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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 9 mai 2010




Zoom sur la nouvelle loi en psychiatrie
09 Mai 2010

Par guy Baillon

Édition : Contes de la folie ordinaire

 
"ILS" ONT PERDU LA TETE ! La nouvelle loi va "punir" ses fous ! Comble de la dérision !

La ministre de la santé, les psychiatres, les familles ont perdu la tête. Ils traitent les personnes présentant des troubles dits psychotiques comme s’ils étaient des "enfants désobéissants" que l'on doit remettre dans le droit chemin, en les obligeant à se faire soigner. Tout va se réduire à "surveiller et punir" ! La psychothérapie est exclue de la loi !

Comment ces différentes catégories de responsables en sont arrivées à considérer la folie comme un caprice de gamins ? Qu’est ce donc que traverser un moment de folie pour eux ?

Les professionnels de la psychiatrie ont inversé les faits : ils présentent la folie comme étant d'une complexité extrême à décrire, et d'une simplicité totale à traiter. C'est tout le contraire. En fait la représentation de la folie peut être décrite simplement, c'est le traitement qui est complexe et demande une profonde et patiente compétence associée à un réel amour de l'autre, amour de la personne qui souffre. Simplement les psychiatres qui se disent les plus "responsables" (car ce ne sont pas tous les psychiatres qui ont pris cette décision ce sont leurs représentants les présidents de CME) démissionnent de leur rôle, trop menacés, trop dévalorisés, trop divisés, ils sont tout à fait soulagés de se protéger derrière une loi qui punit et oblige. Il en est de même des familles : elles expliquent le simplisme violent de cette loi par le fait qu'elles n'arrivent pas à obtenir des soins auprès de la majorité des psychiatres quand elles font cette demande pour leurs proches ; ainsi découragées elles pensent qu'en obligeant leurs enfants à se faire soigner, cela va amener les psychiatres à soigner enfin, le monde à l’envers !

Quant à la Ministre bien évidemment elle est ravie de trouver des alliés inattendus pour appliquer la répression demandée par le Président de la République, continuité de sa politique sécuritaire, qui n’a en fait rien à voir avec la folie. Il faut d’abord montrer que l’Etat est fort : il enferme, donc punit, avant même de "parler".

Au total nous nageons dans l’absurde, un absurde né chez les personnes dites sensées.  Mais quel désastre ! Quel massacre de ce qui a été créé pour recevoir la folie !

Ces acteurs refusent de voir la réalité des troubles psychiques tout en ne réfléchissant pas aux conséquences de leurs décisions. En quelques lignes reprenons l'essentiel de ce qu'ils veulent ignorer. La représentation des troubles psychiques graves peut se résumer à trois grandes données : l'angoisse et la dépression, comme troubles de base qui chez certaines personnes vont prendre des proportions extrêmes et durer au point de rendre la vie insupportable, jusqu'à l'apparition d'un délire. Celui-ci au contraire constitue une étape dans la voie de la guérison, dans la mesure où il écarte la violence des troubles précédents, tout en donnant à la personne une solution à l’hostilité ou la complexité du monde environnant ; avec le délire la personne a en mains une explication qui la satisfait ; cependant il rend difficiles les relations de la personne avec son environnement qui ne comprend pas et devient rejetant ; enfin ce délire a comme particularité que la personne convaincue de la pertinence de sa propre vision du monde est dans la méconnaissance de la différence qui existe entre cette vision et la réalité. Elle n'en est pas pour autant dangereuse. Elle méconnaît l'ensemble de ses troubles, par contre elle est, beaucoup plus souvent que les autres, victime de la violence de la société qui l'entoure, et la proie de maladies physiques. Ceci pour deux raisons majeures : étant prise par son délire elle n'est pas consciente des dangers de la société qui l'entoure, pas plus que ce qui met son propre corps en péril; de ce fait elle est vulnérable à cause de cette double méconnaissance qui joue contre elle : elle ne demande rien et ne revendique rien ; de ce fait il est tellement facile de les accuser de tout les maux, et d’en faire des boucs émissaires. C’est ce dont cette loi abuse.

La première absurdité de cette loi c’est « d’interpréter la méconnaissance de ses troubles par le malade comme un refus de se faire soigner, une "désobéissance" » (comme cela a été vivement dénoncé jeudi au colloque de ‘LOGOS’ à Perpignan). La loi veut ignorer qu’elle ne "refuse" pas, elle "ne sait pas" !

La seconde c’est de ne pas comprendre qu'il est essentiel de savoir que le seul processus thérapeutique efficace c'est le travail psychothérapique, individuel et collectif ; les médicaments agissent certes sur une part importante de l'angoisse et de la dépression, mais pas plus que l'éducatif ils n’ont d’action sur le délire. De plus pour réduire au mieux les troubles de base, angoisse et dépression, ces médicaments doivent être ‘encadrés’ par la psychothérapie pour expliquer leur effet et être intégrés dans la recherche du sens des processus psychopathologiques.

Enfin une donnée dramatique se surajoute, dès que l'on entre dans le champ du soin. Les psychiatres ne le savent pas assez, ce sont les patients qui nous l’apprennent : ce drame c’est la souffrance qu'impose le fait de devoir vivre le saut brutal qu’ils doivent faire pour aller de leur méconnaissance du délire à la reconnaissance qui leur est imposée d’être "malade". Ces personnes qui souffrent expliquent que ce qui leur est imposé alors c'est de passer d'un vécu de certitude sur la réalité à une reconnaissance que ce qu'ils aiment le plus au monde, leur être propre, leur âme, leur moi, "serait" en fait une donnée incomplète, inférieure, dévalorisée, parce que dite "malade", qui va leur faire "honte".  C'est alors un vacillement de l'âme, une perte d'identité, qui leur est asséné. Cette identité il leur devient indispensable de la reconstruire pour survivre et ne pas s'effondrer en un être totalement passif, vide de toute pensée sur le monde. Cet état de passivité, cette vie amorphe, peut être aussi le résultat que l’on obtient avec des traitements lorsqu’ils sont limités à des surdosages de médicaments et de comportementalisme. Nous le savons tous.

Un tel "saut" est impossible à faire seul, ni avec la seule aide de la famille ; il faut l'intervention d'un tiers, un tiers soignant qui s'approche d’elles avec suffisamment de prudence pour créer un climat de confiance. Seulement il faut à la fois pour cela un cadre neutre, des soignants accueillants attentifs, et surtout qui soient les mêmes pour assurer une continuité de liens, compétents, expérimentés, permettant la construction de ce lien de confiance nécessaire pour réaliser cette mutation psychique.

C'est bien le risque que cette loi fait prendre en bâtissant sa démarche sur l'obéissance à prendre des médicaments seulement. Alors que l’on sait aussi qu’aucun médicament n'incite à suivre un travail psychothérapique. Surtout aucune psychothérapie ne peut être réalisée sous obligation, sous un ordre quelconque, sous une injonction quelconque, menace à l'appui. L'échange relationnel exige un vécu et un climat de liberté essentiels.

À l'inverse l'expérience a montré tant aux promoteurs de la Psychothérapie Institutionnelle qu’à ceux de la Psychiatrie de Secteur que le soin psychique pouvait se développer dans un climat de liberté. Certaines équipes ont formalisé cela en soulignant que tout début de soin psychique, toute proposition de soin, devait être précédé d'une "vraie rencontre humaine" pour accéder à cette méconnaissance, dans des espaces neutres en ville, non stigmatisés par une étiquette psychiatrique ; nous les avons appelés « lieux ou centres d'accueil », mais il s’agit là d’un accueil qui n’est ni obligatoire, ni limité à trois jours. En effet si les personnes en grande difficulté psychique, soit seules, soit de préférence accompagnées, peuvent être reçues directement sans délai dans un tel espace, elles peuvent bénéficier d'une série d'entretiens qui seront réalisés par les mêmes soignants s'appuyant sur l’entourage, et établissant un lien de confiance assez clair pour que la relation devienne solide ; peu à peu les personnes peuvent mettre des mots sur leur souffrance, et envisagent d'accepter des aides thérapeutiques associant psychothérapie, médicaments, soins institutionnels. Un tel travail est appelé « travail d'accueil », parfois « travail de crise ».

Et là nous comprenons brusquement qu’une loi n'est donc pas nécessaire pour installer ce type de soin. Un "Plan de Santé Mentale" suffit, demandant à chaque équipe de secteur de convertir une partie de son personnel (6 à 12 infirmiers, un médecin, un psychologue) en un groupe ou équipe d'accueil actif 24 h/ 24. Cette seule présence entraîne une transformation complète du ‘climat’ du service public qui devient enfin disponible et accessible. À chaque fois une telle réalisation entraîne une diminution des urgences, une diminution des besoins d'hospitalisation, ceux-ci étant remplacés par des soins ambulatoires. Enfin cette équipe, en raison de sa disponibilité, peut régulièrement à la demande des familles intervenir au domicile et rétablir le contact avec un patient qui s'est totalement mis en retrait.

Par cette simple mise en place, cette énorme machine de guerre que constitue cette nouvelle loi, avec sa triple obligation de soins depuis la garde à vue jusqu'au domicile, se montre totalement inutile, disproportionnée, adaptée seulement pour une armée de criminels.

Il est essentiel en même temps d'anticiper l'ampleur des autres dégâts que va faire cette loi si elle est promulguée par le Parlement : d’abord elle se centre sur la personne seule alors que les troubles psychiques graves atteignent toujours un groupe, la famille, des proches, avec la personne, alors que nous devons avoir à l'esprit l'appui d'une conception de l'homme qui soit unitaire, globale, associant corps, esprit et modalité de relation à l'autre, faisant comprendre que l'homme ne peut vivre seul ; l’autonomie est une illusion, la solidarité est un besoin. Tout cela est évacué par la loi qui isole, enferme, oblige. Surtout la loi commet un oubli colossal, elle occulte le fait que le soin psychique ne constitue qu'une partie des besoins des personnes présentant des troubles psychiques graves. De ce fait elle ignore totalement la généreuse loi de 2005-102, qui en créant la notion de handicap psychique (les conséquences sociales des troubles psychiques graves), a montré la volonté de l'État de répondre à une autre partie des besoins, les besoins de compensation sociale ; cette réponse réalisée grâce aux accompagnements individuels, aux services d'accompagnements sociaux (SAVS) et d'accompagnement au travail (ESAT), des foyers, et même les remarquables GEM, groupe d'entraide mutuelle. Une des difficultés d'application de cette loi est qu'elle constate que dans un certain nombre de situations, des personnes ayant été soignées, mais qui, soit au début de la rencontre avec la MDPH (maison du handicap), soit en cours de mesures de compensation, sont à nouveau dans le déni de leurs troubles psychiques tout en ne ‘demandant rien’. Le souci actuel est en dehors de toute urgence de les aider à percevoir la pertinence qu'il y aurait de reprendre un processus thérapeutique associé ; et nous constatons que ce sont les liens mutuels et la confiance des usagers qui vont permettre de redresser le cap vers le soin associé.

