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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 20 février 2010



Psychiatrie: une réforme pour améliorer l'accès aux soins
Par Marc Mennessier
18/02/2010 |

Le texte de la réforme bientôt présenté au Conseil des ministres devrait créer l'obligation de soins sans consentement hors de l'hôpital. Le projet de loi sur la réforme de la psychiatrie devrait être présenté dans les semaines qui viennent au Conseil des ministres. Ce texte vise à améliorer l'accès aux soins des personnes souffrant de maladie psychique. Il devrait également limiter le risque que certains drames, comme celui de la mort de notre collaborateur Valéry Kerbouz, se reproduisent. Le 29 janvier dernier, ce jeune homme de 24 ans, qui travaillait comme vigile dans l'immeuble du Figaro, avait été entraîné sous une rame de RER par un SDF souffrant de graves troubles psychiques. Voulu par Nicolas Sarkozy, après une tragédie semblable fin 2008 à Grenoble, lorsqu'un étudiant avait été poignardé en pleine rue par un schizophrène, ce texte, dont Le Figaro dévoile ici les grandes lignes, prévoit de modifier la loi de 1990 sur l'hospitalisation sans consentement (d'office où à la demande d'un tiers) et d'encadrer le suivi thérapeutique des malades hors les murs.

«À l'avenir, on ne parlera plus d'hospitalisation sans consentement mais de soins psychiatriques sans consentement», explique-t-on dans l'entourage de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, chargée d'élaborer ce texte en concertation avec les associations de soignants, de patients et de leurs proches. Alors que l'immense majorité des malades psychiques ne sont plus internés dans des «asiles», l'idée centrale consiste à ne plus se polariser, sur la phase d'hospitalisation, devenue marginale, mais d'envisager la prise en charge dans la durée, en instituant une procédure de «soins ambulatoires sans consentement».

Concrètement, le placement d'une personne dans un service d'accueil psychiatrique d'urgence ne pourra excéder 72 heures. Au terme de cette «période d'examen», l'équipe soignante dressera un bilan sanitaire à partir duquel il sera décidé d'orienter le patient dans une unité de soins ou de le «libérer», si son état le justifie. En l'absence de consentement du malade (refus ou absence de lucidité), une obligation de soins sera notifiée à la demande du préfet ou d'un tiers (parent, conjoint, relation…) comme c'est le cas actuellement. Le texte prévoit, et c'est là la grande nouveauté, que ces soins pourront être pratiqués en hospitalisation ou en ambulatoire. Dans la seconde éventualité, le patient sera tenu de suivre son traitement et d'en rendre compte à son équipe soignante, dans le cadre, par exemple, d'une consultation en hôpital de jour. «En cas de non-respect de la prescription, ce sera le retour à la “case hôpital”», explique-t-on au ministère de la Santé.

Avis d'un collège de soignants

La même procédure sera appliquée lors des sorties temporaires ou définitives décidées après une hospitalisation. Ces sorties devront être motivées par le psychiatre qui suit le patient lorsque ce dernier est placé d'office. Dans les cas difficiles, le préfet pourra s'appuyer, avant de prendre sa décision, sur l'avis d'un collège de soignants. En cas de recours ou de litige, le juge des libertés pourrait être saisi. Au chapitre des moyens, le gouvernement va consacrer 40 millions d'euros à la construction de quatre nouvelles unités pour malades dangereux (UMD) dont l'ouverture est prévue début 2011 et qui vont s'ajouter aux quatre unités existantes. Par ailleurs, 380 chambres d'isolement supplémentaires viennent d'être créées pour un coût de 40 millions d'euros.

Le président de l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam), Jean Canneva, se réjouit que «certaines propositions formulées par 16 organisations d'usagers et de professionnels, dont la nôtre, aient été prises en compte. Il ne faut pas oublier que les personnes atteintes de troubles psychiques sont d'abord des malades et que leurs proches qui vivent 365 jours et 365 nuits avec eux ont un rôle à jouer qui n'est pas suffisamment pris en compte par les psychiatres et les organismes sociaux.»

