Dès les premiers instants de notre rencontre, Jeannine (1) tend délicatement une feuille de papier jaune sur laquelle il est inscrit en lettres capitales «Sidy + Cheikhou + Jeannine = 1 famille». Une façon pour cette retraitée de poser les bases d’emblée. «Voilà, c’est ma vie maintenant. Je me raccroche à ça», s’émeut l‘ancienne infirmière de 73 ans en s’asseyant autour de la table du salon de son charmant pavillon breton. Il y a trois ans, après avoir rencontré deux mineurs isolés, Sidy et Cheikhou, respectivement originaires du Mali et de Gambie, elle leur a fait une proposition invraisemblable.
«Je leur ai donné rendez-vous autour de cette table et je leur ai proposé de les adopter. Quand je leur ai dit qu’ils allaient être frères, j’ai vu des étoiles dans leurs yeux», se souvient-elle. Une décision mûrement réfléchie et formulée comme une réponse humaine à la brutalité de l’Etat français qui peut décider du jour au lendemain, à leur majorité, de les expulser. «Mon aîné, Sidy, a d’ailleurs eu une OQTF [Obligation de quitter le territoire, ndlr] à sa majorité», affirme Jeannine. A ses yeux, l’événement prouve qu‘elle a de bonnes raisons de se battre. Après trois ans de procédure, elle a obtenu gain de cause, devenant officiellement la mère des deux exilés en juin.