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vendredi 30 avril 2010







Soins sans consentement : projet de loi en conseil des ministres mi-mai

La ministre de la Santé a annoncé sur LCP qu’elle présenterait mi-mai son projet de loi concernant les « soins sans consentement » en conseil des ministres. « Je veux dans cette loi aller de la notion de l’hospitalisation sous contrainte, sans consentement, avec l’hospitalisation d’office demandée par le préfet quand le malade est dangereux ou l’hospitalisation à la demande d’un tiers quand il est dangereux pour lui ou sa famille, à la notion de soins sans consentement », a-t-elle expliqué.

Le dispositif, dont la grande nouveauté est avant tout d’ouvrir la possibilité de soins sans consentement en ambulatoire, prévoit notamment un délai de 72 heures d’observation avant de prendre toute décision de soins (ou pas), en hospitalier ou en ambulatoire. S’agissant des autorisations de sortie, Roselyne Bachelot insiste sur sa volonté d’« un avis collégial et non plus porté par un seul médecin ».

Les professionnels, eux, militent pour une « grande loi sur la santé mentale et la psychiatrie ». Les Cliniques psychiatriques privées de France craignent notamment que « cette loi à vocation unique continue à installer un climat de peur et de stigmatisation à l’encontre de toutes les personnes souffrant d’une maladie mentale ».

AU. B.

Quotimed.com, le 28/04/2010









28/04/2010

«La psychiatrie a besoin de moyens, de visites à domicile, pas seulement de médicaments»

INTERVIEW
Recueilli par Marie Piquemal


Dimanche à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), un père de famille a été poignardé dans son jardin. L'agresseur présumé souffre de schizophrénie, selon le procureur. Et a été hospitalisé onze fois entre 2002 et 2008. Le mois dernier, un homme de 50 ans a été poussé sous la rame du RER à Paris. Là aussi, l'agresseur présumé était diagnostiqué comme schizophrène depuis 2005.

Ces faits divers soulèvent les mêmes questions: pouvait-on éviter le drame? Quelle prise en charge pour les malades souffrant de troubles psychiques ? Le gouvernement mijote un projet de loi pour élargir l'obligation des soins. Qui fait bondir le psychologue Pascal Ollivier, porte-parole du collectif «Sauvons le soin psychique».

On a le sentiment qu'une meilleure prise en charge aurait permis d'éviter ces drames. Qu'en pensez-vous ?


Le risque zéro n'existe pas. Il n'y a pas plus de passage à l'acte qu'auparavant. Ce qui a changé, c'est le traitement médiatique. Aujourd'hui, les faits divers sont amenés sur le devant de la scène, avec cette idée portée par les politiques: «On aurait dû, on aurait pu empêcher ce drame.» L'État se présente comme étant capable de prémunir ses citoyens de tous les dangers. Quand il n'y parvient pas, il cherche systématiquement un responsable sur qui rejeter la faute. C'est vrai pour tout: la tempête Xynthia, l'épidémie de grippe A... Dans le cas des personnes souffrant de troubles psychiques, l'Etat répond par un projet de loi pour donner des médicaments de force. Or, l'expérience le montre, l'injonction thérapeutique n'est pas la solution.

Pour quelle raison ?


On fait croire aux gens qu'une personne dangereuse, pour elle-même ou pour autrui, ne peut pas être soignée de force. C'est faux, la loi le prévoit depuis longtemps. On peut hospitaliser un malade contre son gré à la demande d'un membre de la famille à condition d'avoir deux certificats médicaux. Ou d'office sur arrêté du préfet. Le juge peut aussi imposer un traitement médicamenteux. L'injonction de soin existe, et ne résout pourtant pas tout. Comment s'assurer que les malades se soignent? En envoyant des policiers à leur domicile pour s'assurer qu'ils prennent bien leur pilule? Ce serait de la folie, ils n'ont aucune compétence en la matière. On ne prend pas en charge une personne dans un état psychotique délirant comme on interpelle un individu lambda dans la rue!

Il n'y a donc aucun moyen d'agir ?

Si, il faudrait redonner les moyens à la psychiatrie d'assurer l'accompagnement humain des malades. Permettre à nouveau aux professionnels de faire régulièrement des visites à domicile. Ce qu'on ne fait plus, faute de personnel. On le sait, les problèmes surviennent souvent quand le malade arrête les soins. Il prend les médicaments depuis quelques temps, se sent mieux, se croit guéri, interrompt le traitement... Et rechute. Sauf qu'il n'est plus en état de le reconnaître et de demander de l'aide. Seul un professionnel peut renouer le lien et éviter le passage à l'acte. Mais pour ça, il faut de l'argent.

La psychiatrie française manque-t-elle à ce point de moyens ?

Faites le test, appelez votre centre médico-psychologique pour prendre un rendez-vous: six mois voire un an d'attente! La psychiatrie en France est dans un état catastrophique. A l'hôpital, le nombre de lits dans les services de psychiatrie a été divisé par dix en vingt ans, faute de personnel. Un patient que l'on gardait autrefois six mois ou un an dans nos services, sort aujourd'hui au bout de trois semaines en moyenne... Souvent, les médecins psychiatres n'ont d'autre choix que de forcer la dose du traitement médicamenteux pour que le malade tienne le coup jusqu'au prochain rendez-vous.

Ce n'est pas la solution. Faut-il le répéter, un médicament ne guérit pas une maladie psychique. Il permet juste à la personne d'avoir suffisamment de conscience pour entreprendre des soins de fond. D'ailleurs, certains patients passent à l'acte alors qu'il sont sous traitement médicamenteux. C'est une idée fausse de croire que les médicaments protègent, cela sert les intérêts des laboratoires pharmaceutiques. C'est tout.

Votre collectif «Sauvons le soin psychique» se bat depuis plus d'un an contre la refonte de la convention collective de 1966 qui régit quelque 250.000 salariés travaillant dans le secteur associatif auprès des personnes dites «fragiles». Quelles peuvent être les répercussions pour les malades souffrant de troubles psychiques ?

On est en train de s'attaquer au dernier bastion médical et social qui existe aujourd'hui: les associations. Je l'ai déjà dit, le service public de psychiatrie est aujourd'hui un cadavre debout. Dans la pratique, les malades sont renvoyés dans le meilleur des cas vers le secteur associatif qui a encore les moyens d'une prise en charge. Je travaille dans un hôpital de jour, géré par une association, qui s'occupe des adolescents de 13-21 ans souffrant de troubles psychiques graves. On dispose encore des moyens de travailler. Parfois, un jeune reste trois ou quatre ans dans nos unités. Le temps de faire un travail de fond pour qu'à l'âge adulte, il soit stabilisé.

Demain, si la refonte de notre convention collective était menée à terme, les conditions d'exercice de soins seraient compromises. Un diplôme de psychologue ou d'éducateur spécialisé ne serait plus requis, il suffirait d'avoir des compétences psychologiques ou d'encadrement. On se bat sans relâche, une nouvelle manifestation est prévue le 11 mai. Car si ce dernier filet saute, les malades seront soit à la rue, soit en prison. 

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