Cher Monsieur Gould,
Vous répondiez à Laurence ce qui suit:
«Quand bien même cela serait vrai, est-ce vraiment intéressant de le savoir? Pour vous, qu'est ce que cela peut apporter de plus sur moi, en terme de vérité?»
Eh bien, moi aussi je suis autiste. Le pédopsychiatre qui m'a évaluée ne peut dire avec certitude si je suis autiste ou si j'ai le syndrome d'Asperger, je suis «à cheval» sur la ligne qui sépare ces «maladies».
Vous savez pourquoi c'est important pour nous de savoir si vous êtes Asperger ou autiste?
Ça nous donne un modèle! On se dit que si vous avez réussi, on peut réussir aussi.
Je réussirai ma vie sans savoir si vous êtes Asperger ou non! C'est vrai! Mais j'aimerais pouvoir trouver des modèles.
Les gens qui sont sourds sont probablement fiers de savoir que Beethoven, malgré son handicap, a réussi à faire de bien belles choses.
Ma maman m'avait parlé de vous... Je vous aimais mais après avoir lu votre réponse à Laurence, j'ai été un peu blessée.
Je sais qu'aucun médecin ne vous a diagnostiqué cette maladie mais vous devez avouer que vous en avez plusieurs traits.
Audrey xxx
10 ans
et autiste et fière de l'être
et si un jour je peux servir de modèle à quelqu'un j'en serai très fière, croyez-moi. Je suis différente!
Ma chère Audrey,
Que pourrais-je bien faire pour me faire pardonner de t'avoir blessée? Je t'assure que cela n'était pas mon intention, et il m'était difficile d'envisager le point de vue qui est le tien, même si celui-ci est parfaitement compréhensible, tout autant que valable. En effet, dans ton cas, il peut être intéressant, et même très important de savoir si je suis atteint de ce syndrome dont tu pourrais souffrir. Alors, simplement, voici ce que je puis dire (et je ne peux pas aller plus loin hélas): aucun psychologue ne m'a jamais diagnostiqué un tel syndrome (j'ai toujours fui les psychologues d'ailleurs), et donc je ne peux pas l'affirmer, quelle que soit ma bonne volonté... Cependant, si un tel médecin, à ton époque, est certain de lui en affirmant que j'en suis atteint, alors pourquoi pas, s'il peut le prouver. Mais je maintiens: les diagnostics psychologiques après 20 ou 30 ans, sans contact direct avec le patient, me paraissent très ambigus. Et ceci car ils s'appuient essentiellement sur des témoignages de tiers, qui révèlent donc autant de choses sur ceux qui les forment que sur la personne qu'on étudie au départ... Mais encore une fois, pourquoi pas, surtout si cela peut constituer une aide pour toi et pour tous ceux, qui à ton âge, se savent touchés par ce syndrome. C'est tout ce que je puis dire à ce sujet de là où je suis.
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Glenn Gould