Le Conseil constitutionnel censure la loi sur les internements psychiatriques
26.11.10
Le Conseil constitutionnel a censuré, vendredi 26 novembre, la loi de 1990 sur les hospitalisations sous contrainte, en imposant le contrôle d'un juge dans les quinze jours après un internement en psychiatrie.
Saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil a considéré que l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles psychiques à la demande d'un tiers ne peut être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge.
GARANTIES INSUFFISANTES
Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution l'article L337 du code de la santé publique, qui permet la prolongation d'une telle hospitalisation sur la seule foi d'un certificat médical circonstancié pour une durée maximale d'un mois, renouvelable par périodes successives.
Régie par la loi du 27 juin 1990, l'hospitalisation sous contrainte peut se faire soit à la demande d'un tiers, soit sur décision administrative du préfet ou du maire, motivée par la sécurité des personnes et de l'ordre public.
Le Conseil considère que les garanties prévues par la loi de 1990 sont insuffisantes. Il indique que "la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible".
Or, relève-t-il, les contrôles et recours juridictionnels actuellement prévus par la loi sont insuffisants. "Ni l'obligation faite à certains magistrats de l'autorité judiciaire de visiter périodiquement les établissements accueillant des personnes soignées pour des troubles mentaux, ni les recours juridictionnels dont disposent ces personnes pour faire annuler la mesure d'hospitalisation ou y mettre fin", ne satisfont aux exigences de l'article 66 de la Constitution qui donne à l'autorité judiciaire la protection de la liberté individuelle.
DÉLAI DE QUINZE JOURS
Le Conseil souligne en outre que le droit reconnu aux personnes internées de saisir un juge est particulièrement difficile à mettre en œuvre, car une telle demande revient à manifester de la "défiance", envers ceux qui les soignent.
"Il est paradoxal que ceux dont les facultés sont altérées (…) soient en France les seules personnes pour qui la privation de liberté n'est pas soumise à un contrôle systématique de l'autorité judiciaire", soulignent les juges constitutionnels.
Le Conseil fixe à quinze jours le délai au-delà duquel l'intervention d'une "juridiction de l'ordre judiciaire" est obligatoire. Il n'a pas imposé qu'aucun internement ne soit décidé sans avis judiciaire. Les juges ont ainsi rappelé que la Constitution n'impose pas l'intervention d'un juge préalablement à toute mesure de privation de liberté.
Le Parlement dispose de huit mois pour proposer et voter une nouvelle loi, le Conseil ayant reporté l'entrée en application de sa décision au 1er août 2011.
Un impact sur la réforme en préparation
26.11.10
Imposée par le Conseil constitutionnel vendredi 26 novembre, l'obligation pour un juge de viser sous quinze jours les hospitalisations sous contrainte aura nécessairement un impact sur le projet de réforme de la loi de 1990, en attente d'examen par les parlementaires. Ce projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques", présenté en conseil des ministres en mai, élargit la possibilité de soins sous contrainte en dehors de l'hôpital.
Le texte prévoit la mise en place, à l'arrivée d'un malade à l'hôpital psychiatrique, d'une période d'observation de 72 heures maximum. Sera alors décidé s'il peut rentrer chez lui, s'il sort avec l'obligation de se soigner, ou s'il est hospitalisé, avec ou sans consentement.
Le projet de loi répond à une demande des familles, soucieuses de voir améliorer le suivi des malades. C'est après le drame de Grenoble, où un malade ayant fugué de l'hôpital avait poignardé un étudiant, que le président de la République avait demandé, fin 2008, une réforme des règles de l'hospitalisation.
Le texte fait l'objet de nombreuses critiques de psychiatres, d'associations et de la gauche. Ses opposants pointent l'absence de contrôle judiciaire : "Il maintient l'exception française en Europe d'une loi spécifique pour le traitement sous contrainte en psychiatrie, sans qu'un juge intervienne dans l'autorisation de cette privation de liberté. En posant le principe d'un soin sous contrainte imposable tant à l'hôpital qu'au domicile du patient, il y ajoute l'atteinte à la vie privée", indique ainsi un appel intitulé "Mais c'est un homme", signé notamment par la Ligue des droits de l'homme et le Syndicat de la magistrature.