Leur concours pourrait en effet s'avérer précieux pour s'assurer de la bonne exécution du traitement, en particulier dans le cas d'une procédure de soins ambulatoires sous contraintes. «Nous sommes face à un problème d'applicabilité de la loi auquel nous sommes déjà confrontés avec les toxicomanes, explique le professeur Frédéric Rouillon, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris. Comment forcer un malade qui refuse de se soigner à venir en consultation ? Nos équipes, de plus en plus réduites, n'ont pas le temps ni les moyens de le faire et la police nous répond bien souvent que ce n'est pas son job !»

Autre problème de taille : plus de 1.000 postes de psychiatres hospitaliers sont non pourvus, faute de candidat. Dans certains secteurs, comme le massif central ou l'est de la France, il faut faire plus de 100 kilomètres pour se rendre à une consultation. Difficile dans ces conditions d'imposer des soins à des malades qui sont pour beaucoup en état de grande précarité.

















La bible des psychiatres : révision houleuse

(Agence Science-Presse) - Le DSM, la « bible » de la psychiatrie, fait peau neuve et sa révision provoque des pleurs et des grincements de dents dans le milieu. Vous l’ignoriez ? Pas étonnant. Jusqu’à la mise en ligne d’un article et d’un éditorial sur le sujet dans le New Scientist en décembre dernier, le débat se limitait aux publications spécialisées. Depuis cette parution, la sortie de la nouvelle édition du DSM a été reportée à mai 2013.

DSM désigne le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié par l’Association de psychiatrie américaine (APA). C’est la liste des critères et symptômes sur lesquels se fondent les professionnels en santé mentale pour poser un diagnostic. Il est reconnu comme un standard par la plupart des associations en psychiatrie et psychologie du monde. Un crêpage de chignon scientifique autour de l’ouvrage de référence mondial en psychiatrie a donc de quoi titiller la fibre critique de l’éditorialiste du New Scientist.

La 4e édition du manuel, le DSM-IV, date de 1994. Le consensus règne quant à son besoin de mise à jour. Ce qui cloche, c’est l’orientation que donne l’APA à la cinquième édition selon deux psychiatres retraités et responsables de la version précédente, Robert Spitzer et Allen Frances. Ils mettent en doute le caractère scientifique de la nouvelle classification des critères diagnostiques. Selon leurs propos rapportés dans le New Scientist, ils évoquent une possible « médicalisation de la normalité » qui pourrait avoir des « conséquences désastreuses » comme la stigmatisation et l’internement à outrance. Le débat s’est envenimé par des allégations de conflit d’intérêts de part et d’autre, ce qui lui a valu d’être qualifié de « guerre civile de la psychiatrie » par le magazine britannique.

Selon le journaliste Peter Aldhous, le DSM a fait son temps dans sa gigantesque version papier de plus de 1000 pages. À l’ère d’Internet, il n’est plus pertinent de travailler à une édition qui demeurera figée pendant les 15 prochaines années. À son avis, toute cette agitation aurait pu être évitée par la révision continue en ligne. Ce procédé permettrait de réunir des spécialistes d’un domaine au besoin seulement. Les modifications suggérées seraient ensuite soumises à la critique et aux commentaires, sur un site réservé à cet effet. Une fois le consensus obtenu, les nouveaux critères diagnostiques seraient intégrés à la version en ligne du DSM.

Cette migration vers l’Internet s’enclenche déjà avec la nouvelle édition, selon l’Association des psychiatres. Un site web présente d’ailleurs les révisions proposées pour le DSM-V. Peter Aldhous déplore que l’association n’ait pas plutôt soumis la version actuelle du DSM à la révision web. À son avis, plus de 40 millions $ de ventes en neuf ans avec le DSM-IV, ses appendices, guides et autres, ne sont pas étrangers à cette décision. Consciente de l’inévitable virage Internet, l’APA pourrait avoir été tentée de presser le citron jusqu’à la dernière goutte.

Marise Murphy





Guide de PSYCHIATRIE MONDIALE : Les principales nouveautés 2010

DSM5









Depuis plusieurs années maintenant, la psychiatrie américaine, via l’édition régulière de son DSM - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Manuel de diagnostic et de statistique des troubles mentaux) – publié par l’Association américaine de psychiatrie (APA), fournit à la psychiatrie mondiale un manuel de référence. L’APA vient d’indiquer les principaux changements que l’on devrait trouver dans le DSM 5… dont on ne connaît pas encore la date de sortie, car les nouveaux critères retenus dans cette cinquième édition sont encore en discussion.




