Aurélie Haroche | 23 Février 2024
Le mal semble s’être insinué partout. Grandes villes ou cités moyennes, centre urbain ou périphérie : la cartographie du trafic de drogue en France ne paraît plus connaître aucune frontière. Et les drames sordides se multiplient : cette semaine, à Nîmes, un petit garçon de 8 ans a vu son père être abattu devant ses yeux, lors d’un probable règlement de compte lié au trafic de stupéfiants. Face à cette situation, le discours martial du ministre de l’Intérieur ne peut que renforcer l’anxiété légitime de la population, alors que la consommation de drogue reste un des fléaux les plus redoutés des parents pour leurs enfants. Le piège que constitue l’addiction est dans tous les esprits.
Un enjeu de santé publique indéniable
On le sait, l’agitation médiatique n’est jamais le meilleur des filtres pour apprécier la réalité, probablement plus contrastée, d’un phénomène. Cependant, la criminalité liée au trafic de drogue a, de fait, nettement progressé l’année dernière en France. Parallèlement, le démantèlement des points de deal a été plus actif. Concernant la consommation de cannabis, si la tendance récente à la baisse est encourageante chez les adolescents et les jeunes adultes, la forte progression de la consommation de cocaïne est pour sa part inquiétante. Par ailleurs, après avoir connu un important recul à la fin des années 90, le nombre de décès par surdose de produits stupéfiants est de nouveau en hausse. L’enjeu de santé publique et de sécurité que représente la drogue semble donc ne faire aucun doute, même s’il est important d’observer une distance avec certaines postures politiques dramatisantes à dessein.
L’alcool, cette héroïne légale
Pourtant, certains nous invitent à un autre regard sur les substances psychoactives en général et plus particulièrement sur les substances psychoactives illicites parfois appelées « drogues dures » ; dénomination tendancieuse qui conduit à sous-estimer les méfaits des substances qui par défaut sont classées comme des « drogues douces ». Ainsi, cette semaine, l’intervention sur X (ex-Twitter) d’une historienne de la médecine a suscité de nombreux commentaires. Zoé Dubus a consacré sa thèse à l’histoire des psychotropes en France, avec comme titre « Médicament ou poison ? Médecins, médecine et psychotropes du XIX siècle à nos jours en France ». Dépassant son travail académique, c’est une autre thèse qu’elle a défendue sur le réseau social d’Elon Musk. « Les « drogues » sont-elles nécessairement dangereuses ? Est-ce que quand on prend une fois de l’héroïne on devient addict ? C’est quoi la drogue la plus addictive ? Drogue dure/drogue douce ? Il y a beaucoup de méconnaissances autour des stupéfiants » débute-t-elle. Son introduction s’accompagne d’un éclairage sémantique, où constatant à juste titre le flou trompeur du terme de « drogue » elle précise « Un psychotrope, c’est toute substance qui modifie l’humeur, l’état de conscience, le comportement. C’est vaste. Ça va du café à l’alcool en passant par l’héroïne et le LSD ». Ce constat étant établi, Zoé Dubus développe plusieurs idées. D’abord, elle constate que l’illégalité des produits ne reflète pas nécessairement leur dangerosité. Les effets néfastes de l’alcool sur la santé et ses conséquences sociales apparaissent par exemple presque aussi marqués que ceux de l’héroïne (même si les temporalités ne sont pas les mêmes). Cette observation est portée par de nombreux acteurs de la lutte contre les stupéfiants qui signalent d’une part que la légalité et la tolérance sociale de l’alcool amoindrissent la portée des messages concernant son extrême nocivité, tandis que l’illégalité de nombreux autres produits freine la diffusion de messages de santé publique, prônant par exemple la réduction des risques.
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