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samedi 12 juin 2010






25/05/2010

Interprète à l’hôpital, pour dire les maux
Par
ERIC FAVEREAU

Aziz Tabouri est interprète. Il le dit simplement : «Comment est-il possible à un médecin de parler avec un patient si celui-ci ne comprend pas les questions qu’on lui pose ?» Ou encore : «Comment le médecin peut-il se satisfaire d’un hochement de tête poli de la part d’un patient étranger ? Le médecin n’est pas un vétérinaire.» Entre un médecin et un malade, les mots peuvent être vides de compréhension. Récemment, s’est tenu un colloque au ministère de la Santé sur cette question de l’interprétariat pour les patients non francophones. Une pratique encore très marginale, et bizarrement très peu valorisée par les médecins.

«Une fois les patients dans notre cabinet, on ne va pas les renvoyer chez eux sous prétexte que nous n’avons pas d’interprètes», se défend un médecin généraliste dans Impact médecin. Alors il  se débrouille. Lui comme d’autres. Ce généraliste ajoute que de nombreux patients viennent avec leur famille ou des amis pour faire la traduction. Et qu’en fait,il n’a pas d’objection. Quid alors du secret médical ? N’y-a-t-il pas un risque de passer à côté de quelque chose de délicat ? «Le patient a droit à l’intimité et à la confidentialité lors d’un entretien médical, et également le droit de comprendre ce qui lui arrive», poursuit Aziz Tabouri, qui est vice-président de l’association Inter service migrant interprétariat. Exemple où les choses ne sont pas si simples : «L’annonce d’une séropositivité, ce n’est pas rien. Ou l’annonce d’un décès prochain. Cela renvoie chacun des patients à ce que nous avons de plus profond : la langue qui nous a bercés.» Pour lui, le manque est criant : «La langue maternelle permet d’exprimer le sentiment d’angoisse qui nous étreint, le doute qui nous assaille. C’est à ce moment précis où une personne se confronte à un diagnostic grave que le besoin d’un interprète se fait sentir avec acuité.»

En France, l’interprétariat n’existe formellement qu’à l’hôpital, Et encore, à très petites doses. Les médecins hospitaliers disent, eux aussi, se débrouiller. «C’est pourtant essentiel, reprend Aziz Tabouri. Quand on intervient au chevet d’un malade qui souffre, les difficultés sont nombreuses. Et pas seulement d’ordre linguistique. Les questionnements renvoient à des modèles de représentations du monde, de l’organisation d’un hôpital, de la mixité hommes-femmes, du rapport à la nudité, à la sexualité, à la famille, à la nourriture.» Et de citer d’autres cas : «Une jeune mère chinoise de la province de Wenzhou reçue à la maternité de l’hôpital Lariboisière n’a rien à voir avec une mère en provenance du Mali. L’interprète doit leur expliquer les propos du médecin plus par des images et des périphrases que par des mots.» A l’issue de ce colloque, la Direction générale de la santé a demandé «une évaluation des différents services d’interprétariat en France».

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