Retour vers un tout asilaire
mercredi 18 août 2010
Gros plan sur la psychiatrie pour illustrer comment la politique sécuritaire du gouvernement nie les vrais problèmes, n’y apporte aucune solution durable, et fonctionne par clichés. La CGT lance un cri d’alerte.
Les choses vont en effet à l’envers. Au lieu de gagner en confort, les structures hospitalières dévolues à la psychiatrie (à l’instar de beaucoup d’autres domaines) perdent progressivement, pour le personnel comme pour les usagers, ce sur quoi il était convenu qu’elles reposent : des moyens pour bien fonctionner. A quoi sert le progrès si en raison d’un argument économique, il n’est accessible à personne ou presque ? Est-il une signification au terme de développement, dont la santé est un des baromètres à l’échelle d’une nation, si cette notion est systématiquement entravée par la finance ? D’autant que la misère sociale croissante augmente vraisemblablement le nombre de personnes ayant recours à des soins psychiatriques, ou en tout cas, en ayant besoin. « C’est une évidence », selon Nicolas Deconinck, infirmier à l’hôpital Pasteur, à Nice. Et quelle réponse y apporte les pouvoirs publics ? Une diminution de la capacité d’accueil. « A Pasteur, il y a 6 ans, lors du transfert du bâtiment J à Ste Marie, sur 36 lits au départ, 17 n’ont jamais rouverts. Et, en tout, dans ce transfert, on a perdu une vingtaine de lits », comptabilisent les élus CGT. Et cette diminution est générale. Ainsi, lorsqu’une personne vient de son propre chef demander à être hospitalisée au Centre d’accueil psychiatrique de l’hôpital St Roch, la réponse est invariablement la même : « Nous n’avons plus de places, revenez plus tard… ». Quelle notion de service ! Et quel désarroi pour le patient !
Cercle vicieux.
C’est d’ailleurs la crainte principale soulevée par le syndicat CGT qui alerte la presse et les autorités par le biais d’un communiqué envoyé aux rédactions. Etant donné que toutes les places sont prises, une personne qui vient d’elle-même et qui ne peut être accueillie, pourrait très bien finir par commettre un acte répréhensible. Dans ce cas, elle serait alors hospitalisée d’office, mais le rôle préventif aura tout bonnement été nié. « C’est un cercle vicieux », lancent des infirmiers. Aujourd’hui, dans les hôpitaux, au CHU de Nice comme ailleurs, les places sont presqu’intégralement occupées par les personnes hospitalisées d’office et celles hospitalisées à la demande d’un tiers. Dans le premier cas, c’est le préfet qui ordonne le placement, après un trouble à l’ordre public, et dans l’autre, c’est la famille. Dans ces deux cas, ils sont prioritaires. Mais ce fonctionnement, n’étant déjà pas idéal en raison du peu de lits offerts, est rendu encore plus compliqué, voire chancelant, depuis le dramatique fait divers survenu à Roquebrune Cap-Martin le 2 janvier dernier. L’assassin bénéficiait d’une sortie d’essai après une période d’hospitalisation, lorsqu’il a commis son forfait. Depuis, le préfet, agissant ainsi sous couvert de la politique sécuritaire menée par son gouvernement, a tout bonnement gelé les sorties d’essai des patients en hospitalisation d’office, et il a aussi rappelé ceux qui étaient déjà en sortie d’essai. Le résultat étant l’engorgement que l’on sait. Les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation. La semaine dernière, un nouveau courrier a été envoyé à l’Agence Régionale de Santé (ARS) par le syndicat CGT pour dénoncer le cercle vicieux susdit. Et tous les secteurs géographiques sont concernés : « la situation est terrible, mais c’est bien à l’image de ce qui se passe ailleurs dans le département : le manque de lits est criant, pour les adultes, comme pour les jeunes, et pendant les vacances, la situation s’aggrave », déplore Jocelyne Mangione, de l’Union Santé Départementale CGT. Récemment, au Cannet, un mineur qui n’a pas pu être accueilli dans un service adéquat a été orienté dans le service adulte.
Retour en arrière.
A Lenval, seul établissement du département habilité en pédopsychiatrie, seuls 13 lits sont disponibles. « C’est tout le temps en débordement », témoigne Suzanne Gazin, infirmière. Elle dresse un constat de carence générale de traitement du problème. « Petit à petit, les Centres médico-psychologiques (équivalent à un hôpital de jour) ferment, il n’y a pas assez de lieux à longs séjours, pour les adolescents, les éducateurs ne sont plus assez nombreux, les familles d’accueil n’existent pratiquement plus, etc… Le fait qu’il n’y ait pas de maillage plus important, aboutit à la dernière option qui est la psychiatrie fermée ». Encore une fois à l’instar de beaucoup d’autres domaines, le secteur de la psychiatrie subit ces dernières années un véritable recul. « Le schéma d’après-guerre, explique Suzanne Gazin, où la psychiatrie de secteur, implantée dans la ville, avait été créée, est en train de se casser la figure. Avec l’incidence de la pensée sécuritaire, il est complètement remis à zéro, et on revient à une psy asilaire, avec un discours tournant autour du thème que les patients sont tous des fous dangereux ». Pourtant, et de manière totalement paradoxale, l’offre hospitalière se réduit. Le syndicat CGT avait déjà alerté le préfet et l’ARS en ce mois de juillet, lesquels semblaient se renvoyer la balle. Dans son dernier courrier à l’ARS, le syndicat écrit : « il y a urgence à trouver des solutions adaptées pour notre région afin que les patients soient accueillis dignement et dans la plus grande sécurité. Il y a urgence également à rouvrir des lits, à rouvrir des services et à offrir aux personnels des conditions de travail qui ne datent pas d’un autre siècle ». Toujours pas de réponse. Et si un autre drame survient, gageons que les autorités feindront la stupeur.
