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Alex Maignan
Comment les sociétés occidentales contemporaines ont-elles appréhendé le phénomène des maladies mentales depuis le XIXe siècle ? Et comment les sciences humaines et sociales ont-elles, depuis les années 1970, analysé et interprété ce rapport de nos sociétés aux maladies mentales ? C’est à partir de ces deux questionnements que le sociologue Nicolas Henckes et l’historien Benoit Majerus ont construit leur synthèse historiographique de « l’histoire des maladies mentales et de leur traitement social à l’époque contemporaine » (p. 3), la première du genre. Pour ce faire, les auteurs ont choisi de structurer l’ouvrage en quatre chapitres correspondant aux quatre principales dimensions du rapport que nos sociétés entretiennent avec les maladies mentales : « espaces », « savoirs », « pratiques » et « expériences ».
2Le premier chapitre, consacré aux espaces de la psychiatrie, rappelle à quel point la prise en charge et l’expérience de la maladie mentale sont étroitement liés aux agencements spatiaux et institutionnels dans lesquelles elles s’inscrivent. Au XIXe siècle, le lieu emblématique du traitement de la folie est l’asile. S’appuyant sur la théorie de l’isolement, selon laquelle l’institution asilaire fonctionne comme un moyen de traitement et de guérison, et sur une vision optimiste de l’amélioration des individus par l’éducation inspirée de la philosophie des Lumières, l’enfermement devient progressivement une pratique dominante dans la prise en charge des maladies mentales au XIXe siècle. Les historiens ont largement investigué le fonctionnement interne de ces institutions, entre discipline, thérapie et vie quotidienne, pour mettre en évidence sa fonction panoptique, le rôle de l’architecture dans le classement des individus, l’importance de la matérialité et des objets dans l’expérience de la folie, etc. On voit néanmoins s’affirmer un premier moment « antipsychiatrique » dans le dernier tiers du XIXe siècle qui témoigne d’une nouvelle géographie psychiatrique incarnée par trois espaces : le jardin, la ville et les colonies. De nouveaux acteurs, de nouvelles catégories médicales et psychologiques et de nouvelles institutions se développent et brouillent le mandat asilaire en s’appuyant notamment sur le thème des pathologies de la civilisation (liées à la vie urbaine, à la vie quotidienne, etc.). À partir des années 1950, la géographie psychiatrique se complexifie : le traitement institutionnel est remis en cause et de nombreuses expérimentations (telle la psychothérapie institutionnelle) voient le jour. S’impose ainsi progressivement l’idée d’une « désinstitutionalisation » qui témoigne en réalité d’une transformation des espaces et des modalités de prises en charge des individus : l’hospitalisation devient un moment dans la vie des personnes et les lieux de la psychiatrie se diluent, conduisant les auteurs à parler davantage de « déshospitalisation » ou de « transinstitutionalisation ».
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