Les 13 groupes de travail de l’APA, représentant les différents diagnostics psychiatriques, restent ouverts aux suggestions que ne vont pas manquer de susciter le communiqué dans lequel sont exposées les modifications proposées. Les principales sont les suivantes.

-Nouvelle catégorie de troubles de l’apprentissage et une seule catégorie diagnostique : troubles du champ de l’autisme (autism spectrum disorders), incorporant les diagnostics actuels des troubles autistiques, la maladie d’Asperger et le trouble désintégrant (disintegrative) et le trouble profond (pervasive) de l’enfance.

-Recommandation : le terme diagnostique de retard mental (mental retardation) doit être changé pour «handicap intellectuel » (intellectual disability).

-Supprimer abus et dépendance à des substances, les remplacer par une nouvelle catégorie : addiction et troubles associés (addiction and related disorders), comprenant les troubles par usage de substances, avec identification de chaque drogue. Eliminer le terme de dépendance permettra de mieux différencier entre le comportement compulsif de recherche de drogue de l’addiction et la réponse normale en terme de syndrome de manque que connaissent certains patients qui utilisent des médicaments prescrits affectant le système nerveux central.

-Création d’une nouvelle catégorie d’addictions comportementales, dans laquelle on trouve seulement l’addiction au jeu (gambling). L’addiction à Internet a été envisagée ici, mais les membres du groupe de travail ont finalement conclu qu’ils n’avaient pas assez de données. Cette addiction sera donc mentionnée en annexe du volume, mais avec l’incitation à davantage de recherches.

-Nouvelles échelles comportementales sur les suicides d’adolescents et d’adultes pour aider les cliniciens à identifier les sujets les plus à risque, dans le but d’améliorer les interventions face à un large spectre de troubles mentaux. Ces échelles incluent la recherche de critères tels le comportement impulsif ou la forte alcoolisation (heavy drinking) des adolescents (teens : 13 à 19 ans).

-Prise en considération d’une nouvelle catégorie de syndromes de risque apportant des informations pour aider les cliniciens à identifier à un stade plus précoce certains troubles mentaux sévères, tels un trouble neurocognitif (démence) ou une psychose.

-Nouvelle catégorie diagnostique proposée : dysrégulation de l’humeur avec dysphorie (temper dysregulation with dysphoria/TDD) dans la section Troubles de l’humeur du manuel. Les nouveaux critères sont basés sur une décennie de recherche sur les fluctuations sévères de l’humeur et peuvent aider les cliniciens à mieux différencier les enfants symptomatiques de ceux ayant notamment un trouble bipolaire.

-Reconnaissance de la boulimie (binge eating disorder) et amélioration des critères pour l’anorexie mentale (anorexia nervosa) et la boulimie mentale (bulimia nervosa), et changement recommandé dans la définition de certains troubles du comportement alimentaires, actuellement décrits dès la petite et moyenne enfance (infancy and childhood), pour rappeler qu’ils peuvent aussi se développer chez des sujets plus âgés.

Source : Communiqué de presse de l’APA. Traduction, adaptation, mise en ligne Alexis Yapnine, Santé




