Le bip de Christophe, l'infirmier, sonne : il doit intervenir de toute urgence dans une unité voisine. Que va-t-il y trouver ? Comment être utile dans ces moments-là ? Arrivé sur les lieux, peinant à comprendre ce qui se passe et devant le climat d'effervescence, il se prend à rêver de fourmis travailleuses…
Lentement, comme dans un film au ralenti, je le vois tomber… Incapable et immobile, je regarde le petit comprimé rebondir, puis rouler jusque sous la grande armoire, dans un endroit inaccessible. J’aurais pu réagir, me précipiter et tendre le bras d’un geste vif avant que l'objet ne disparaisse sous mes yeux mais mon esprit médusé en a décidé autrement, préférant le repos. Et bien-sûr ce petit comprimé est le dernier dans la pharmacie… Me voici avec le choix de passer de longues minutes à déranger les unités voisines qui pourraient peut-être me dépanner ou faire fi de toutes les règles d’hygiène en allant rapidement et discrètement le chercher dans la poussière. Choix cornélien.
Mais si mon cerveau a cruellement manqué de réactivité quelques instants plus tôt, il ne réfléchit pas longtemps devant ce dilemme et m’envoie honteusement fouiller sous l’armoire.
À quatre pattes, dans un équilibre improbable, je tente de m’étirer au maximum pour rattraper l’objet perdu qui s’est perdu tout au fond, loin, dans un espace qui ne doit pas mesurer plus de quinze centimètres de hauteur. Mais alors que je touche au but (et au comprimé), le dispositif de sécurité retentit soudain dans ma poche. De son bip-bip terrifiant, il sonne l’alarme, crie l’urgence, dans un autre service de l’hôpital.
C’est le chaos !
J’abandonne ma quête et court vers l’inconnu pour aider mes collègues en difficulté. Sur le chemin, entre deux grandes foulées, je m’interroge. Qu’est-ce que je vais trouver sur place? Quelle agitation m’attend ? Quelle catastrophe ?
Ces sirènes m’angoissent. Depuis toujours. Car nous intervenons alors dans des situations de crise dont nous ne connaissons rien. Les patients des autres pavillons nous sont étrangers, tout comme leurs problématiques. Je dois bien avouer que secrètement j'espére toujours arriver en retard, une fois la crise passée. Mais pour l’heure, je cours, le plus vite possible. Sans me soucier de mon crâne douloureux qui a violemment heurté la porte de la grosse armoire au déclenchement de l’alarme…
Puis, le chaos.
Une fenêtre du réfectoire est cassée, des tables sont renversées, des chaises pliées. Des patients et des soignants courent en tous sens. Des cris. De l’eau par terre, et du café peut-être, ou du sang, je ne sais pas. J’entrevois des regards désemparés. Plus loin, un échange animé, une bagarre ?