Société
28/10/2010
La prison sommée de se refaire une santé
Soins . «Libération» s’est procuré le texte du plan gouvernemental sur la médecine en détention.
Par SONYA FAURE
S’assurer que les préservatifs soient accessibles aux détenus, permettre le dépistage des cancers du sein ou du col de l’utérus pour les femmes incarcérées, rendre automatique un examen bucco-dentaire dès l’arrivée en prison… et faire en sorte qu’un principe plusieurs fois répété soit enfin effectif : les détenus doivent bénéficier de la même qualité de soin que ceux du dehors. Libération s’est procuré le «plan d’actions stratégiques pour la prise en charge sanitaire des personnes détenues 2010-2014» que doivent présenter cet après-midi les ministres de la Santé et de la Justice.
D’abord, un constat sans appel : on est davantage malade en prison. Les prévalences des infections par le VIH et l’hépatite C sont plus élevées chez les personnes détenues (1,04% pour le VIH et 4,2% pour l’hépatite) que dans la population générale (0,23% et 0,84 %). «L’incidence de la tuberculose y est 8 à 10 fois supérieure», lit-on aussi dans le préambule. Et les auteurs reconnaissent : «Le choc carcéral et l’épreuve de l’enfermement sont susceptibles d’avoir un impact sur la santé.»
Suicides. Tranchant avec l’ergotage de l’administration pénitentiaire, le texte assène : «Les personnes détenues se suicident 6 fois plus que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans. Les données récentes montrent une augmentation des actes auto-agressifs dans les établissements pénitentiaires : 2 599 tentatives de suicides et 2 426 automutilations ont été comptabilisées en 2009 (contre 1 699 et 2 187 en 2008).» Le texte prévoit des études épidémiologiques, l’amélioration des données sur le phénomène suicidaire et, en 2012, un plan pluriannuel de mise en conformité des prisons avec la réglementation en matière d’hygiène, de sécurité et de salubrité.
«Le ministère de la Santé va enfin mettre son nez dans les conditions de vie des détenus. Il aurait pu aller encore plus loin et ne pas "cogérer" avec l’administration pénitentiaire les questions de santé en prison, notamment la prévention du suicide : il ne réaffirme pas l’importance du secret médical en prison», commente François Bès, de l’Observatoire international des prisons. «Depuis une réforme de 1994, l’hôpital est arrivé dans la prison. Mais des blocages sont vite apparus, rendant l’accès aux soins souvent théorique, explique-t-il. L’hygiène des locaux, le manque de soins dentaires, la problématique de la mise aux normes des lieux de soins somatiques… tout est enfin mis noir sur blanc avec ce plan, qui donne un programme précis pour y remédier d’ici 2014. L’éventail des thèmes abordés est large : de l’intimité de la vie sexuelle à l’immatriculation à la sécurité sociale.» Bémol, toutefois : «Le plan laisse aux UHSA [unités hospitalières spécialement aménagées, ndlr], ces nouveaux hôpitaux-prisons, le soin de s’occuper des malades psychiatriques. On ne sort pas du principe d’enfermement.»
Seringues. Ce plan reprend une expertise de l’Inserm qui recommandait de «pallier les carences constatées en France : distribution d’eau de Javel [pour désinfecter les seringues], accès aux préservatifs, aux matériels stériles liés à la toxicomanie». Sans donner de méthode et de calendrier précis. «Alors que le plan est très précis sur les mesures pour éviter la contamination lors des tatouages, il ne dit rien sur les échanges de seringues : ça dérange. C’est pourtant ce qui a réussi à diminuer les contaminations, dehors, dans les années 90 ! s’agace Laura Petersell, d’Act Up. Pour le reste, ce plan est une mascarade, il ne fait que dire : "Il faut appliquer le droit en prison."On oublie juste de rappeler que la prison n’est pas un lieu de soin et qu’il faut appliquer les suspensions de peines prévues pour les malades.»
