par Léa Galanopoulo 22.06.2020
De la faim à la satiété, du plaisir à l’addiction en passant par l’écœurement : par quels mécanismes notre cerveau décide-t-il qu’il est temps de passer à table ou de la quitter ?Manger n’est pas qu’affaire de digestion, d’intestin, d’estomac… C’est aussi, souvent, une question de faim, d’écœurement ou de gourmandise. À la différence d’autres fonctions essentielles comme la respiration – qui se déroule en continu et principalement indépendamment de notre volonté –, s’alimenter est une activité régulière mais ponctuelle, que nous avons l’impression de contrôler consciemment et qui est susceptible de nous procurer du plaisir. Bref, décider qu’il est temps de se mettre à table ou de la quitter, avoir envie de tel ou tel plat, est l’affaire du cerveau. Celui-ci joue un rôle majeur dans la gestion de l’appétit en combinant les informations venues de nos sens, de notre mémoire, du système digestif et de tout l’organisme sur ce qui nous manque, ce qui nous fait envie et sur le contenu nutritif de ce qu’on a ingéré.
Notre comportement alimentaire repose ainsi sur l’articulation de plusieurs circuits cérébraux indépendants dont certains agissent plutôt sur l’envie, d’autres sur le besoin de manger. Comprendre leur fonctionnement et leurs dysfonctionnements s’avère dès lors essentiel pour comprendre et traiter certains troubles du comportement alimentaire, et combattre plus efficacement l’épidémie actuelle d’obésité.
Une vague d’information qui navigue de l’intestin vers le cerveau
Normalement, nous n’avons pas toujours faim : on appelle ça la satiété. Cet état peut durer des heures et résulte d’un flux d’informations transmis du système digestif jusqu’au cerveau. « La satiété ne doit pas être confondue avec le rassasiement » explique Gilles Mithieux, directeur de recherche à l'Inserm et directeur du laboratoire Nutrition, diabète et cerveau à l’université Claude Bernard. Il détaille : « le rassasiement est l’arrêt de la faim, provoqué par les signaux émis du système digestif au cerveau. Ces signaux vont indiquer que l’estomac est plein. La satiété, pour sa part, est la sensation de ‟non-faim” qui suit un repas et va perdurer jusqu'au repas suivant. Elle peut être plus ou moins longue en fonction du contenu de notre repas précédent ».
Mais quels sont au juste ces signaux ? En fonction de la présence ou non d’aliments dans l’estomac, le cerveau va libérer des facteurs appelés orexigènes s’ils stimulent l’appétit, ou anorexigènes s’ils inhibent la faim. Système nerveux digestif et cerveau dialoguent ainsi via de nombreux médiateurs chimiques, comme la cholécystokinine. « Ce peptide, qui sert notamment à faire libérer la bile, a aussi pour effet de diminuer la faim en communiquant avec le cerveau », précise Gilles Mithieux. Toutefois, les effets coupe-faim de la cholécystokinine varient en fonction des individus et de leur âge. Chez le rat par exemple, alors que ce médiateur induit une réduction drastique de la faim chez le jeune mâle, il aura un effet anorexigène plus ténu chez les animaux âgés ou obèses.