence et l’importance de la dépression de leur enfant.
En conclusion, une échelle à réponse rapide permet de dépister les dépressions des adolescents, souvent sous-estimées en particulier par les parents.
Pr Jean-Jacques Baudon
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