Les psychiatres s'inquiètent en outre de voir imposer, pour des raisons sécuritaires, des soins sans consentement sur longue période par les préfets, qui suivent les sorties. Plus globalement, ils redoutent que les traitements médicamenteux l'emportent sur le suivi thérapeutique.
Laetitia Clavreul
Quand la machine "judiciaire" prend le pas sur l'évaluation psychiatrique...
Par MARIE THERESE FERRISI
27 Novembre 2010
Une plaignante, Danielle S, a fait valoir auprès du Conseil constitutionnel que ses droits de liberté (téléphoner, recevoir du courrier, refuser un traitement) au vu de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, ces droits n’ont pas été respectés.
« Les sages » saisis par le Conseil d’Etat ont décidé hier soir la suppression de l’article L.337 inscrit au Code de la Santé Publique selon lequel :
- « Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil.
« Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois.
« Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.
« Le certificat médical est adressé aux autorités visées au deuxième alinéa de l'article L. 338 ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 332-3 et selon les modalités prévues à ce même alinéa.
« Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est acquise »
A partir du 1er août 2011, les malades mentaux hospitalisés à la demande d’un tiers (HSDT) feront l’objet au terme du quinzième jour d’hospitalisation non plus du seul certificat médical circonstancié qui affirme ou infirme la nécessité de poursuivre ce mode d’hospitalisation sous contrainte parce que leurs troubles ne leur permettent pas d’accepter les soins, mais ce sera au juge d’en décider.
La réforme de la loi de 1990 en attente d’examen (évènements tragiques de Pau, Grenoble) les parlementaires devront d’ici là choisir soit un JLD (juge de la liberté et de la détention) ou une juridiction ad hoc qui fera le contrôle de l’HSDT.
Aujourd’hui, ce même contrôle est appliqué pour les gardes à vue et la rétention des étrangers. Il ne manquait que les personnes hospitalisées sans leur consentement.
L’avocate Corinne Vaillant a donné comme argument de défense de la plaignante que le simple fait de demander un stylo pour écrire à un juge était parfois considéré comme un motif suffisant pour prolonger l’internement.
D’abord le mot « internement » fait référence à la psychiatrie asilaire d’avant François Tosquelles précurseur de la psychiatrie institutionnelle. Ensuite, j’essaie d’imaginer le contexte où le patient qui est ou n’est pas conscient de ses troubles et au vu de ses droits qui lui ont été énoncés à son admission demande un stylo pour écrire à l’autorité judiciaire.
Les soignants (médecins, infirmiers) sont formés pour établir la différence clinique entre le délire procédurier de la personne paranoïaque et le discours névrotique de celle qui demande une écoute disponible et bienveillante. Dans les deux cas, un entretien s’ensuit.
La tournure judiciaire de ceci m’inquiète car ce qui pourrait être perçu par les soigants comme étant un signal clinique sur le chemin de la guérison par une prise de conscience des troubles ou l’acceptation du traitement serait disqualifié par le simple fait que nous répondrons au malade : « C’est le juge qui décidera si vous continuer le traitement et/ou si vous sortez demain » car c’est de cela qu’il va s’agir plus que la demande du coup de fil à passer ou du courrier à envoyer en toute urgence.
Nous savons par expérience que « la relation thérapeutique » est difficile à mettre en place avec une personne qui n’en a pas fait la demande parce que déni des troubles.
La CDHP (commission départementale des hospitalisations psychiatriques) a vocation consultative pour ce mode d’hospitalisation sous contrainte et peut être saisie par le patient. A-t-elle appliqué ses missions ? Est-ce que cette affaire n’est pas un prétexte politique d’un amenuisement du pouvoir médical transféré au ministère de la justice comme pour les affaires de "l’intérieur" ?