R.F.
Les choses vont en effet à l’envers. Au lieu de gagner en confort, les structures hospitalières dévolues à la psychiatrie (à l’instar de beaucoup d’autres domaines) perdent progressivement, pour le personnel comme pour les usagers, ce sur quoi il était convenu qu’elles reposent : des moyens pour bien fonctionner. A quoi sert le progrès si en raison d’un argument économique, il n’est accessible à personne ou presque ? Est-il une signification au terme de développement, dont la santé est un des baromètres à l’échelle d’une nation, si cette notion est systématiquement entravée par la finance ? D’autant que la misère sociale croissante augmente vraisemblablement le nombre de personnes ayant recours à des soins psychiatriques, ou en tout cas, en ayant besoin. « C’est une évidence », selon Nicolas Deconinck, infirmier à l’hôpital Pasteur, à Nice. Et quelle réponse y apporte les pouvoirs publics ? Une diminution de la capacité d’accueil. « A Pasteur, il y a 6 ans, lors du transfert du bâtiment J à Ste Marie, sur 36 lits au départ, 17 n’ont jamais rouverts. Et, en tout, dans ce transfert, on a perdu une vingtaine de lits », comptabilisent les élus CGT. Et cette diminution est générale. Ainsi, lorsqu’une personne vient de son propre chef demander à être hospitalisée au Centre d’accueil psychiatrique de l’hôpital St Roch, la réponse est invariablement la même : « Nous n’avons plus de places, revenez plus tard… ». Quelle notion de service ! Et quel désarroi pour le patient !
Cercle vicieux.
C’est d’ailleurs la crainte principale soulevée par le syndicat CGT qui alerte la presse et les autorités par le biais d’un communiqué envoyé aux rédactions. Etant donné que toutes les places sont prises, une personne qui vient d’elle-même et qui ne peut être accueillie, pourrait très bien finir par commettre un acte répréhensible. Dans ce cas, elle serait alors hospitalisée d’office, mais le rôle préventif aura tout bonnement été nié. « C’est un cercle vicieux », lancent des infirmiers. Aujourd’hui, dans les hôpitaux, au CHU de Nice comme ailleurs, les places sont presqu’intégralement occupées par les personnes hospitalisées d’office et celles hospitalisées à la demande d’un tiers. Dans le premier cas, c’est le préfet qui ordonne le placement, après un trouble à l’ordre public, et dans l’autre, c’est la famille. Dans ces deux cas, ils sont prioritaires. Mais ce fonctionnement, n’étant déjà pas idéal en raison du peu de lits offerts, est rendu encore plus compliqué, voire chancelant, depuis le dramatique fait divers survenu à Roquebrune Cap-Martin le 2 janvier dernier. L’assassin bénéficiait d’une sortie d’essai après une période d’hospitalisation, lorsqu’il a commis son forfait. Depuis, le préfet, agissant ainsi sous couvert de la politique sécuritaire menée par son gouvernement, a tout bonnement gelé les sorties d’essai des patients en hospitalisation d’office, et il a aussi rappelé ceux qui étaient déjà en sortie d’essai. Le résultat étant l’engorgement que l’on sait. Les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation. La semaine dernière, un nouveau courrier a été envoyé à l’Agence Régionale de Santé (ARS) par le syndicat CGT pour dénoncer le cercle vicieux susdit. Et tous les secteurs géographiques sont concernés : « la situation est terrible, mais c’est bien à l’image de ce qui se passe ailleurs dans le département : le manque de lits est criant, pour les adultes, comme pour les jeunes, et pendant les vacances, la situation s’aggrave », déplore Jocelyne Mangione, de l’Union Santé Départementale CGT. Récemment, au Cannet, un mineur qui n’a pas pu être accueilli dans un service adéquat a été orienté dans le service adulte.
Retour en arrière.
A Lenval, seul établissement du département habilité en pédopsychiatrie, seuls 13 lits sont disponibles. « C’est tout le temps en débordement », témoigne Suzanne Gazin, infirmière. Elle dresse un constat de carence générale de traitement du problème. « Petit à petit, les Centres médico-psychologiques (équivalent à un hôpital de jour) ferment, il n’y a pas assez de lieux à longs séjours, pour les adolescents, les éducateurs ne sont plus assez nombreux, les familles d’accueil n’existent pratiquement plus, etc… Le fait qu’il n’y ait pas de maillage plus important, aboutit à la dernière option qui est la psychiatrie fermée ». Encore une fois à l’instar de beaucoup d’autres domaines, le secteur de la psychiatrie subit ces dernières années un véritable recul. « Le schéma d’après-guerre, explique Suzanne Gazin, où la psychiatrie de secteur, implantée dans la ville, avait été créée, est en train de se casser la figure. Avec l’incidence de la pensée sécuritaire, il est complètement remis à zéro, et on revient à une psy asilaire, avec un discours tournant autour du thème que les patients sont tous des fous dangereux ». Pourtant, et de manière totalement paradoxale, l’offre hospitalière se réduit. Le syndicat CGT avait déjà alerté le préfet et l’ARS en ce mois de juillet, lesquels semblaient se renvoyer la balle. Dans son dernier courrier à l’ARS, le syndicat écrit : « il y a urgence à trouver des solutions adaptées pour notre région afin que les patients soient accueillis dignement et dans la plus grande sécurité. Il y a urgence également à rouvrir des lits, à rouvrir des services et à offrir aux personnels des conditions de travail qui ne datent pas d’un autre siècle ». Toujours pas de réponse. Et si un autre drame survient, gageons que les autorités feindront la stupeur.
R.F.
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