Une équipe de chercheurs a mis au point un système dans lequel des programmes ont appris à jouer à Tetris, nous explique le site KurzweilAI, la newsletter de “Mr Singularité” alias Ray Kurzweil (Wikipédia).
L’expérience rapportée par Plos consistait donc à mettre en scène des “agents intelligents” capables de capturer les blocs au fur et à mesure qu’ils tombaient sur l’écran et les placer le plus efficacement possible. Ces petites IA, ces “animats” comme on les appelle, ne disposaient en tout et pour tout que d’un réseau de 8 neurones pour effectuer leurs calculs : deux moteurs, deux capteurs, et quatre éléments internes effectuant la coordination et prenant les décisions. On le voit, des systèmes très simples, donc…
On a lancé la simulation, et, suivant la méthode propre aux algorithmes génétiques, on a sélectionné les animats qui se débrouillaient le mieux pour engendrer les générations suivantes. Au bout de 60 000 de ces itérations, les animats avaient développé des systèmes d’interconnexions très élaborés entre leurs 8 neurones. Ce qui laisse à penser que la complexité d’un environnement tend à favoriser l’évolution mentale, sans pour autant nécessiter un changement dans la quantité de neurones d’un cerveau.
La principale auteur de l’article est Larissa Albantakis, chercheuse à l’université de Wisconsin-Madison, mais on remarquera d’autres signatures intéressantes ; celle de Chris Adami, par exemple, créateur d’un système de vie artificielle bien connu, Avida. Mais surtout celles de Giulio Tononi et de Christof Koch directeur scientifique à l’institut Allen pour les sciences du cerveau, (créé par Paul Allen, de Microsoft).
Le but de l’expérience était en fait de tester une nouvelle théorie de la conscience, celle dite de l’intégration de l’information (Integrated Information Theory, ou IIT), élaborée par Tononi et largement soutenue par Koch, que ce soit dans son livre Consciousness, Confessions of a Romantic Reductionist ou dans divers articles et interviews, dans la Technology Review, Scientific American ou Nautilus.
Le retour du “panpsychisme” ?
Qu’est-ce que la théorie de l’information intégrée ? Celle-ci part du principe que la conscience est déterminée par le degré d’intégration des éléments d’un système. Le nombre de ces éléments importe finalement assez peu, et agira essentiellement sur la richesse de états mentaux (mais pas sur la présence de la conscience elle-même). On peut donc soupçonner la conscience non seulement chez les humains, mais aussi chez les grands mammifères, et même chez de petites créatures comme les abeilles. L’IIT redonne un peu de lustre à la vieille notion de panpsychisme, très présente dans les philosophies orientales mais également défendue par Leibniz et Spinoza, et qui affirme que la conscience est universellement présente, chez les humains, les animaux, et même dans des rochers. Mais il existe cependant une nette différence entre l’hypothèse de Tononi et le panpsychisme classique. Pour ses adeptes, hors de question de dire que la conscience est partout, y compris dans un caillou. Au contraire, elle est limitée à certains types d’organisation, les plus “intégrées”, c’est-à-dire celles où les éléments sont le plus connectés entre eux. Cela expliquerait par exemple que la conscience soit générée par le cortex préfrontal et non par le cervelet, qui contient pourtant beaucoup plus de neurones. En effet les neurones du cervelet sont surtout connectés de manière locale à leurs voisins les plus proches, au contraire de leurs équivalents dans le cortex frontal, où un certain nombre de connexions “lointaines” assurent l’inter-connectivité de l’ensemble. De fait, les systèmes conscients appartiennent à la catégorie des “réseaux en petits mondes“ : autrement dit chaque élément peut être relié à n’importe quel autre en un nombre très limité d’étapes (c’est la fameuse théorie des “six degrés de séparation“)