28/10/2010
La prison sommée de se refaire une santé
Soins . «Libération» s’est procuré le texte du plan gouvernemental sur la médecine en détention.
Par SONYA FAURE
S’assurer que les préservatifs soient accessibles aux détenus, permettre le dépistage des cancers du sein ou du col de l’utérus pour les femmes incarcérées, rendre automatique un examen bucco-dentaire dès l’arrivée en prison… et faire en sorte qu’un principe plusieurs fois répété soit enfin effectif : les détenus doivent bénéficier de la même qualité de soin que ceux du dehors. Libération s’est procuré le «plan d’actions stratégiques pour la prise en charge sanitaire des personnes détenues 2010-2014» que doivent présenter cet après-midi les ministres de la Santé et de la Justice.
D’abord, un constat sans appel : on est davantage malade en prison. Les prévalences des infections par le VIH et l’hépatite C sont plus élevées chez les personnes détenues (1,04% pour le VIH et 4,2% pour l’hépatite) que dans la population générale (0,23% et 0,84 %). «L’incidence de la tuberculose y est 8 à 10 fois supérieure», lit-on aussi dans le préambule. Et les auteurs reconnaissent : «Le choc carcéral et l’épreuve de l’enfermement sont susceptibles d’avoir un impact sur la santé.»
Suicides. Tranchant avec l’ergotage de l’administration pénitentiaire, le texte assène : «Les personnes détenues se suicident 6 fois plus que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans. Les données récentes montrent une augmentation des actes auto-agressifs dans les établissements pénitentiaires : 2 599 tentatives de suicides et 2 426 automutilations ont été comptabilisées en 2009 (contre 1 699 et 2 187 en 2008).» Le texte prévoit des études épidémiologiques, l’amélioration des données sur le phénomène suicidaire et, en 2012, un plan pluriannuel de mise en conformité des prisons avec la réglementation en matière d’hygiène, de sécurité et de salubrité.
«Le ministère de la Santé va enfin mettre son nez dans les conditions de vie des détenus. Il aurait pu aller encore plus loin et ne pas "cogérer" avec l’administration pénitentiaire les questions de santé en prison, notamment la prévention du suicide : il ne réaffirme pas l’importance du secret médical en prison», commente François Bès, de l’Observatoire international des prisons. «Depuis une réforme de 1994, l’hôpital est arrivé dans la prison. Mais des blocages sont vite apparus, rendant l’accès aux soins souvent théorique, explique-t-il. L’hygiène des locaux, le manque de soins dentaires, la problématique de la mise aux normes des lieux de soins somatiques… tout est enfin mis noir sur blanc avec ce plan, qui donne un programme précis pour y remédier d’ici 2014. L’éventail des thèmes abordés est large : de l’intimité de la vie sexuelle à l’immatriculation à la sécurité sociale.» Bémol, toutefois : «Le plan laisse aux UHSA [unités hospitalières spécialement aménagées, ndlr], ces nouveaux hôpitaux-prisons, le soin de s’occuper des malades psychiatriques. On ne sort pas du principe d’enfermement.»
Seringues. Ce plan reprend une expertise de l’Inserm qui recommandait de «pallier les carences constatées en France : distribution d’eau de Javel [pour désinfecter les seringues], accès aux préservatifs, aux matériels stériles liés à la toxicomanie». Sans donner de méthode et de calendrier précis. «Alors que le plan est très précis sur les mesures pour éviter la contamination lors des tatouages, il ne dit rien sur les échanges de seringues : ça dérange. C’est pourtant ce qui a réussi à diminuer les contaminations, dehors, dans les années 90 ! s’agace Laura Petersell, d’Act Up. Pour le reste, ce plan est une mascarade, il ne fait que dire : "Il faut appliquer le droit en prison."On oublie juste de rappeler que la prison n’est pas un lieu de soin et qu’il faut appliquer les suspensions de peines prévues pour les malades.»