Dans le monde du travail, on côtoie sans le savoir des personnes atteintes de schizophrénie. Elles cachent leur maladie par peur d'être mises à l'écart. Le témoignage de Maud, ingénieure dans un grand groupe, brise un tabou.
Quinze ans qu'elle garde le silence, au bureau, sur ses maux. Qu'elle met ses absences - rares - sur le compte d'une grosse fatigue. Qu'elle garde ses distances avec ses collègues, pour éviter les déballages trop intimes. "J'ai des ennuis, mais rien de grave, c'est passager", leur glisse-t-elle quand elle sent sa raison vaciller. Mais ce n'est pas passager, non. Maud* F. est schizophrène, une maladie mentale qui ne se guérit pas. Ingénieure dans une grande entreprise du Cac 40, en charge d'un projet sensible dont le budget avoisine le million d'euros, très bien notée par sa hiérarchie, elle travaille depuis toujours sous camisole chimique. Un comprimé d'Abilify 15 mg chaque matin. Deux, le maximum autorisé, dans les périodes critiques. Seuls ses proches savent.