26.11.10
Le Conseil constitutionnel a censuré, vendredi 26 novembre, la loi de 1990 sur les hospitalisations sous contrainte, en imposant le contrôle d'un juge dans les quinze jours après un internement en psychiatrie.
Saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil a considéré que l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles psychiques à la demande d'un tiers ne peut être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge.
GARANTIES INSUFFISANTES
Il a en conséquence déclaré contraire à la Constitution l'article L337 du code de la santé publique, qui permet la prolongation d'une telle hospitalisation sur la seule foi d'un certificat médical circonstancié pour une durée maximale d'un mois, renouvelable par périodes successives.
Régie par la loi du 27 juin 1990, l'hospitalisation sous contrainte peut se faire soit à la demande d'un tiers, soit sur décision administrative du préfet ou du maire, motivée par la sécurité des personnes et de l'ordre public.
Le Conseil considère que les garanties prévues par la loi de 1990 sont insuffisantes. Il indique que "la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible".
Or, relève-t-il, les contrôles et recours juridictionnels actuellement prévus par la loi sont insuffisants. "Ni l'obligation faite à certains magistrats de l'autorité judiciaire de visiter périodiquement les établissements accueillant des personnes soignées pour des troubles mentaux, ni les recours juridictionnels dont disposent ces personnes pour faire annuler la mesure d'hospitalisation ou y mettre fin", ne satisfont aux exigences de l'article 66 de la Constitution qui donne à l'autorité judiciaire la protection de la liberté individuelle.
DÉLAI DE QUINZE JOURS
Le Conseil souligne en outre que le droit reconnu aux personnes internées de saisir un juge est particulièrement difficile à mettre en œuvre, car une telle demande revient à manifester de la "défiance", envers ceux qui les soignent.
"Il est paradoxal que ceux dont les facultés sont altérées (…) soient en France les seules personnes pour qui la privation de liberté n'est pas soumise à un contrôle systématique de l'autorité judiciaire", soulignent les juges constitutionnels.
Le Conseil fixe à quinze jours le délai au-delà duquel l'intervention d'une "juridiction de l'ordre judiciaire" est obligatoire. Il n'a pas imposé qu'aucun internement ne soit décidé sans avis judiciaire. Les juges ont ainsi rappelé que la Constitution n'impose pas l'intervention d'un juge préalablement à toute mesure de privation de liberté.
Le Parlement dispose de huit mois pour proposer et voter une nouvelle loi, le Conseil ayant reporté l'entrée en application de sa décision au 1er août 2011.
Un impact sur la réforme en préparation
26.11.10
Imposée par le Conseil constitutionnel vendredi 26 novembre, l'obligation pour un juge de viser sous quinze jours les hospitalisations sous contrainte aura nécessairement un impact sur le projet de réforme de la loi de 1990, en attente d'examen par les parlementaires. Ce projet de loi "relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques", présenté en conseil des ministres en mai, élargit la possibilité de soins sous contrainte en dehors de l'hôpital.
Le texte prévoit la mise en place, à l'arrivée d'un malade à l'hôpital psychiatrique, d'une période d'observation de 72 heures maximum. Sera alors décidé s'il peut rentrer chez lui, s'il sort avec l'obligation de se soigner, ou s'il est hospitalisé, avec ou sans consentement.
Le projet de loi répond à une demande des familles, soucieuses de voir améliorer le suivi des malades. C'est après le drame de Grenoble, où un malade ayant fugué de l'hôpital avait poignardé un étudiant, que le président de la République avait demandé, fin 2008, une réforme des règles de l'hospitalisation.
Le texte fait l'objet de nombreuses critiques de psychiatres, d'associations et de la gauche. Ses opposants pointent l'absence de contrôle judiciaire : "Il maintient l'exception française en Europe d'une loi spécifique pour le traitement sous contrainte en psychiatrie, sans qu'un juge intervienne dans l'autorisation de cette privation de liberté. En posant le principe d'un soin sous contrainte imposable tant à l'hôpital qu'au domicile du patient, il y ajoute l'atteinte à la vie privée", indique ainsi un appel intitulé "Mais c'est un homme", signé notamment par la Ligue des droits de l'homme et le Syndicat de la magistrature.
