Les psychologues, mal aimés, mal traités
21 janvier 2013
Un jeune psychologue de l’hôpital psychiatrique d’Antony, près de Paris s’est donné la mort, la semaine dernière. Il y travaillait depuis deux ans. Y a-t-il un acte plus délicat à comprendre qu’un suicide ? On sait que les raisons peuvent être multiples et si complexes. Se taire, alors ? Préciser simplement : «C’était un jeune homme, dynamique, pondéré, apprécié, très engagé auprès des patients»,comme l’a raconté un de ses collègues. Que dire d’autres ? L’hôpital d’Antony n’est pas n’importe quel lieu. Il est malheureusement bien connu, depuis le discours, le 3 décembre 2008, de Nicolas Sarkozy, alors président. Celui-ci avait tenu, là, des propos ahurissants sur la psychiatrie, mettant en avant uniquement des impératifs sécuritaires, promettant des chambres d’isolement et des bracelets électroniques aux patients trop remuants.
Y a-t-il un lien ? Evidemment non. Un psychologue est juste mort, mais voilà depuis quelque temps que, dans les hôpitaux psychiatriques, les psychologues sont attaqués. Dans le monde de la santé mentale, c’est la profession la plus ballottée, la plus mal payée (2 200 euros pour un temps plein avec quinze ans d’ancienneté), sans défense, peu reconnue, coincée entre des psychiatres souvent repliés dans leurs égocentrismes et le personnel soignant qui fait tourner le service vaille que vaille. «Que faire dans des services où les patients sont enfermés et abrutis de médicaments ?» notait il y a peu une psychologue hospitalière sur son blog. «Où est notre place, pour simplement parler et penser ?»
A l’hôpital d’Antony, les tensions sont nombreuses. Au point qu’il y a eu des courriers du Syndicat national des psychologues à la direction de l’hôpital, puis à la direction de l’offre des soins au ministère de la Santé pour dénoncer «des risques extrêmement élevés». Pas de réponse. «On ne peut pas ne pas s’interroger entre ce décès et les attaques répétées contre les psychologues», explique Simone Molina, figure du milieu de la psychologie clinique. «Nous ne voulons en rien instrumentaliser ce décès, mais il s’agit aussi de voir là un signe terrible de ce que produit le harcèlement au travail, comme cela fut le cas à France Télécom, ou encore à l’hôpital de Villejuif, ou dans d’autres hôpitaux.» Un syndicaliste CFDT de préciser plus fortement, encore : «Le problème, c’est que l’institution psychiatrique devient pathogène. Qu’est-ce que l’on fait, nous psychologues ? Partir ? Mais pour aller où ?»
A l’hôpital d’Antony, on se tait. On refuse de commenter un «geste personnel», et on évoque l’impudeur de ceux qui posent des questions. «Si on parle souvent de ce qui empêche les soignants de travailler, on n’aborde rarement ce qui les détruit», lâche un médecin du travail.
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