Le bilan de la pandémie de SARS-CoV-2 est lourd : des centaines de millions de personnes ont été contaminées dans le monde, faisant au moins cinq millions de morts, possiblement le double. Le variant omicron (B.1.1.529) se propage très rapidement dans les pays dont la politique sanitaire repose exclusivement sur la vaccination et sur des mesures d’atténuation visant à ne pas submerger les hôpitaux.
Cette vague épidémique n’est en rien une surprise pour le monde scientifique et nous avions explicitement averti de cette évolution probable. De fait, la circulation large du virus conduit à un réservoir viral produisant mutations et recombinaisons, ce qui favorise l’apparition de variants à la transmissibilité élevée et déjouant l’immunité acquise, y compris l’immunité vaccinale.
Il n’est pas certain qu’omicron soit le dernier variant avant une phase endémique saisonnière semblable à la grippe ou à d’autres coronavirus (OC43, HKU1, 229E, NL63) ; nous avons les preuves en revanche que SARS-CoV-2 est particulièrement transmissible et que son échappement immunitaire peut être rapide. Parier sur l’atténuation des pathologies infligées par les variants successifs, qui seraient de plus en plus «bénins», c’est s’abandonner à une temporalité difficilement prévisible.
Maintenir de faibles taux de contamination
Plusieurs pays ont mis en œuvre des politiques visant à maintenir de faibles taux de contamination en combinant vaccination, mesures de réduction des risques et investissement dans un arsenal sanitaire large et complémentaire. Ils ont connu moins de dommages sociaux et économiques, moins d’entraves à l’exercice des libertés publiques, moins de mortalité, moins de mise sous pression des personnels soignants. La vaccination générale est indispensable pour réduire les risques de maladie grave et de décès.
Mais l’incapacité à contrôler la circulation du virus par ce seul moyen entraîne une saturation des systèmes de santé publique, tandis que les hauts niveaux de circulation virale empêchent de tester, d’isoler, de retracer les contacts. Cet état de fait dégrade la qualité de soins pour l’ensemble des patients. Dans ces conditions, les slogans creux des uns et des autres sur la vaccination, qui opposent des conceptions simplistes et étroitement individualistes de la liberté et de la responsabilité, méconnaissent la réalité de la pandémie et détournent le débat politique et sanitaire des exigences du moment.
A l’approche de l’élection présidentielle et dans ce contexte de développement épidémique, il est indispensable de revenir collectivement à l’ensemble des faits scientifiques et des mesures politiques sur lesquels doit s’appuyer une stratégie efficace.
Après deux ans de pandémie, il convient d’adopter la stratégie qui a fait ses preuves là où elle a été suivie, en se révélant plus efficace, moins favorable à l’apparition de souches mutantes, moins défavorable à l’économie et plus respectueuse de l’exercice des libertés. Cette stratégie se décline en six volets.
1) Programmer des campagnes de vaccination universelle à l’échelle planétaire, non seulement par la suspension des brevets mais par un transfert des techniques d’encapsulation vers des centres de production régionaux destinés à un approvisionnement massif en vaccins de haute qualité.
2) Reconnaître enfin, sans équivoque, le consensus atteint en juin 2020 sur la transmission aéroportée de SARS-CoV-2 et en tirer toutes les conséquences pour construire des politiques de prévention de la transmission.
3) Promouvoir l’utilisation de masques respiratoires de type FFP2en intérieur ainsi que dans tout environnement à forte transmission. A contrario, il est inutile d’imposer le masque en milieu extérieur en dehors des foules denses.
4) Mettre en place rapidement des normes de ventilation et de purification de l’air (filtre HEPA, UV-C…) dans les lieux recevant du public, sur une base rationnelle. Cela demande d’investir massivement dans la rénovation des bâtiments. A long terme, il conviendra de changer les pratiques architecturales en vigueur dans la construction et la rénovation des bâtiments publics, pour y apporter isolation thermique et ventilation.
5) Mettre en place des processus efficaces de suivi et d’analyse des chaînes de contamination.
6) Lancer immédiatement un plan de recrutement et de formation d’arpenteurs sanitaires (50 000 emplois), qui accompagneront la mise en place de l’ensemble des mesures sanitaires (tests, aide à l’isolement, prévention). A moyen terme, il s’agira d’exercer une veille active au contact de la population et de participer à la diffusion d’une nouvelle culture scientifique et sanitaire, dans le cadre d’une politique de la santé et du soin fondée sur l’anticipation, à l’échelle des quartiers et des villages.
Ces mesures sont le premier pas indispensable vers la constitution d’un arsenal sanitaire large et pérenne, grâce auquel la France sera à même de faire face à d’éventuelles autres pandémies, sans payer le prix humain de SARS-CoV-2. La responsabilité du politique est de sortir des clivages simplistes et de l’attente de la disparition miraculeuse de la crise.
Notre société a besoin d’en finir avec la litanie des demi-mesures et des annonces paternalistes, égrenées sans aucune visibilité ni logique au fil des vagues épidémiques. Renouer avec la joie de vivre et redonner du sens à notre existence commune implique d’apporter une réponse rationnelle et solidaire aux crises qui nous frappent.
Après bientôt deux ans de pandémie et à l’approche d’échéances électorales importantes, il est difficile de croire qu’un programme politique qui ne s’élèverait pas à la hauteur de ces constats en incluant des propositions sanitaires et scientifiques solides puisse avoir quoi que ce soit à dire sur l’avenir de notre société.
Parmi les plus de 1 200 signataires : Samuel Alizon Chercheuse en biologie de l’évolution, CNRS, Thomas Becking Postdoctorant CNRS en biologie, écologie, évolution à l’université de Poitiers,Sylvie Citerne Technicienne de laboratoire de recherche, Inrae, Jacques Haiech Professeur honoraire de biotechnologie, université de Strasbourg, Pascal Maillard Universitaire en littérature française, université de Strasbourg, Perola MilmanChercheuse en physique, CNRS, Pierre-Yves Modicom Universitaire en linguistique, université Bordeaux-Montaigne, Laure Saint-Raymond Professeure de mathématiques, Institut des Hautes études scientifiques, Johanna Siméant-GermanosProfesseure, science politique, Ecole normale supérieure de Paris, Anne-Soisig Steunou Chercheuse en microbiologie, I2BC, CNRS…
La liste complète : https://rogueesr.fr/en_finir_et_prevenir/soutenue également par le Mouvement international d’universitaires et de chercheurs qui porte les mêmes revendications.