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mardi 27 avril 2010





25 abril, 2010

Le Journal du Congrès N° 13


Posteado por A.A.delaR. a domingo, abril 25, 2010











Le Journal du Congrès

Association Mondiale de Psychanalyse
26, 27, 28, 29 et 30 avril 2010
Palais des Congrès, Paris


Editorial n°13

Les semblants de l’hystérie et notre choix éthique

Quelle est donc la grande perturbation du sujet qui répond au trou dans l’Autre ? Que produit ce recouvrement de deux manques, qui peut se décrire comme un plein ou un « vrai trou ». Nous avons vu comment la dépression, comme maladie de l’idéal, s’est portée candidate. Elle a été retenue par Big Pharma comme la plus facile à appareiller à des molécules dont la diffusion de masse peut s’effectuer sans effets secondaires. Pour les névroses, leur recul est clair. On le constate à partir d’hypothèses très différentes : le déclin de l’image du père, l’assouplissement du surmoi maternel, le recul des interdits, le changement de statut de la culpabilité. Il faut remarquer que ces caractéristiques s’appliquent davantage à la névrose obsessionnelle qu’à l’hystérie.

Du côté de la psychose, on se souvient que Deleuze et Guattari avaient essayé de faire de l’axe schizophrénie-paranoïa le cadre de la maladie moderne. Certes, ils parlaient de la schizophrénie comme processus, et pour eux la paranoïa était cristallisation, arrêt du processus. Ils avançaient que la schizophrénie, comme processus, avec sa terrible ironie, « c’est notre maladie à nous hommes modernes. La fin de l’histoire n’a pas d’autre sens ». Leur tentative s’inscrivait à la suite de l’enseignement de Lacan qui avait fait de la paranoïa la maladie la plus profonde de l’être humain, « l’état natif » du sujet. Lacan rejoignait Mélanie Klein qui avait fait de la « position schizo-paranoïde » la première cristallisation du Moi. L’hypothèse paranoïaque prend toute sa valeur dans l’interprétation qu’en donne le cours de Jacques-Alain Miller de cette année. Comme la science partage avec la paranoïa un point de forclusion, le scientisme est une variante de la grande paranoïa contemporaine. La description de l’Autre comme un grand équilibre paranoïaque a été rénovée par la réduction cognitive du lien social à la théorie des jeux. Les modèles mathématiques mis en circulation par le complexe militaro-industriel à l’époque de la Guerre Froide se sont transmis comme méthode de gestion à l’administration civile. Quels que soient les affrontements et les déchirements des démocraties, on pouvait concevoir une politique conduisant à l’équilibre. Même si chacun ne coopérait avec personne, si chacun était seul contre tous, un « équilibre de Nash » pouvait être atteint. Cette conception du lien social a conquis la technostructure. Elle témoigne de la grande force de séduction de la paranoïa.

C’est pourquoi le rappel du dernier numéro de la revue Quarto a tout son sens. Elle affirme la « tentation de l’hystérie » comme il y avait la « tentation de l’Occident ». La revue formule cette tentation sous la forme d’une question pour le 21ème siècle: « Comment les civilisations vont-elles supporter qu’il n’y ait pas La femme » ? L’hystérie pour le Lacan du Séminaire 18, c’est celle qui soutient le désir des femmes, à partir de ce qui n’est pas pour toute femme. « C’est pourquoi ce désir se soutient d’être insatisfait ». L’hystérique, dit en raccourci Jacques-Alain Miller, cité par Quarto, c’est « tout le monde ». C’est « être comme tout le monde ». En ce sens, c’est l’hystérie qui se révèle comme la grande névrose de l’époque. Certes, il faut la prendre dans toute sa complexité, celle que, dans les termes de son enseignement classique, Lacan distingue du « mécanisme hystérique », qui révèle la structure commune du désir. « On fait de l’hystérie la névrose la plus avancée, parce que la plus proche de l’achèvement génital. Il nous faut, selon cette conception diachronique, la mettre au terme de la maturation infantile, mais aussi à son départ, puisque la clinique nous montre qu’il nous faut bien, dans l’échelle névrotique, la considérer au contraire comme a plus primaire, car c’est sur elle que s’édifient les constructions de la névrose obsessionnelle. D’autre part, les relations de l’hystérie avec la psychose, avec la schizophrénie, sont évidentes, et ont été soulignées. »

L’hystérie comme discours reprend cette distinction entre l’hystérie mécanisme et l’hystérie névrose. Elle inclut la multiplicité de ces perspectives et de ces points de vue. Elle interroge aussi les frontières et les recouvrements de domaine moins avec la schizophrénie qui a perdu son pouvoir descriptif qu’avec la « psychose ordinaire », au sens où nous utilisons ce terme. Il faudrait ajouter enfin pour le sujet contemporain, les efforts pour fixer sa représentation dans les nouvelles maladies de la mentalité, les symptômes pulsionnels addictifs, et l’épidémie d’autisme, réalisant le dénouage entre le pur corps machine et le signifiant-chiffre, sans rapport avec l’autre imaginaire. Par cette pluralité même, il nous faut sans doute renoncer à la définition d’une seule « grande névrose narcissique ».

Lacan, considérait que le recouvrement de la structure du sujet et celle des impasses dans l’Autre ne nous laisse qu’un choix éthique. Il nous faut choisir « entre la folie et la débilité ». Si l’on admet le développement précédent, cela définit parfaitement l’état de notre civilisation. Quel est le meilleur choix du point de vue du sinthôme ? Nous le verrons bientôt, le Congrès commence lundi. Chacun y présentera son choix.

Demain, ce sera le dernier numéro du Journal du Congrès.
A demain,
 
Eric Laurent, le 22 avril 2010

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