Avec la loi, l'ombre de la notion d’obligation-obéissance va s'étendre bien au-delà du soin, elle va aussi s'étendre sur le champ social et médico-social ; dans ce champ consciemment ou non, on ne va plus chercher à préparer une simple reprise de soins, on va très facilement brandir la menace de renvoyer la personne à tout le circuit «garde à vue de 72 heures - obligation de soin hospitalier- obligation de soins à domicile ».

En clair nous voyons venir l’ère des travaux forcés : une simple incartade, une absence mal expliquée, des conflits variés, feront évoquer l'insuffisance des soins (donnée totalement inévaluable,  mais dont l'énonciation suffit pour faire peur et fausser là aussi toute relation dans l'ensemble du champ social et médico-social). Ces personnes se sentiront obligées de travailler pour ne pas être hospitalisées et prises dans le système du soin obligatoire ! Où allons-nous ? L'ensemble du climat social va changer. Nous devons y prendre garde, ici nous sommes en présence de personnes présentant les conséquences sociales des troubles psychiques au long cours : à la moindre difficulté, qui pourra affirmer que le traitement est bien suivi ? qu'il est suffisant ? Cette question est très fréquente. Avec la loi il y a une réponse possible et immédiate, donc facile, "très facile" : l'envoi à la garde à vue de 72 heures ! Nous comprenons que tout ceci ouvre la porte à un climat constant de délation, sans limites !

Ainsi nous voilà brutalement, dès la promulgation de la loi,  projetés dans un climat où tout se fixe sur l'individu plus ou moins désobéissant, loin de toute solidarité, celle-ci suspecte sera désignée comme risque de collusion cherchant à protéger, au lieu de soigner. Non seulement la loi avec l'obligation des soins réduit l'homme à une machine qu'il suffit de nourrir de médicaments ou à transformer en robot ; mais il devient clair que les personnes présentant un trouble mental constituent manifestement "une autre race", qui doit se contenter d'obéir. Ce que l’on n’a pas encore compris, c’est que cela ne limitera aucunement la réalisation des actes imprévisibles (ceux dont se nourrit la presse, ils surviendront là comme dans toute population, y compris des crimes, mais ici ils ne sont pas supportables car aucun motif "raisonnable" n’est invoqué), on comprendra très vite qu'il faudra aller plus loin. Alors, la "race’" étant désignée, d’aucuns évoqueront une méthode déjà expérimentée pendant 10 ans en Allemagne entre 1933 et 1942 où l'on a "euthanasié" avec les meilleures intentions du monde, 80.000 personnes "afin de leur éviter les souffrances  à venir". Cette nouvelle loi prépare ce climat et va laisser venir cela, doucement ! là où il faut simplement écouter ceux qui souffrent grâce à une disponibilité humaine, compétente, libre.

Guy Baillon, psychiatre des hôpitaux



SOCIÉTÉ

Psychiatrie : Bachelot veut faire passer la pilule

Le tout-sécuritaire fait son tour de garde et s’attaque aux hôpitaux psychiatriques. La loi, discutée à l’automne, institue les soins sans consentement et restreint les sorties d’essai.

Le verdict est tombé  : ce sera la peste et le choléra. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a présenté hier la nouvelle loi sur la psychiatrie en Conseil des ministres. Sur demande de Nicolas Sarkozy, après un fait divers dramatique impliquant un malade mental échappé d’un hôpital psychiatrique en 2008, cette loi vise à réformer les conditions d’hospitalisation d’office. Le texte prévoit deux mesures  : les soins ambulatoires sans consentement et la suppression des sorties d’essai.

Pour Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychologie à l’université d’Aix-Marseille  : « Les soins sans consentement contribuent à aliéner davantage le patient, à le destituer de sa citoyenneté. Ce n’est que pure folie de vouloir tout légiférer. Les décisions doivent se prendre au cas par cas par les équipes soignantes, en lien avec le patient et la famille. » Avec la loi, celles-ci appartiendraient à l’autorité publique, après avis médical.

Les « sorties d’hôpital pour les patients placés en hospitalisation d’office », supprimées au-delà de douze heures, seront délivrées par le préfet, muni des conseils d’un collège de soignants, composé de deux psychiatres et d’un cadre infirmier. « La suppression des sorties d’essai ressemble plus à une punition qu’à une solution, au même titre que la détention provisoire dans les prisons. Par ailleurs, l’aberration est totale puisqu’il est aisé de tuer quelqu’un en moins de douze heures. Nous sommes en train de perdre toute notre autonomie, acquise depuis les lois éthiques de Nuremberg », explique Roland Gori.

La loi développe un aspect sécuritaire et une extrême médicalisation des souffrances psychiques. « Le pouvoir nous montre des monstruosités pour légitimer la surveillance de tous. Georg Lukàcs parle à ce titre de pseudo-objectivité. La démocratie libérale développe une conception sociale marquée par le sécuritaire, en utilisant une phraséologie scientifique, mais ce n’est en rien ce qui devrait prévaloir en psychiatrie », ajoute le psychanalyste. Les soins psychiques décroissent au profit d’une surmédicalisation  ; le patient s’inscrit dans une marche forcée vers la normalisation, dénonce Roland Gori. « L’hôpital devrait proposer de réels soins psychiatriques, ouverts sur la vie sociale et culturelle, loin de la solubilité dans l’idéologie actuelle du médico-administratif, dans la rationalisation technique et budgétaire. C’est la défense des malades qui compte. » La camisole chimique nous guette-t-elle tous quand les moyens et les personnels font défaut à cause de l’austérité pesant sur l’hôpital  ?

Céline Trégon




Roselyne Bachelot affole le monde de la psychiatrie

Créé le 06.05.10


Santé La réforme de l'hospitalisation d'office suscite la controverse


Le Conseil des ministres a examiné hier le projet de loi de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, sur la psychiatrie. Il doit réformer les conditions de l'hospitalisation d'office et vise, selonLuc Chatel, porte-parole du gouvernement, à assurer « une meilleure prise en charge des patients ». Annoncée en 2008 par Nicolas Sarkozy, après le meurtre d'un étudiant par un malade mental qui avait fugué d'un hôpital psychiatrique, cette réforme est accueillie avec scepticisme par les praticiens. Alain Vaissermann, président du Comité d'action syndicale de la psychiatrie (Casp), regroupant 80 % des praticiens (14 000 en France), regrette que « le souci sécuritaire ait gagné le souci sanitaire ». Le remplacement de la notion d'hospitalisation par celle de soins sous contrainte est pour lui « une façon d'obliger les gens à se traiter même quand ils sont chez eux ».

« Nouveauté désagréable »

Par ailleurs, la loi, qui, selon la ministre, « donne un cadre aux soins ambulatoires sans consentement » irait d'après Alain Vaissermann à l'encontre de la liberté du patient, et ne garantit pas l'efficacité de la prise en charge : « il n'y a pas de meilleur soin qu'un soin consenti ».
Autre pierre d'achoppement, la mise en place d'un collège de soignants chargé de fournir un avis au préfet sur la levée d'une hospitalisation d'office. Une nouveauté « désagréable » d'après le praticien, qui remet en question la légitimité de la décision médicale : « Un médecin prend ses responsabilités. » Le psychiatre juge « outrancier de présenter tout malade comme un danger public. Pourquoi alors ne pas enfermer tous les titulaires du permis », sous prétexte que certains chauffards sont potentiellement dangereux ? Jouer de cette manière la carte “ du tout sécuritaire” peut être contreproductif », poursuit-il. Avant d'avertir : « D'une part, nous risquons d'être plus frileux sur les sorties. D'autre part, plus on enferme les gens, plus ils veulent s'évader. »

Ingrid Gallou







ACTUALITÉ MÉDICALE

L’Europe des internements contraints


Publié le 06/05/2010    

Selon les différents pays, les pratiques et les législations sur l’hospitalisation contrainte en psychiatrie varient plus ou moins, mais cet internement « d’office » (pour reprendre l’ancienne terminologie française) constitue néanmoins une réalité ubiquitaire.

Concernant onze pays européens et plus de 2 300 patients admis contre leur gré dans un service psychiatrique, une enquête prospective s’intéresse à leur perception de cette expérience traumatisante, une semaine plus tard. C’est la plus vaste étude sur ce thème et la première à recourir à une méthodologie comparable, dans la collecte des données d’un pays à l’autre. Chez environ 1 800 de ces patients (soit 78 %), leur avis est recueilli aussi un mois plus tard, avec enfin un entretien trois mois après, pour environ 1 600 (69 %) d’entre eux.

Dans l’ensemble de ces onze pays [1], entre 39 et 71 % des intéressés estiment, un mois plus tard, que leur admission fut tout de même opportune (right), et cette fourchette passe de 46 à 86 %, trois mois après. Statistique étonnante, car on pouvait au contraire estimer a priori que la majorité des personnes internées d’office aurait plutôt tendance à critiquer durablement cette hospitalisation, subie contre leur volonté ! En général, la vision la plus négative de leur internement forcé persiste surtout chez « les femmes, les personnes vivant seules, et les patients diagnostiqués schizophrènes. »

Mais cette photographie globale recouvre en fait des disparités importantes d’un pays d’Europe à l’autre. Considéré comme inédit (totally new finding), ce phénomène ne s’explique pourtant, selon les auteurs, ni par des caractéristiques sociodémographiques, ni par des considérations cliniques (diagnostics ou intensité des troubles). Et ces différences entre pays sont « substantielles », certaines d’entre elles se révélant même « statistiquement significatives. » L’Europe psychiatrique est donc peut-être en marche, mais pas d’un même pas…

[1] Allemagne, Bulgarie , Espagne, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Suède.

Dr Alain Cohen

Priebe S et coll. : Patients’ views of involuntary hospital admission after 1 and 3 months : prospective study in 11 European countries . Br J Psychiatry, 2010; 196-3: 179-185.






Le tour de l’homme

Critique

Fruit de vingt ans de travail, l’œuvre du philosophe belge Henri Van Lier remonte le fil de l’évolution humaine

Par ROBERT MAGGIORI










Henri Van Lier Anthropogénie
Les Impressions nouvelles,
1 038 pp.,
38 €.