Les psychiatres s'inquiètent en outre de voir imposer, pour des raisons sécuritaires, des soins sans consentement sur longue période par les préfets, qui suivent les sorties. Plus globalement, ils redoutent que les traitements médicamenteux l'emportent sur le suivi thérapeutique.
Laetitia Clavreul
Quand la machine "judiciaire" prend le pas sur l'évaluation psychiatrique...
Par MARIE THERESE FERRISI
27 Novembre 2010
Une plaignante, Danielle S, a fait valoir auprès du Conseil constitutionnel que ses droits de liberté (téléphoner, recevoir du courrier, refuser un traitement) au vu de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, ces droits n’ont pas été respectés.
« Les sages » saisis par le Conseil d’Etat ont décidé hier soir la suppression de l’article L.337 inscrit au Code de la Santé Publique selon lequel :
- « Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil.
« Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois.
« Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.
« Le certificat médical est adressé aux autorités visées au deuxième alinéa de l'article L. 338 ainsi qu'à la commission mentionnée à l'article L. 332-3 et selon les modalités prévues à ce même alinéa.
« Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est acquise »
A partir du 1er août 2011, les malades mentaux hospitalisés à la demande d’un tiers (HSDT) feront l’objet au terme du quinzième jour d’hospitalisation non plus du seul certificat médical circonstancié qui affirme ou infirme la nécessité de poursuivre ce mode d’hospitalisation sous contrainte parce que leurs troubles ne leur permettent pas d’accepter les soins, mais ce sera au juge d’en décider.
La réforme de la loi de 1990 en attente d’examen (évènements tragiques de Pau, Grenoble) les parlementaires devront d’ici là choisir soit un JLD (juge de la liberté et de la détention) ou une juridiction ad hoc qui fera le contrôle de l’HSDT.
Aujourd’hui, ce même contrôle est appliqué pour les gardes à vue et la rétention des étrangers. Il ne manquait que les personnes hospitalisées sans leur consentement.
L’avocate Corinne Vaillant a donné comme argument de défense de la plaignante que le simple fait de demander un stylo pour écrire à un juge était parfois considéré comme un motif suffisant pour prolonger l’internement.
D’abord le mot « internement » fait référence à la psychiatrie asilaire d’avant François Tosquelles précurseur de la psychiatrie institutionnelle. Ensuite, j’essaie d’imaginer le contexte où le patient qui est ou n’est pas conscient de ses troubles et au vu de ses droits qui lui ont été énoncés à son admission demande un stylo pour écrire à l’autorité judiciaire.
Les soignants (médecins, infirmiers) sont formés pour établir la différence clinique entre le délire procédurier de la personne paranoïaque et le discours névrotique de celle qui demande une écoute disponible et bienveillante. Dans les deux cas, un entretien s’ensuit.
La tournure judiciaire de ceci m’inquiète car ce qui pourrait être perçu par les soigants comme étant un signal clinique sur le chemin de la guérison par une prise de conscience des troubles ou l’acceptation du traitement serait disqualifié par le simple fait que nous répondrons au malade : « C’est le juge qui décidera si vous continuer le traitement et/ou si vous sortez demain » car c’est de cela qu’il va s’agir plus que la demande du coup de fil à passer ou du courrier à envoyer en toute urgence.
Nous savons par expérience que « la relation thérapeutique » est difficile à mettre en place avec une personne qui n’en a pas fait la demande parce que déni des troubles.
La CDHP (commission départementale des hospitalisations psychiatriques) a vocation consultative pour ce mode d’hospitalisation sous contrainte et peut être saisie par le patient. A-t-elle appliqué ses missions ? Est-ce que cette affaire n’est pas un prétexte politique d’un amenuisement du pouvoir médical transféré au ministère de la justice comme pour les affaires de "l’intérieur" ?
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