Par Zineb Dryef Publié le 16 avril 2024
Portrait La psychiatre et thérapeute a été la première à parler de harcèlement moral, de pervers narcissique, de violences faites aux femmes… Dans son nouvel essai, la clinicienne interroge la souffrance des enfants lors de la séparation de leurs parents.
Ce jour ensoleillé de mars, assise sur son canapé, mains jointes sur les genoux, Marie-France Hirigoyen laisse s’installer le silence. Elle a davantage l’habitude d’écouter que de se raconter. A une vingtaine de minutes de son appartement du 5e arrondissement de Paris, de l’autre côté du parc du Luxembourg, elle reçoit chaque année, depuis quarante-cinq ans, des centaines de patients dans son cabinet de psychiatre, psychanalyste, victimologue et thérapeute familiale systémique.
Des milliers d’heures consacrées à écouter les petites et grandes souffrances d’hommes et de femmes abîmés par des violences invisibles, des violences sans coups ni blessures physiques, des violences ordinaires ou massives. Elle a préféré recevoir chez elle, dans cet intérieur immaculé et lumineux, parce qu’elle passe « trop de temps » dans son cabinet, ce précieux poste d’observation des dysfonctionnements de notre société. « Je n’invente rien, je ne suis pas théoricienne, explique-t-elle. Je décris ce que je perçois à travers ce que j’entends. »
Dans le huis clos de son bureau, on lui confie ce qu’on ne dit à personne, ni à ses amis, ni à ses collègues, ni à sa famille. On s’exprime sans censure et on raconte l’inaudible. Marie-France Hirigoyen, elle, écoute. Et elle prend des notes. D’années en années, ses consultations ont nourri ses livres, des essais qui ont marqué le débat public sur les violences psychologiques et qui ont participé à leur reconnaissance juridique.