Ce n’est pas tous les jours que paraît un ouvrage pareil. En le manipulant (1 038 pages, 1,530 kg), on a une certaine appréhension, car on se dit qu’on ne pourra pas le tenir et le lire affalé sur un fauteuil, et on se met à espérer qu’au moins il n’exige pas une lecture suivie, de A à Z. Spontanément, on joue à l’ouvrir au hasard. Il est probable qu’on n’ait pas la main heureuse tout de suite. On risque de tomber sur «2A. Le cerveau préhominien. 2A1. Un computer à information constructrice, soft>>hard, et à construction informationnelle, hard>>soft», ou sur «26E2b. Les défigements par effets de champ logico-sémiotiques. Le cas Lacan». Mais la chance peut tourner : «3G. Le baiser et l’embrassement… 22G. Le roman… 28E1. Les clans et les familles… 11L3. La haine… 25C. Saints et monstres… 27G. La pondération des vies : savoir-vivre, notoriété, mode… 15H2c. Le son radio et techno… 14J2. La bande dessinée, image-texte exemplaire du Monde 3». On se demande alors comment il est possible qu’un même livre puisse traiter de paléoanthropologie et d’images publicitaires, de vie amoureuse, d’outils agraires, de métaphysique, de tuning, d’économie ou de biologie, d’humour, d’«idiosyncrasies sexuelles, hétéro-, homo-, bi-», d’émigration, d’hallucinations, de peintures sur corps, de guerres des peuples et de pogroms, de neurologie, de ponctuation, de caresses, de quatuors à cordes et de larmes.

«Acides aminés». Qu’on ne songe pas à un inventaire à la Prévert. L’Anthropogénie d’Henri Van Lier est une œuvre philosophique et scientifique, rarissime par son ampleur, à une époque qui penche plutôt vers les savoirs en miettes, et certainement déraisonnable si l’on songe à ce qu’un homme seul, raisonnablement, peut entreprendre. Le penseur belge, né en 1921 à Rio de Janeiro, mort à Bruxelles le 28 avril en 2009, a employé vingt années de sa vie pour la mener à bien. L’Anthropogénie n’est rien de moins qu’un «tour de l’homme» - comme on dit tour du monde - et la somme de toutes les connaissances sur son évolution, depuis ses premiers pas d’hominien, ses premiers gestes, ses premiers mots, ses premières rencontres, ses premières constructions jusqu’à ses acquisitions les plus récentes dans les domaines de la philosophie, du droit, de la politique, des mathématiques, de l’art, de la technique, de la sémiotique, de la médecine, etc.

Ouvert à tout, généreux, «éveilleur d’idées» suscitant la curiosité et l’admiration de ses étudiants, Henri Van Lier a exercé à l’Institut des arts de diffusion (IAD) de l’Université de Louvain-la-Neuve. Il a commencé à se faire connaître en 1959 avec les Arts de l’espace : peinture, sculpture, architecture, arts décoratifs, s’est occupé de sexologie (l’Intention sexuelle, 1968) avant que celle-ci ne fleurisse, a collaboré régulièrement à l’Encyclopædia Universalis, fait maintes émissions pour France Culture (dont Histoire langagière de la littérature française), avant de publier ses deux ouvrages les plus remarqués, Philosophie de la photographie (1983) et Histoire photographique de la photographiemacro histoire de l’Homo», dont il voulait qu’elle fût l’équivalent du travail de Stephen Jay Gould sur «la macrobiologie du vivant». En tant que fait, l’anthropogénie, brutalement définie, est «la constitution continue d’Homo comme état-moment d’univers». En tant que discipline, elle se donne pour objet l’étude «des facultés propres à Homo».

Si «Dieu ne joue pas aux dés», à quoi passe-t-il son temps ? «Il joue aux séquences dynamiques des vingt acides aminés qui portent tout l’édifice des Vivants». Quand, pourquoi, comment l’homme s’est-il dans cette séquence «sélectionné comme un primate», détaché de l’animal, pris une place à part dans l’univers ? La paléoanthropologie est là pour apporter des réponses, aidée par la bioanthropologie, l’ethnologie, l’archéologie, l’éthologie, etc. Le propos de Van Lier est aussi de faire une «science de l’homme», mais qui incluerait la science… des sciences de l’homme et de la philosophie. On pourrait citer d’un coup les traits spécifiques qu’en interconnectant les disciplines scientifiques - mais aussi l’art ou la littérature - le philosophe belge parvient à extraire pour déterminer la spécificité de l’homme et expliquer son extraordinaire évolution : l’angularisation, l’orthogonalisation, la transversalité, la possibilisation, la segmentarisation de l’environnement, la rhétorique corporelle, le rythme, la présentification, la rencontre, la mathématique… On serait loin, on le voit, de ce qui est avancé d’habitude pour caractériser l’hominisation : le langage symbolique, la conscience, etc. Mais ce listage ne donnerait qu’une pâle traduction de ce que contient Anthropogénie.

Injure. Pour en donner une petite idée, quelques exemples, simplificateurs, (ne) suffiront (pas). Soit la «suite anthropogénique» qui, partant de l’érection de l’homme à la station debout et de sa transversalisation, arrive au geste, à la voix et au langage. Pour la voix, Van Lier ne se contente pas de voir les modifications anatomiques du visage et de la cavité buccale qui ont permis son apparition : il fait une théorie du ton, du timbre, du son, du chant, du rythme, des instruments musicaux, une histoire de la musique dans le monde grec, l’Inde ou la Chine, une sémiotique du signe musical, une étude de ses fonctions incantatoires, de la magie, du chamanisme, etc. Même chose pour le langage : on part du signe, sonore, graphique, et on parcourt toute l’histoire de la linguistique, la grammaire, les dialectes, les écritures cunéiformes, l’écriture maya ou cyrillique, la graphie mathématique, jusqu’aux scarifications, aux inscriptions funéraires, aux graffitis et aux «écritures granulaires» (magnétoscopiques). Ou les conflits : Van Lier les classe, puis développe «les théories politiques, juridiques, morales» relatives aux conflits «attachés aux instances (de la famille) et aux rôles (du voisinage ami et ennemi)», les théories économiques suscitées par les conflits dans les échanges de biens, les théories esthétiques et érotiques expliquant les différends de «goût» ou de «sentiment», les théories langagières produites «par les conflits inhérents à l’interlocution» (injure, menace, intimidation et autres), and so on…

On laisse imaginer les arborescences du propos lorsqu’il touche à l’animisme, aux pathologies mentales, à la religion ou aux «idiosyncrasies ethniques» ! L’entreprise d’Henri Van Lier a donc quelque chose «de sur-humain». Mais, de sa monumentale Anthropogénie, on peut ne retenir qu’une idée : la chance de l’Homme, c’est qu’il fait des angles. Son corps redressé fait un angle droit avec le sol, angle qu’il retrouve assis, qu’il peut répéter avec son pouce et son index, avec les «rotations de sa tête à 180 °, c’est-à-dire 90 ° x 2», avec l’agenouillement, le pliage du coude, etc. Dès lors il lui est possible de viser, de segmentariser, de découper l’espace, de le géométriser, d’ériger des murs droits, de clôturer, de fabriquer - et plus encore : labourer, chasser, calculer, écrire… Qu’on observe le monde humain : il n’y a que des angles.
(1992). A partir du début des années 80, correspondant avec les savants du monde entier, il s’attache au projet «fou» de son Anthropogénie, une «



Illusions et désillusions du travail psychanalytique










Illusions et désillusions du travail psychanalytique
Odile Jacob,
07.05.2010
288 p
ISBN 9782738124685


Présentation de l'éditeur

Depuis la mort de Freud, la psychanalyse a connu un développement répondant à l’extension de ses indications. Il s’est en-suivi certaines avancées qui ont correspondu à des conquêtes nouvelles, mais aussi à de nombreuses désillusions, généralement passées sous silence dans les écrits des psychanalystes.

S’appuyant sur une étude théorique fouillée, André Green propose une vaste investigation clinique qui décrit de nombreux exemples où le travail analytique s’est révélé décevant. Comment expliquer ces déceptions ? Pour lui, elles peuvent être mises au compte des pulsions de mort ou de destruction que Freud a introduites dès 1920. Le présent ouvrage est l’une des premières évaluations cliniques à tenir compte de sa dernière théorie des pulsions. Il permet ainsi de mieux connaître les causes de ces désillusions et vise à les éclairer sans pessimisme systématique ni optimisme excessif.

La vérité de ce qu’est le travail en analyse expliquée par l’un de ses auteurs majeurs.

André Green a notamment publié Narcissisme de vie, narcissisme de mort, La Folie privée, Le Travail du négatif, La Causalité psychique, Les Chaînes d’Éros, Un psychanalyste engagé, La Pensée clinique et Sortilèges de la séduction. Cet ouvrage est son vingt-septième livre.

Auteur : André Green
Éditeur : O. Jacob, Paris
EAN13 : 9782738124685




SAINT-QUENTIN 
AU RAYON DES DESSINATEURS


Dix héros de BD sur le divan avec Dirick
 
 
 Une parodie de séances de psychanalyse réunissant sous forme de pastiches dix des plus grands héros de la BD. C'est le défi que s'est lancé Dirick dans son ouvrage : Le divan de la BD.
« J'ai choisi dix personnages que j'aimais beaucoup. J'ai présenté le vrai problème de chacun après avoir lu leur vie de papier. J'ai travaillé ensuite avec des psychologues qui ont décrypté leur personnalité », explique l'auteur, natif de Paris, qui aura planché sur cet ouvrage pendant un peu plus d'un an.

« Sur le plan graphique, c'était un sacré challenge. Si on prend le personnage de Corto Maltese, il a beaucoup évolué depuis le début. J'ai repris celui que j'avais en tête, même je l'ai un peu caricaturé. Sans aller trop loin car il fallait tout de même qu'on puisse le reconnaître ! »
Gageons qu'après avoir lu cet ouvrage, vous ne verrez plus le Grand Schtroumpf, Gaston Lagaffe, Blake et Mortimer ou encore Joe Dalton de la même manière. « Vous comprendrez mieux pourquoi Joe Dalton est teigneux, Gaston Lagaffe fait des gaffes ou le Grand Schtroumph s'apparente à un Kaiser. »

Père du détective Tim dans Pif gadget et du docteur Psy, Dirick a également, à la demande de la Société protectrice des animaux, collaboré à la série de l'inspecteur Klebs. « Il s'agissait d'inverser les rôles des animaux et des humains pour mieux faire comprendre les problèmes de protection des animaux et de la nature de manière plus générale. »




De nouveaux objectifs pour la santé publique

Le président du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), le Pr Roger Salamon, a remis jeudi soir à Roselyne Bachelot le rapport d’évaluation des objectifs de la loi de 2004 sur la santé publique. Sur les 100 objectifs, un peu plus de la moitié (56) seulement ont pu être évalués : 10 ont été globalement atteints et 13 ne le sont que partiellement. « Près de la moitié des objectifs évaluables en 2009 sont atteints, au moins partiellement », souligne le HCSP.

