A l’heure où la France est hantée par le pessimisme, Claudia Senik, professeure à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris, publie un livre passionnant sur une discipline née dans les années 1970 : L’Economie du bonheur (Le Seuil, « La République des idées », 128 p., 11,80 €).
Qu’est-ce que l’économie du bonheur ?
L’économie du bonheur, c’est une économie du ressenti. Elle tente de mesurer, même si c’est une gageure, la manière dont les gens perçoivent leurs expériences et la satisfaction qu’ils retirent de leur participation à la vie économique et sociale. Cette démarche est un peu une hérésie pour l’économie traditionnelle, qui utilise la méthode des « préférences révélées par l’action » : pour elle, ce sont les transactions sur le marché qui nous renseignent sur ce que les gens ont voulu faire et ce qui leur plaît. L’économie du bonheur ne propose pas de délaisser cette méthode classique mais de la compléter en allant glaner des informations supplémentaires qui sont de nature, non plus objective, mais subjective. Elle permet de saisir des choses qui n’ont pas de prix sur le marché mais qui sont importantes pour la vie collective. Dans une démocratie, le bonheur des citoyens est une boussole, un principe constitutionnel, presque un devoir.
Sur quoi se base-t-on pour construire une économie du bonheur ?
Sur de grandes enquêtes qui ajoutent aux questions objectives – le diplôme, l’emploi, la taille du foyer, le logement – des questions subjectives sur la satisfaction et le bien-être ressentis. Les personnes interrogées doivent dire si elles sont heureuses ou satisfaites de leur vie en choisissant une note sur une échelle graduée. Cela permet, par exemple, de mesurer la relation entre le fait d’avoir un emploi et le fait d’être heureux. D’autres questions ont pour but de cerner la vision du monde des personnes interrogées : on leur demande comment elles imaginent leur avenir personnel ou celui de leur pays, si elles ont confiance dans leurs institutions, leur voisinage ou leurs proches.