Le Haut Conseil propose, sur la base d’une nouvelle analyse de l’état de santé de la population, de nouveaux objectifs pour les 5 ans à venir, parmi lesquels une meilleure prise en charge et une meilleure réparation des maladies professionnelles ou encore la promotion de l’allaitement maternel. Il recommande de reconduire les objectifs de 2004 qu’ils jugent pertinents, en précisant ou en clarifiant la formulation de certains d’entre eux.

Le rapport, a indiqué la ministre de la Santé, sert de socle de préparation à la prochaine loi de santé publique. Ce sera « une loi resserrée, qui structurera le cadre d’action des politiques de santé publique, afin de le rendre plus efficace, et qui renverra pour une large part le contenu des objectifs de santé publique vers le niveau réglementaire ». Deux axes principaux ont été fixés pour le projet de loi : affirmer les finalités et les priorités de la politique nationale de santé, en particulier la lutte contre les inégalités sociales de santé ; définir le cadre et les outils nécessaires à la gouvernance, à la planification et à la mise en œuvre de cette politique. « Il s’agira en particulier de structurer la gouvernance nationale des politiques de santé, d’organiser les actions de prévention et d’améliorer la réponse aux alertes et crises sanitaires. »

Dr L. A.

Quotimed.com le 07/05/2010



A.-M. PICARD, LIRE / DÉLIRE, PSYCHANALYSE DE LA LECTURE

Parution : juin 2010.

Information publiée le samedi 8 mai 2010 par Natalie Maroun (source : A.-M. Picard)









Anne- Marie Picard,
LIRE / DELIRE, Psychanalyse de la lecture

Éditions Erès
coll. "Psychanalyse et écriture" - dirigée par Jean-Pierre Lebrun
En librairie : 03.06.2010
ISBN : 978-2-7492-1239-5
180 pages


PRÉSENTATION DE L'OUVRAGE :

La psychanalyse nous a appris que le sujet est le produit d'une culture alphabétique, un sujet à la lettre. Aborder « l'illettrisme » comme un symptôme plutôt que comme une maladie, peut nous éclairer sur le refus inconscient des enfants non lecteurs (15% d'irréductibles qui font vraiment couler beaucoup d'encre !) mais aussi sur la nature psychologique du plaisir de la lecture et de l'écriture.

Devenir lecteur, c'est aussi advenir, pour l'enfant, à la dernière initiation : il doit en effet admettre que la lettre n'est pas un dessin de chose, que la signification n'est pas magique mais se construit, à rebours, à la fin de la phrase, qu'il faut travailler avec le matériau de l'écrit pour pouvoir un jour, refouler l'alphabet pour ne plus voir que le sens. Pour pouvoir mettre en pièces(comme dit Freud) la mélodie de la langue de maman et admettre le phonème puis la lettre, il lui faudra aussi séparer son corps à elle du langage, de sa voix et de son regard… c'est-à-dire lamettre en pièces, elle aussi ! Ceci équivaut à un matricide imaginaire, ou tout du moins unedécomplétude de la mère. Ce qui s'avère plus difficile pour les garçons que pour les filles.

Ce qu'on retrouve alors dans le plaisir de la lecture, n'est-ce pas le lieu d'une origine, d'une régression vers le Paradis de la langue maternelle, là ou le mot convoquait la chose ? La « page vierge » de l'écrivain, n'est-ce pas ce territoire fantasmatique perdu où on peut faire comme si… le langage redevenait formule magique, celui de la bonne Fée qui, d'un coup de plume, créerait le monde, le moi et son objet de désir ? C'est là notre dé-lire : faire semblant que les mots sont des pictogrammes empreints de la valeur sacrée ou des maléfices de notre subjectivité… Cette théorie erronée de l'écrit est une solution onirique partagée par les non-lecteurs et les écrivains… mais aussi les sujets de culture alphabétique que nous sommes. Elle est le lieu de naissance de la littérature.

LIRE / DÉLIRE, Psychanalyse de la lecture
TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION : Les Facteurs inconscients dans la lecture
I. ADVENIR A LA LECTURE

   * Le Sujet avant la lettre : un petit croyant

Le Livre entre totem et tabou
 L'enfant merveilleux
 Le bain de mère : heimlich sweet heimlich

   * Le Sujet à la lettre : castration symbolique et initiation à la langue

Une mère étrangère : Qui parle ?
De la langue maternelle à la langue du livre : Ça parle !
A qui ? La place psychique du lecteur à venir

   * Lettre ou ne pas être : le Cauchemar des non-lecteurs

Théories erronées et croyances: comment ne pas accéder au savoir
Maintenir le statu quo, composer avec l'Impossible
KESKESEXA? Conserver l'illisible

II. LA CHOSE DU LIVRE & LE CORPS LISANT

   * Lire est un acting out

« A haute et intelligible voix » : le Lesen freudien
« Les mots … m'ont livré leur sens sans que je les nomme »

   * L'Autre voix : La Chose du livre

Eros lecteur
La Lecture féminise
Etre ce que lis ou la « pénombre de l'efficacité symbolique »

III. ECRIRE, DE-LIRE : LE REVE DES POETES

   * Dé-lire 1 : Le Livre, Pays natal de l'être

Le moi, un effet de lecture ?
La lettre, ce morceau de corps

   * Dé-lire 2 : Effacer le nom du père

SPLENDID SPLENDID SPLENDID SPLENDID
X : la première lettre d'un nouvel alphabet
Ecrire, un travail du corps contre la précarité de la lettre

   * Dé-lire 3 : Ecrire pour dé-lire la nécessité de la séparation

La voix du père dans les mots
Sur le corps du père, la lettre primordiale
OR : lettres ou ne pas être
Les lettres du père ou l'interdit de lecture
Ecrire, un « inceste magique »

   * Dé-lire 4 : L'Aventure littéraire, un matricide impossible

L'ad-venture ou le Temps hors-la-mère
« Mon épouvantable richesse »
L'impensable inscription ou écrire comme on tue
On a tué la mère... au nom du symbolique
La littérature ou l'échec de la père-version
Conclusion : La lecture, critique de la jouissance maternelle

Responsable : Anne-Marie Picard

Url de référence :
http://www.editions-eres.com/resultat.php?Id=2514



La planète psy dans tous ses états

Les analysants n'ont que faire de savoir si Freud était un héros ou un sale type par Daniel Sibony


07.05.10


Si l'on écarte les colères qui émergent à l'occasion de la nouvelle charge contre Freud, il reste quelques reproches précis que M. Onfray a alignés. "J'aurais aimé, dit-il, un article qui m'explique : pourquoi Freud fait une dédicace élogieuse à Mussolini en 1933 ; pourquoi il s'est rangé du côté du chancelier autrichien profasciste Dollfuss ; pourquoi il travaille avec les nazis pour que, sous couvert de l'Institut Goering, la psychanalyse puisse continuer à exister sous le IIIe Reich ; pourquoi il envisage de promouvoir le psychanalyste non juif Felix Boehm ; pourquoi il existe nombre de textes contre le bolchevisme et aucun contre le fascisme ou le nazisme ; pourquoi il n'a pas guéri l'homme-aux-loups ; pourquoi il n'a pas pris de pauvres sur son divan ; pourquoi il a mis en place le concept d'attention flottante qui permet que l'analyste dorme pendant la séance ; pourquoi il prenait si cher..."

A ces grandes questions qui tiennent dans le creux de la main, la réponse est simple. Freud, en tant qu'homme, était du genre honorable, conformiste, d'autant plus avide de reconnaissance que sa trouvaille restait méconnue.

Ce n'était ni un fin politique ni un suicidaire ameutant les foules contre le nazisme triomphant. Il écrit sur les Soviétiques qui sont loin, mais alerter l'Europe sur le nazisme, à l'époque et quand on est juif, vu que l'Europe était déjà très alertée contre vous, eût été une gageure ; il ne l'a pas tenue. Il a même cru que la puissante Église catholique empêcherait Hitler d'entrer à Vienne...

Il a parlé avec les responsables institutionnels nommés par le pouvoir nazi avec l'espoir de protéger la psychanalyse ; il a fait une dédicace élogieuse à Mussolini, qui n'était pas pour l'extermination des juifs et ne voulait pas, jusqu'en 1937, que les Allemands entrent en Autriche (des fois qu'il puisse être utile un jour...) ; il a plutôt recherché des clients riches et influents pour se faire reconnaître (mais il en prenait certains gratuitement) ; il a cherché à promouvoir des analystes non juifs, de Jung à Jones, pour qu'on ne dise pas que sa trouvaille était une science juive (ce qui à ses yeux en limiterait la portée).

Il n'a pas guéri tous ses patients, loin de là, mais aucun analyste ou thérapeute d'aucune sorte ne l'a fait. Aucune thérapie ne vient à bout de l'esprit humain et de ce qu'il peut inventer, et tant mieux.

Bref, ces accusations n'en font ni un héros ni un sale type. C'est un homme supérieurement intelligent qui a eu la chance de "tomber sur un truc génial", lequel a eu d'énormes conséquences, bien au-delà du peuple "psy".

Et si c'était un sale type ? Admettons-le un instant. On serait alors devant une épreuve banale, fréquente et dure à supporter : le même homme peut faire des vilenies et créer des choses sublimes.

C'est le genre de situations qui met à rude épreuve notre narcissisme : on aime à s'identifier à un homme pour ses prouesses, mais, s'il présente aussi des ombres ou des grosses taches, elles rejaillissent sur nous et nous salissent. C'est désagréable. En même temps, cela nous protège de l'idolâtrie. De sorte que ce double partage - de l'autre et de nous-même - va plutôt dans le sens de la vie.

En fait, tous ceux qui souffrent et qui ont bénéficié de l'apport freudien n'idolâtrent pas Freud. Ce n'est pas qu'ils s'y refusent, ils s'en foutent, l'essentiel est ailleurs. C'est la psychanalyse, et quand elle est bien faite, par des gens doués et généreux, elle aide le sujet à devenir un penseur de sa vie, à la penser en acte et non en appliquant tel ou tel philosophe, fût-il fameux.

Je n'ai encore vu personne se tirer d'affaire et retrouver le chemin de sa vie parce qu'il a lu un manuel de philosophie.

Et c'est peut-être là que l'on peut comprendre la rage du philosophe qui cherche des poux à Freud. Quand c'est un nietzschéen, comme cela semble être le cas, il ne peut qu'être exaspéré par le fait que chaque vérité produite par Nietzsche intuitivement, et parfois génialement, la psychanalyse la découvre ou la retrouve dans sa pratique à une échelle bien plus vaste et en la menant beaucoup plus loin dans la vie des sujets.

Un exemple ? Nietzsche dit quelque part : "Tu ne deviendras jamais que ce que tu ignores de toi-même." C'est joli, mais en termes "psy" cela veut dire que ce que tu refoules revient irrésistiblement et l'emporte sur tes ratiocinations. Mais l'avantage, c'est que la psychanalyse ouvre avec cela un vaste champ où s'étudie le refoulement et ses retours, ses craquages, ses rafistolages symptomatiques ; cela ouvre l'immense étude des fantasmes, des symptômes, des blocages, des mal-être...

Ce que Nietzsche découvre à la main, elle le découvre à la force d'une vaste machinerie où s'impliquent des millions de gens qui en prennent conscience et en tirent des conséquences pratiques.

On pourrait ainsi multiplier les exemples. En somme, M. Onfray a dû se dire que la psychanalyse avait diminué son Père Nietzsche, alors il diminue le père de la psychanalyse. Mais, ce faisant, il œuvre dans un sens obscurantiste, car beaucoup de ceux qui auraient vraiment besoin d'une analyse, et qui pourraient être aidés par une cohorte de jeunes analystes assez libres et doués, ceux-là ajouteront le livre d'Onfray à l'empilement de leurs résistances.

Au mieux, ils prendront des cours de philo, mais philosopher comme Nietzsche ou Aristote ne vous fera pas connaître le penseur que vous êtes de la vie, que vous seul êtes capable de penser et de vivre.

Daniel Sibony est psychanalyste et écrivain, auteur des "Sens du rire et de l'humour" (éd. Odile Jacob, 240 pages, 23 euros) et du "Peuple "psy" : situation actuelle de la psychanalyse" (Points, 2007).

Article paru dans l'édition du 08.05.10 




Le ressentiment du philosophe, une demande d'analyse en souffrance, par Marc Strauss

07.05.10

Il le dit, la psychanalyse, ça ne tient pas, et il le démontre. Il est vrai que pour cette démonstration tout lui est bon, la théorie comme la vie et les légendes de son inventeur et ses héritiers. Bien sûr on nous dira, et les meilleures plumes l'ont fait, que Freud a changé radicalement la perspective sur ce qui anime l'être humain ; qu'il a permis d'intégrer dans sa connaissance un vaste champ jusqu'à lui maintenu dans l'ignorance, dédaigné ou exploité à des fins d'asservissement ; qu'il a ainsi offert à la souffrance de l'homme une boussole pour lui permettre de supporter le fardeau de sa vie jusqu'aux limites de l'impossible en traçant sa propre route.

Mais Michel Onfray a néanmoins raison, rien ne tient. Tout, tout le temps, est prêt à s'abîmer dans la contradiction et l'échec. Une théorie ? Vérité aujourd'hui, erreur demain. Les neurosciences ne sont-elles pas chaque jour sur le seuil de nous démontrer que nous sommes des machines moléculaires ? Un projet, voire un engagement passionnel... une simple rage de dents vous en détourne ! (Freud, L'Introduction au narcissisme). Certes, les savants et les moralistes ont depuis longtemps renoncé à leurs visées totalitaires et impérialistes et font preuve quant à leur savoir d'une modestie de bon aloi. N'a-t-on pas appris, il y a quelques jours, qu'à la suite des découvertes faites avec le télescope Hubble la physique était à réinventer ? Pendant ce temps, les psychanalystes, refusant toute réfutabilité, s'arc-boutent sur quelques mêmes textes datés.

En réalité, il n'est pas un concept de Freud qui n'ait été discuté, critiqué, voire combattu par Freud lui-même ou ses successeurs. Néanmoins, il est vrai que le geste fondateur de la psychanalyse reste pour eux, sinon inexplicable, du moins indiscutable : l'association libre.

Encouragez quelqu'un à parler de manière à ce qu'il accepte d'essayer de vous dire tout ce qui lui passe par la tête, et il s'en déduira toute une série de conséquences. En particulier le fait que le sujet tienne à continuer, parce que ça lui fait un effet très particulier. Il peut même, sans nécessairement s'en rendre compte, tenir à la relation qui se noue avec qui l'écoute.

Là donc, ça tient, et rudement. Le fait est, d'expérience. Pourquoi ça tient, et où ça va, tout cela se discute. D'autant que toujours le sens fuit, comme disait Lacan. Autrement dit, il n'y a pas de dernier mot de la vérité et là, Michel Onfray a bien saisi le truc. Le problème, c'est qu'il en déduit du coup que la psychanalyse est invalidée, alors que justement ce n'est que par là qu'elle fonde sa certitude.

Freud d'abord, Lacan ensuite, se sont échinés à saisir, au-delà de l'image, le traumatisme inaugural qui fait l'être humain en souffrance d'une vérité qui lui échappe. Et ils ont trouvé. Freud l'a exprimé d'un mythe, la castration, dont Lacan a montré qu'elle était le nom de l'impossibilité à tout dire, qui nous frappe tous, et dont nous recouvrons l'horreur dernière par nos croyances, conscientes aussi bien qu'inconscientes. Ils ont trouvé, au-delà de ces croyances incertaines, le moyen pour qui le souhaite d'ouvrir les yeux sur ce qui, dans la vie, le supporte, dans ce qu'il a de plus intime, de plus singulier.

On l'aura compris, si nous donnons raison à Michel Onfray, ce n'est que pour la moitié du chemin. Que n'a-t-il mesuré que c'est à partir de ses conclusions mêmes que la psychanalyse se poursuit et se démontre, dans ce qu'elle a d'unique : l'accès à ce qui fait le réel propre à chaque sujet, qui n'est bien sûr pas le réel universel de la science, mais n'en est pas moins sans conséquences majeures dans la vie de tous.

Est-il pertinent de se demander pourquoi Michel Onfray n'a pas poursuivi son chemin au-delà de sa découverte de l'inconsistance de la vérité, ce qui l'aurait amené, à n'en pas douter, à exercer son intelligence dans une tout autre direction ? On nous permettra d'interpréter l'épaisseur de son livre et les relais nombreux qu'il a trouvés dans les médias comme l'expression d'un ressentiment, partagé par beaucoup. Un ressentiment, fruit d'un amour déçu, pour s'être cru abusé, et qui n'a pas trouvé le relais congru pour s'interroger sur la tromperie de l'amour, voire de la parole elle-même.

Autrement dit, le livre de Michel Onfray, avec ses outrances, ses excès, sa mauvaise foi, ses pensées nauséabondes, ressemble par trop à ce qui se déchaîne sur un divan pour n'y pas voir une demande d'analyse restée en souffrance. La perspective de rester seul avec une angoisse folle de se tromper justifie quiconque de se montrer aussi brouillon que téméraire dans son assaut contre son idole du moment.

Et parce que notre époque spécialement y contraint les meilleurs et les plus sensibles, Michel Onfray n'est pas seul à s'indigner de ce que, malgré toutes leurs promesses, les savoirs se révèlent trompeurs. De surcroît, il est tout à fait justifié de prendre la psychanalyse comme cible centrale de cette rancoeur, car elle a les moyens, à défaut de le résoudre, de répondre du malaise dans la civilisation. Encore, il est vrai, faudrait-il que les psychanalystes ne l'oublient pas, et s'emploient mieux à le faire entendre.

Raison de plus pour être attentifs à quelques pensées dignes qui, loin de rendre les armes devant la solitude du sujet contemporain égaré dans un amas de mensonges, lui ouvrent une voie où il peut trouver à s'appuyer, les pensées d'un Freud, d'un Lacan, ou d'un Kertész dont le dernier livre paru en français, L'Holocauste comme culture (Actes Sud), ne traite de rien d'autre.

Marc Strauss est psychiatre-psychanalyste, membre fondateur de l'Ecole de psychanalyse des forums du champ lacanien (EPFCL).

Article paru dans l'édition du 08.05.10
 

mercredi 5 mai 2010




PSYCHIATRIE et HOSPITALISATION d’OFFICE : Durcissement de la contrainte, élargie “à la ville”

Conseil des Ministres

Un durcissement attendu et discuté depuis de longs mois par les médecins et professionnels en psychiatrie.  Hospitalisation d’office “simplifiée”, soins sous contraintes élargis à la ville, impossibilité de sortir d’HO sans décision du Préfet, le conseil des ministres examinait mercredi 5 mai, le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes sur les modalités de l'hospitalisation d'office (HO) en psychiatrie. Zoom sur les principales mesures présentées.

Ce projet de loi poursuit la ligne du projet présenté en 2008 par Nicolas Sarkozy et de la récente circulaire du 11 janvier 2010 laissant aux Préfets la décision finale sur les sorties d’essai, une circulaire qui avait inquiété psychiatres et  soignants donnant priorité à l’analyse de l’état clinique du patient plutôt qu’à une volonté de contrôle social. Cette réforme annoncée par le Président, concerne près de 70.000 patients par an qui souffrent de troubles mentaux rendant impossible leur consentement aux soins. “Tout en garantissant aux patients le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles, cette loi doit permettre une meilleure qualité des soins psychiatriques et garantir la sécurité du patient et celle des tiers”, précise le compte rendu de l’Elysée.

L’HO sur décision du corps médical : Parmi les mesures adoptées en Conseil des ministres, l’hospitalisation sans consentement toujours  possible sur demande d’un tiers, devient également possible, par seule décision du corps médical et sans l'accord d'un tiers. L’entrée en HO peut s’effectuer sur demande d’un tiers sans second certificat médical. Les principales motivation d’HO restent le trouble grave à l’ordre public et la nécessité de soins immédiats, conformément la loi du 4 mars 2002.

Les soins sous contrainte sont élargis à la ville : Le remplacement de la notion d’hospitalisation par celle de « soins », ouvre la possibilité d’une prise en charge en hospitalisation ou en soins ambulatoires : jusque-là pris en charge à l'hôpital psychiatrique,  les soins sous contrainte sont élargis à la ville. Mais est-il réaliste de vouloir containdre un patient atteint de troubles psychiques à se soigner, en dehors de l'hôpital?

Seules des sorties de courte durée d’une durée de 12 heures maximum subsistent, c’est donc un durcissement par rapport à la précédente circulaire du 11 janvier 2010. Un collège de soignants (deux psychiatres et un cadre infirmier) fourniront un avis médical aux préfets sur les sorties de l’hôpital pour les patients placés en hospitalisation d’office. Sur ce point, la circulaire laissait diligence au Prefet d’autoriser les sorties: « l’appréciation de l’état de santé mentale de la personne revient au seul psychiatre, en revanche il appartient au Préfet d’apprécier les éventuelles conséquences en termes d’ordre et de sécurité publics ». En conclusion, une fois en HO, le malade ne peut quitter l'hôpital jusqu’à décision du préfet sur proposition du Collège de soignants ou du Juge.
Un projet de loi condamné par certaines organisations de psychiatres et de soignants pour sa “dérive sécuritaire” et sa “banalisation de la contrainte” mais qui recueille l’agrément de l’Union Nationale des Amis et Familles de Malades psychiques.

Sources : Élysée,  Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et leurs modalités de prise en charge,  Union syndicale de la Psychiatrie ; Collectif psychiatrie, Psychiatrie : circulaire du 11 janvier 2010 : Hospitalisation d’office. Sorties d’essai,

mise en ligne Alexis Yapnine, santé log, le 5 mai 2010



Les psychiatres de ville pourront délivrer des soins sans consentement

LEMONDE.FR avec AFP | 05.05.10

La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a affirmé dans un entretien à Libération, mercredi 5 mai, que les psychiatres de ville pourront délivrer des soins sans consentement. Une évolution censée "moderniser" les soins imposés à certains malades mentaux jusqu'ici limités à la seule hospitalisation. Roselyne Bachelot doit présenter mercredi en conseil des ministres un projet de loi sur la psychiatrie prévoyant ces soins sans consentement.

"Les psychiatres des villes pourront délivrer des soins sans consentement, sous la responsabilité du médecin de l'hôpital qui suit le patient", a-t-elle précisé.  "C'est une loi importante car elle remplace la notion d'hospitalisation par celle de soins", a estimé la ministre de la santé. Ce texte attendu avait été souhaité par le président de la République en 2008, après la mort, à Grenoble, d'un étudiant poignardé par un malade échappé de l'hôpital.

SOIXANTE-DIX MILLE PATIENTS CONCERNÉS

Ce texte concerne soixante-dix mille patients par an qui souffrent de troubles rendant impossible leur consentement aux soins et vise à leur offrir "une meilleure prise en charge", à "assurer leur sécurité et aussi celle des autres", a expliqué le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, au sortir du conseil des ministres. Dans la grande majorité des cas, l'entrée dans les soins se fera en hospitalisation complète, avec "un premier temps d'observation et de soins, d'une durée maximale de soixante-douze heures, comportant trois certificats médicaux". Passé ce temps, il sera possible de prendre en charge le patient, sans son consentement, "soit en hospitalisation partielle, soit en soins ambulatoires [hors de l'hôpital]", a-t-elle expliqué.

Interrogée sur les sorties d'essai, la ministre a annoncé qu'"un collège de soignants (deux psychiatres et un cadre infirmier) aura pour mission de fournir un avis écrit au préfet sur les sorties d'hôpital pour les patients en hospitalisation d'office ou hospitalisés en unité pour malades difficiles".

La loi actuelle, du 27 juin 1990, prévoit deux types d'hospitalisation sous contrainte si le patient présente un danger pour lui-même ou pour autrui : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (famille, voisinage, collègue...) sur la base d'au moins un certificat médical et l'hospitalisation d'office prononcée par arrêté préfectoral.

"ON NOUS DEMANDE DE GARANTIR L'ORDRE PUBLIC"


Face à ce projet, les psychiatres et leurs syndicats sont partagés. Nombre dans la profession réclament une véritable politique de santé mentale et les moyens de la mettre en œuvre. "Il y a des avancées", commente le docteur Norbert Skurnik, de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) et psychiatre de secteur. Cependant, entre autres critiques, il réclame un recours "systématique" à la justice, conformément à la jurisprudence européenne sur la privation de liberté, en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la poursuite ou non d'une hospitalisation ou de soins ambulatoires sous contrainte.

"Le curseur se déplace d'une optique sanitaire vers une optique sécuritaire", a pour sa part récemment regretté Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Le docteur Angelo poli, président du Syndicat des psychiatres d'exercice publique, relève des aspects positifs dans le texte, comme la simplification de l'admission, avec un seul certificat au lieu de deux. "Par contre, ce qui pose problème c'est la tâche de contrôleur de l'ordre public affectée aux soignants. On nous demande de garantir l'ordre public", déplore-t-il.
Or "il n'y a pas de risque zéro", et les drames comme celui de Grenoble sont "exceptionnels", contrairement à ce que pourrait faire croire leur médiatisation à outrance, assure-t-il.









L’économie selon le psychanalyste Antoine Fratini

Tandis que certains hommes politiques déclarent que la crise économique est désormais en phase de dépassement et invitent les citoyens et les entrepreneurs à reprendre leurs habitudes de consommation et leurs investissements, le nouveau livre d’Antoine Fratini, président de l’Association Européenne de Psychanalyse et membre de l’Académie Européenne Interdisciplinaire des Sciences, remue la couteau dans la plaie en affirmant que ce que l’on nomme communément « économie » serait plus proche d’une religion que d’un système rationnel. La rédaction de www.aepsi.fr a interviewé l’auteur en lui posant quelques questions.
 
Rédaction : Le titre de votre nouveau livre La religion du dieu Économie (Edilivre, Paris 2010) est des plus explicite et peut être même provocateur. Pourriez vous en quelques mots expliquer ce que vous entendez par « religion économique » ?

Antoine Fratini : Pour commencer je n’entend pas une simple expression. Il s’agit plutôt d’une affirmation basée sur une analyse soignée du rapport de l’homme moderne avec ce que l’on nomme « économie ». Toute une série de comportements relatifs à tel rapport apparaissent profondément ritualisés, même si les citoyens ne s’en rendent pas compte. Par exemple, les banques ressemblent toujours plus à des sortes d’églises : on parle à voix basse, on se soumet à de modernes et technologiques rites d’entrée et de sortie et les divers bulletins sur le déroulement des actions qui s’affichent sur les écrans se substituent aux messages « numineux » envoyés par les saints. D’autre part, nous pourrions voir dans le motif de « l’homme de succès » un des éléments liturgiques majeurs de cette religion inconsciente.

R : Quels seraient donc selon vous les dynamiques obscures à la base de cet inconscient « échange ou superposition de religion » ?

A.F : Sur l’économie sont projetées des valeurs qui dépassent largement le cadre de ce qu’il est rationnellement permis de s’attendre d’un instrument finalisé à la gestion des ressources. En gros, une des thèses soutenues dans mon ouvrage est que dans le discours politique d’aujourd’hui le signifiant « économie » s’est substitué au signifiant « bonheur ». Ceci attribue une nouvelle signification inconsciente à tous les discours dans lesquels la parole « économie » est employée. La croyance et l’espoir que le profit puisse nous apporter une condition heureuse sont particulièrement forts, diffus et aliénants. Cet équivoque porte à un état de possession proche à ce qui dans la religion catholique est nommé « passion » et qui porte en soi la souffrance et le sacrifice de soi en vue du salut de l’âme. C’est pourquoi, malgré l’aisance matérielle, beaucoup de personnes nourrissent l’impression que leur vie soit un sacrifice.

R : Vous parlez aussi d’un panthéon économique…

A.F : Il m’est que trop aisé d’énumérer les figures de ce panthéon : Développement, Croissance, Profit, Achat, Succès… toutes ces figures sacrées sont soumises à Economie qui fait la part du dieu majeur, comme Zeus dans l’Olympe de la mythologie grecque. Par exemple, quand on parle de richesse on sous-entend toujours « richesse matérielle » et on écarte automatiquement tout autre type de richesse…

R : Existe t-il alors une solution pour sortir de cette condition de possession ?

A.F : Étant donnée la manière dont la croyance est enracinée dans l’esprit de l’homme moderne, un véritable changement ne peut que passer avant tout par une prise de conscience adéquate de la situation. Mais une telle prise de conscience suscite des peurs, des résistances et demande donc beaucoup de temps et d’efforts. La crise que l’économie mondiale est en train de traverser actuellement pourrait vraiment représenter une occasion pour amorcer un rapport plus sain avec une économie conçue plus rationnellement. Ce qui la rendrait aussi moins dangereuse et plus fonctionnelle. En même temps, les valeurs inconscientes qui actuellement y sont liées pourraient trouver une collocation plus heureuse dans le monde de la Nature (autre grand thème traité dans mon livre), comme c’est le cas notamment des civilisations tribales dont la culture traditionnelle prévoit un lien spécial et amplement vérifié depuis des millénaires entre inconscient et Nature. En ce sens, rattraper l’écart qui sépare Homme et Nature pourrait réellement contribuer à la félicité de l’homme du futur.

Biographie de l'auteur

Antoine Fratini est Président de l’Association Européenne de Psychanalyse. Il est aussi membre de l’Académie Européenne Interdisciplinaire des Sciences et directeur du Festival de la Psychanalyse de Fidenza (Italie). Parmi ses publications en langue française figurent La statue du psychanalyste? Quel statut, quelle liberté? paru aux Editions Edilivre en 2010 et La psychanalyse au bûcher (Le Manuscrit, Paris 2009).





Communiqué

JACQUES-ALAIN MILLER

Un hebdomadaire m’avait commandé un texte de 4 000 signes. Je le vois publié tronqué. Je le donne ici complet. JA Miller
La cohorte est longue, des philosophes français inspirés par la psychanalyse. Sartre inventa une psychanalyse dite existentielle, où la mauvaise foi remplaçait l’inconscient. Ricoeur tira de Lacan une théorie néo-spiritualiste de l’interprétation, Althusser une théorie néo-marxiste de la lecture. Foucault embrassa une version néo-heideggerienne de l’analyse avant de célébrer, puis de critiquer, sa version structuraliste. Derrida en nourrit sa « déconstruction ». Deleuze en tira une « schizo-analyse ». Tous, subtils.

M. Michel Onfray ne mange pas de ce pain-là. « Déniaisé », écrit-il, à l’école de ces militants dits révisionnistes qui, depuis vingt ans, donnent de Freud un portrait en sale type qui dupa son monde, il se fait leur émule. Il y va au canon. Mais le boulet, en fait, il le porte à la cheville : c’est son postulat
de départ, il n’en décolle pas. Ce postulat est double : 1) la psychanalyse est une philosophie ; 2) toute philosophie est l’autobiographie déguisée de son auteur, une construction faite pour soulager sa « douleur existentielle », « mettre de l’ordre dans sa vie ». Il s’ensuit que la psychanalyse est une
thérapie à l’usage du seul Freud. Elle prétend valoir pour d’autres ? extrapolation abusive, imposture. CQFD. Ce canevas délirant est d’une logique imparable dès que le postulat est admis.

Sur cette lancée, l’ouvrage prétend reconstituer la vie sexuelle de Freud. On croirait lire le canular de Botul sur Kant. Page 572, l’auteur met carrément la main dans la culotte du zouave : relevant que les poches de ses pantalons avaient souvent de gros trous, il subodore aussitôt le masturbateur compulsif. Plus grave : gouverné par un gros complexe d’OEdipe, Freud persuada tout un chacun qu’il était dans le même cas. Pire encore : il fut mari incestueux, amant incestueux, père incestueux. On s’étonne qu’il ne lui soit pas aussi imputé d’avoir été pédophile. Conclusion : inceste et onanisme sont les mamelles du freudisme.

La partie épistémologique est non moins expéditive. Les concepts freudiens ? une fantasmagorie, « un cirque », ceci redit mille fois. L’ouvrage est parsemé de points d’exclamation, qui signifient : qui peut croire pareilles sornettes ? L’inconscient fait des calembours ! Il est illogique ! Insaisissable ! On ne le voit jamais ! Et Freud qui a le toupet de nous parler de ça ! Et Freud qui se contredit ! M. Onfray, jamais. Il ne se fie, dit-il, qu’à « la raison raisonnante et raisonnable ». L’histoire des idées le montre, jamais. Il ne se fie, dit-il, qu’à « la raison raisonnante et raisonnable ». L’histoire des idées le montre,
ce genre de boussole s’affole toujours devant la psychanalyse. Faute d’admettre qu’un réel puisse répondre à d’autres principes que la non-contradiction aristotélicienne, on se retrouve vite dans la position d’un Monsieur Homais aux prises avec une imbaisable Arlésienne.

Quelques mots suffisent enfin pour expliquer le ressort de l’imposture : la magie du verbe, l’alliance des gredins, la crédulité des dupes. C’est que ce livre puise dans le même trésor d’idées reçues que toutes les théories conspirationnistes. Il ravira cette famille d’esprits.

On aimerait croire que « tout ce qui est exagéré est insignifiant ». A l’âge médiatique, rien n’est moins sûr. La pensée freudienne, qui s’avance sur des pattes de colombe, délicate, scrupuleuse, attentive au détail le plus menu, se transformant à plaisir pour épouser les méandres de l’expérience clinique, et supposant, comme dit Valéry, « l’action de présence des choses absentes », cette pensée ne pouvait que rebuter la masse. Du coup, ses partisans crurent bon de populariser une image de Freud en saint laïque. Cette idéalisation, qui fut surtout le fait des analystes de langue anglaise, ne manqua pas de provoquer des contrecoups agressifs, dont nous avons aujourd’hui un remake. Mais ce ne sont pas de tels couplets qui menacent la psychanalyse. Non, c’est le succès même de sa méthode. Le sens commun la dilue, toutes sortes de thérapies conversationnelles en dérivent. Entre-temps, la notion se répand que rien n’existe que ce qui est chiffrable.

RADIO LACAN

Radio-a

Chers auditeurs, chers internautes Radio-a a maintenant sept mois d'existence, et la barre des cent visiteurs différents par jour a été franchie.Ce mois-ci, la rubrique sur l'autisme est mise en ligne avec cinq séquences qui se suivront mensuellement. Sur l'autisme, écoutez aussi Jean Pierre Maleval, psychiatre, psychanalyste, invité par l'association Cause Freudienne VLB ( Val de Loire-Bretagne). Plusieurs débats avec les psychanalystes Gérard Wacjman, Philippe Lacadée, Philippe Degeorges,

Plusieurs débats avec les psychanalystes Gérard Wacjman, Philippe Lacadée, Philippe Degeorges, François Ansermet sont par ailleurs ici diffusés. Nous ne pouvons énumérer et commenter l'ensemble des conférences de JA Miller auxquelles vous pouvez vous reporter, sans compter les deux derniers forumpsy des mois de février et avril. Enfin l'association des Psychologues Freudiens a souhaité enrichir la rubrique qui lui est dédiée. Toute l'équipe de Radio-a vous souhaite une bonne consultation et une bonne écoute!

http://www.radio-a.com/
Prix de la psychanalyse Lacanienne attribué à Tim Burton pour son film "Alice au pays des Merveilles"

http://www.24presse.com/search_cp/indexb.php?id=991384&page=1&th=Culture

communiqué rédigé par Guy Massat
Lundi 03 Mai 2010
 
Les psychanalystes du Cercle Psychanalytique de Paris , l'Inconscient c'est ça.

Le 29 avril 2010 au Café Clovis à Paris 1er les psychanalystes du Cercle Psychanalytique   de Paris, réunis par Guy Massat, psychanalyste, ont décerné le prix  de Psychanalyse Lacanienne à Tim Burton pour son film « Alice au pays des Merveilles »

Le jury, composé de vingt psychanalystes, a estimé  que le prologue et l'épilogue ajoutés par Tim Burton à l'œuvre de Lewis Carroll illustraient dans ce film, avec un  talent inégalé à ce jour, le délire comme  langage d'autoguérison et de reconstruction du sujet, selon l'enseignement de Lacan.

 Tous les personnages de Lewis Carroll que Tim Burton utilise à sa façon illustreraient dans ce film des concepts de la psychanalyse lacanienne.

Le site : http://www.cercle-psychanalytique-paris.fr/

Le détective de Freud
de Olivier Barde-Cabuçon

Intrigue au pays des rêves et des lapsus











Résumé éditeur :
 
Paris, 1911. Missionné par Sigmund Freud en personne pour enquêter sur la mort mystérieuse d'un confrère, le docteur du Barrail se lance dans une aventure où la vérité se cache loin en deçà des choses. Epaulé par Max Engel, un drôle de détective marxiste, et le sémillant psychiatre suisse Carl Jung, le jeune homme interroge les faits et sonde les esprits. Mais il ne peut s'empêcher de soigner aussi les âmes ! Trouvera-t-il la clé de cette énigme dont trois femmes semblent être les troublantes héroïnes ? Contre toute attente, le propre passé de du Barrail refait alors surface ...
Entre quête d'identité, suspense et histoire d'amour, un roman haletant qui nous transporte dans le Paris de la Belle Epoque, sur les pas des pionniers de la psychanalyse.

vendredi 30 avril 2010







Soins sans consentement : projet de loi en conseil des ministres mi-mai

La ministre de la Santé a annoncé sur LCP qu’elle présenterait mi-mai son projet de loi concernant les « soins sans consentement » en conseil des ministres. « Je veux dans cette loi aller de la notion de l’hospitalisation sous contrainte, sans consentement, avec l’hospitalisation d’office demandée par le préfet quand le malade est dangereux ou l’hospitalisation à la demande d’un tiers quand il est dangereux pour lui ou sa famille, à la notion de soins sans consentement », a-t-elle expliqué.

Le dispositif, dont la grande nouveauté est avant tout d’ouvrir la possibilité de soins sans consentement en ambulatoire, prévoit notamment un délai de 72 heures d’observation avant de prendre toute décision de soins (ou pas), en hospitalier ou en ambulatoire. S’agissant des autorisations de sortie, Roselyne Bachelot insiste sur sa volonté d’« un avis collégial et non plus porté par un seul médecin ».

Les professionnels, eux, militent pour une « grande loi sur la santé mentale et la psychiatrie ». Les Cliniques psychiatriques privées de France craignent notamment que « cette loi à vocation unique continue à installer un climat de peur et de stigmatisation à l’encontre de toutes les personnes souffrant d’une maladie mentale ».

AU. B.

Quotimed.com, le 28/04/2010









28/04/2010

«La psychiatrie a besoin de moyens, de visites à domicile, pas seulement de médicaments»

INTERVIEW
Recueilli par Marie Piquemal


Dimanche à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), un père de famille a été poignardé dans son jardin. L'agresseur présumé souffre de schizophrénie, selon le procureur. Et a été hospitalisé onze fois entre 2002 et 2008. Le mois dernier, un homme de 50 ans a été poussé sous la rame du RER à Paris. Là aussi, l'agresseur présumé était diagnostiqué comme schizophrène depuis 2005.

Ces faits divers soulèvent les mêmes questions: pouvait-on éviter le drame? Quelle prise en charge pour les malades souffrant de troubles psychiques ? Le gouvernement mijote un projet de loi pour élargir l'obligation des soins. Qui fait bondir le psychologue Pascal Ollivier, porte-parole du collectif «Sauvons le soin psychique».

On a le sentiment qu'une meilleure prise en charge aurait permis d'éviter ces drames. Qu'en pensez-vous ?


Le risque zéro n'existe pas. Il n'y a pas plus de passage à l'acte qu'auparavant. Ce qui a changé, c'est le traitement médiatique. Aujourd'hui, les faits divers sont amenés sur le devant de la scène, avec cette idée portée par les politiques: «On aurait dû, on aurait pu empêcher ce drame.» L'État se présente comme étant capable de prémunir ses citoyens de tous les dangers. Quand il n'y parvient pas, il cherche systématiquement un responsable sur qui rejeter la faute. C'est vrai pour tout: la tempête Xynthia, l'épidémie de grippe A... Dans le cas des personnes souffrant de troubles psychiques, l'Etat répond par un projet de loi pour donner des médicaments de force. Or, l'expérience le montre, l'injonction thérapeutique n'est pas la solution.

Pour quelle raison ?


On fait croire aux gens qu'une personne dangereuse, pour elle-même ou pour autrui, ne peut pas être soignée de force. C'est faux, la loi le prévoit depuis longtemps. On peut hospitaliser un malade contre son gré à la demande d'un membre de la famille à condition d'avoir deux certificats médicaux. Ou d'office sur arrêté du préfet. Le juge peut aussi imposer un traitement médicamenteux. L'injonction de soin existe, et ne résout pourtant pas tout. Comment s'assurer que les malades se soignent? En envoyant des policiers à leur domicile pour s'assurer qu'ils prennent bien leur pilule? Ce serait de la folie, ils n'ont aucune compétence en la matière. On ne prend pas en charge une personne dans un état psychotique délirant comme on interpelle un individu lambda dans la rue!

Il n'y a donc aucun moyen d'agir ?

Si, il faudrait redonner les moyens à la psychiatrie d'assurer l'accompagnement humain des malades. Permettre à nouveau aux professionnels de faire régulièrement des visites à domicile. Ce qu'on ne fait plus, faute de personnel. On le sait, les problèmes surviennent souvent quand le malade arrête les soins. Il prend les médicaments depuis quelques temps, se sent mieux, se croit guéri, interrompt le traitement... Et rechute. Sauf qu'il n'est plus en état de le reconnaître et de demander de l'aide. Seul un professionnel peut renouer le lien et éviter le passage à l'acte. Mais pour ça, il faut de l'argent.

La psychiatrie française manque-t-elle à ce point de moyens ?

Faites le test, appelez votre centre médico-psychologique pour prendre un rendez-vous: six mois voire un an d'attente! La psychiatrie en France est dans un état catastrophique. A l'hôpital, le nombre de lits dans les services de psychiatrie a été divisé par dix en vingt ans, faute de personnel. Un patient que l'on gardait autrefois six mois ou un an dans nos services, sort aujourd'hui au bout de trois semaines en moyenne... Souvent, les médecins psychiatres n'ont d'autre choix que de forcer la dose du traitement médicamenteux pour que le malade tienne le coup jusqu'au prochain rendez-vous.

Ce n'est pas la solution. Faut-il le répéter, un médicament ne guérit pas une maladie psychique. Il permet juste à la personne d'avoir suffisamment de conscience pour entreprendre des soins de fond. D'ailleurs, certains patients passent à l'acte alors qu'il sont sous traitement médicamenteux. C'est une idée fausse de croire que les médicaments protègent, cela sert les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. C'est tout.

Votre collectif «Sauvons le soin psychique» se bat depuis plus d'un an contre la refonte de la convention collective de 1966 qui régit quelque 250.000 salariés travaillant dans le secteur associatif auprès des personnes dites «fragiles». Quelles peuvent être les répercussions pour les malades souffrant de troubles psychiques ?

On est en train de s'attaquer au dernier bastion médical et social qui existe aujourd'hui: les associations. Je l'ai déjà dit, le service public de psychiatrie est aujourd'hui un cadavre debout. Dans la pratique, les malades sont renvoyés dans le meilleur des cas vers le secteur associatif qui a encore les moyens d'une prise en charge. Je travaille dans un hôpital de jour, géré par une association, qui s'occupe des adolescents de 13-21 ans souffrant de troubles psychiques graves. On dispose encore des moyens de travailler. Parfois, un jeune reste trois ou quatre ans dans nos unités. Le temps de faire un travail de fond pour qu'à l'âge adulte, il soit stabilisé.

Demain, si la refonte de notre convention collective était menée à terme, les conditions d'exercice de soins seraient compromises. Un diplôme de psychologue ou d'éducateur spécialisé ne serait plus requis, il suffirait d'avoir des compétences psychologiques ou d'encadrement. On se bat sans relâche, une nouvelle manifestation est prévue le 11 mai. Car si ce dernier filet saute, les malades seront soit à la rue, soit en prison. 





http://www.mediapart.fr/club/blog/tsaint-prix/280410/de-lhopital-au-magasin-le-changement-de-paradigme-en-psychiatrie

De l'hôpital au magasin : le changement de paradigme en psychiatrie.

28 Avril 2010


Par T. Saint Prix

D'abord infirmier de secteur psychiatrique dans un CHS lyonnais, puis psychologue clinicien pour le compte d'un CHS du département de l'Ain, j'ai en 20 ans - car je date les premiers effets perçus de cette psychiatrie contemporaine aux années 1990 -  vu le contexte des soins psychiatriques changer totalement. Il ne s'agit pas tant d'évolution,  modernisation,  maturation de pratiques et délaissement d'autres, que d'une substitution de paradigme: en place d'une psychiatrie  humaniste, œuvrant aux soins des malades mentaux, s'est substituée la culture d'entreprise au service des troubles de la santé mentale. Une des différences majeures est que là où le sujet, aidé par famille et médecin, était l'acteur de sa démarche -ou sur le point de le redevenir- il est aujourd'hui un trouble, un symptôme à lui tout seul - un hyperactif, un suicidaire, un autiste, un addicté, un état-limite, un adolescent anorexique, un surdoué, un schizophrène, etc - qui doit se diriger vers le bon local de reconditionnement. Le magasin, connecté au marché, en fonction de celui-ci, ouvrira, fermera, reconvertira, délocalisera afin de répondre à la demande. Il n'y a, sur le principe, plus d'impossible  à traiter: chaque attente a sa réponse en rayonnage. La seule limite est financière. Des arbitrages y pourvoient, à moyens constants, voire diminuants ce qui bien sûr est mieux. Le magasin a cependant des missions de service publique: si par exemple "on" décide que le paquet doit être mis sur les "urgences", tous les locaux de (re)traitements devront faire la preuve qu'ils ont mis à jour leur logiciel. Et si demain la priorité absolue est: les adolescents suicidaires, les professionnels devront réécrire le logiciel local afin que la connection au réseau soit optimisée sur cet "ithème" en temps réel. Comme tout ne rentre (heureusement) pas dans les petites cases, les meilleures équipes seront celles qui feront de la contrebande. Par exemple, avec un budget "dépistage des troubles la relation précoce mère/enfant" si chère à notre société sécuritaire, une équipe organisera un lieu d'accueil parents et jeunes enfants, lieu de parole et de rencontre entre de grands sujets et leur petit sujet...d'inquiétude. Mais il faudra apprendre à maquiller les statistiques (un cancer, cette chose là !), et à parler le vocabulaire maison: "extraction d'indice de productivité", "démarche qualité",  connaitre sigles et acronymes à profusion. Le sujet est devenu un consommateur, plus ou moins contraint (mais qui ne l'est pas aujourd'hui ?), rencontrant une offre de soin théorique infinie...mais très restreinte concrètement (d'où de sérieuses "incompréhensions"). Dans ce contexte global, l'hôpital psychiatrique est devenu un centre de retraitement de l'aïgu, avec des séjours extrêmement courts, et une rotation des lits optimisée (celui-ci peut-être utilisé dans la même journée par plusieurs "clients": celui qui vient la nuit en semaine, celui qui est en hôpital de jour , celui qui est en "séquentiel" le week-end). Ensuite, dans le meilleure des cas, il y aura un suivi en ambulatoire, mais il faudra composer avec un délais d'attente qui frise les 6 à 12 mois en moyenne dans les grandes villes.

Le changement de paradigme amène un paradoxe: tout est possible potentiellement ( l'imagination d'une certaine medecine est là-dessus impayable, qui bilante à outrance le manque de concentration de Toto en classe), mais peu l'est en réalité (le centre de bilan renvoit Toto et son énorme dossier au médecin de famille, qui l'adresse finalement au petit Centre-Médico-Psychologique du coin.

Mais il n'y a pas que le sujet du soin qui, dans le contexte de la culture d'entreprise, a muté. Les acteurs n'ont pas été épargnés, et le management, depuis 20ans, ne leur épargne rien. On ravale son chapeau plus souvent qu'à son tour, surtout quand des gens qui ne connaissent rien  au soin, à la clinique, viennent vous intimer  de vous conformer aux attentes des tutelles...dont il est souvent difficile de savoir plus précisément qui y demande quoi. On peut vous dire: vous fermez demain, vous allez trente kilomètres plus loin, et il inconvenant de solliciter une explication.

J'ai écrit qu'il n'y a plus d'impossible à traiter, que la seule limite est financière. Bien sûr, c'est faux: l'impossible, comme le disait le docteur Jacques Lacan, revient toujours à la même place. Cette place est propre à chacun, singulière. Et c'est cette singularité qui, aujourd'hui dans la culture de consommation de masse ("surdoué", "trouble oppositionnel", "dysgraphie, dyslexie, 10 puissance 10..." n'a bientôt plus de lieu pour adresser les termes de son exil. Le fou, celui qui est en chacun de nous, est en réel danger d'indigence.

L'étonnant, est que le monde soignant soit resté, c'est mon constat, dans sa grande majorité silencieux face à ce bouleversement paradigmatique. Sidéré ? Trop content de quitter un monde...trouble,  pour celui plus compréhensible qui propose une multitude de méthodes dédiées au symptôme ? Freud nous avait pourtant enseigné qu'à ne soigner seulement que le symptôme, on s'expose à un dépalcement de celui-ci. Malaise dans la civilisation: le discours d'entreprise travaille déjà aux futures solutions...




Édition du jeudi 29 avril 2010
Mende.
VIE SYNDICALE CGT


Refus de l'ordre infirmier

Une délégation CGT a déposé en préfecture, le 20 avril, les premières signatures contre l'ordre infirmier, d'autres suivront. Les représentants du syndicat, reçus par la directrice des services du cabinet du préfet de la Lozère, ont alors rappelé que les infirmiers ne voulaient pas payer pour travailler, les 13,73 % de votants à ces élections en attestent.
Par ailleurs, ils demandent aux parlementaires de faire abroger les ordres kiné et infirmier. La CGT demande ainsi au préfet d'agir pour que cessent les intimidations auprès de ces travailleurs paramédicaux : « Les employeurs n'ont pas à être les gendarmes des ordres, surtout qu'aucun décret n'est paru ».
La CGT a aussi dénoncé le chantage fait aux infirmiers du secteur public : « ils perdent la reconnaissance de la pénibilité de leur métier en échange de l'accession à la catégorie A ».
Le syndicat a également rappelé que les réelles revendications des infirmiers sont liées à de nombreux facteurs : la dégradation des conditions de travail, la résorption de l'emploi précaire, les nécessaires revalorisations salariales, l'augmentation du quota des élèves infirmiers, à l'arrêt du glissement des tâches, le retour à la formation d'infirmiers en psychiatrie.
La CGT demande par conséquent à tous les professionnels du secteur de la santé de continuer à refuser l'ordre que le gouvernement veut leur imposer pour masquer les problèmes du secteur. « La CGT dit non à une vision uniquement comptable de notre système de soins : la santé n'est pas une marchandise ».