Tribune & idées
Freud. Les transformations de l’Interprétation du rêve

Modifié huit fois en trente ans, cet ouvrage canonique de Freud fut le fruit d’un travail collectif qui porte la trace des conflits virulents des débuts du mouvement psychanalytique.
RÊVER AVEC FREUD. L’HISTOIRE COLLECTIVE DE L’INTERPRÉTATION DU RÊVE, de Lydia Marinelli et Andréas Mayer, traduit de l’allemand par Dominique Tassel. Éditions Flammarion-Aubier, 2009, 332 pages, 22 euros.
En 1899, paraît, dans une édition datée de 1900, l’Interprétation du rêve. Accueilli dans l’indifférence générale des milieux scientifiques, le livre sera ensuite traduit dans le monde entier, réédité et modifié huit fois entre 1899 et 1929. Pour les psychanalystes, il devient vite une sorte de manuel introductif à la technique psychanalytique de l’interprétation. À chaque parution, Freud écrit une nouvelle préface. Si leur lecture attentive signale certaines modifications ou ajouts, l’ensemble donne l’impression d’une élaboration progressive et continue. L’édition française de Meyerson, longtemps seule traduction française de cette œuvre jusqu’à ces dernières années, ne mentionne pas les modifications de chaque réédition et donne le sentiment que le corps du texte n’a pas vraiment changé depuis 1899. Dans son ouvrage monumental, la Vie et l’Œuvre de Freud, Ernest Jones présente un Freud isolé dans sa découverte et ses élaborations, dont l’autoanalyse va produire l’Interprétation du rêve. Lydia Marinelli et Andréas Mayer font voler en éclats ces idées reçues en travaillant à partir des modifications survenues dans la succession des éditions. En apportant nombre de correspondances entre Freud et ses disciples, ils dévoilent l’interactivité et le caractère collectif de l’écriture de l’ouvrage. Entre 1914 et 1929, le livre est même rédigé avec Otto Rank. Deux de ses textes y figureront de la quatrième à la septième édition avant d’être retirés par Freud dans l’édition finale. Tout comme d’autres documents, ils sont reproduits en annexe ainsi qu’une petite pépite : une parodie de l’Interprétation du rêve écrite par Alexander, frère cadet de Freud, et signée Prof. A. Freud  ! C’est également d’une façon très vivante que Lydia Marinelli et Andréas Mayer démontrent le tissage extrêmement dense existant entre les changements du texte et l’histoire du mouvement analytique avec ses conflits théoriques, thérapeutiques et personnels. En même temps qu’il ajoute nombre d’apports de ses collaborateurs, face aux déviations qui menacent la psychanalyse, à chaque édition Freud précise, démontre ou clarifie. Par exemple, il n’a jamais cédé sur la séparation entre contenu manifeste et contenu latent du rêve, toujours réaffirmé le fait que le rêve est réalisation d’un désir ou encore qu’il n’annonce pas l’avenir mais renvoie au passé. On l’aura compris, Rêver avec Freud n’est pas un livre révisionniste voulant travestir l’œuvre de Freud ou son rôle, mais un livre passionnant qui nous plonge dans le bouillonnement de l’époque héroïque des débuts de la psychanalyse, en nous invitant à découvrir un Freud bien moins solitaire que nous ne l’imaginions.
Jean-Pierre Trocmé, psychanalyste






Entretien
Florence Aubenas : "Voir les choses à hauteur d'être humain"LE MONDE DES LIVRES | 18.02.10

Jamais, sans doute, elle n'était partie aussi loin. Dans son métier, pourtant, Florence Aubenas a l'habitude de prendre le large : être reporter, c'est cela, s'en aller. En vingt ans et pour différents journaux (Le Matin de Paris, Le Nouvel Économiste, puis Libération et maintenant Le Nouvel Observateur), elle s'est rendue dans des banlieues difficiles aussi bien que dans des pays en guerre, dans des commissariats comme dans des tribunaux ou des usines en grève, et s'il avait fallu aller sur la Lune, sûr qu'elle aurait décollé avec entrain. Curieuse, forte, impatiente - jusqu'à payer le prix fort : un jour de 2005, à Bagdad, des hommes l'ont kidnappée, puis tenue prisonnière, en compagnie de son accompagnateur irakien. De cette captivité longue (157 jours), difficile, elle s'était sortie avec une grande dignité et une certaine notoriété.









Critique "Le Quai de Ouistreham", de Florence Aubenas

Forum Littérature

Cette fois, pourtant, la journaliste n'a pas pris l'avion. Elle n'avait pas de passeport, ou pas besoin d'en avoir. Et pas sa carte de presse en travers du ventre, comme sésame ou comme bouclier. Là où elle allait, ce n'était pas la peine : Caen, deux heures de Paris, autant dire la porte à côté. C'est dans cette ville pourtant, si près de tout, qu'elle a été le plus loin, en termes humains et professionnels. Pendant près de six mois, Florence Aubenas est devenue "Madame Aubenas", 48 ans, sans qualification particulière - une chômeuse parmi d'autres, des dizaines d'autres qui ne l'ont pas reconnue, à de très rares exceptions près. Jour après jour, elle s'est immergée dans la foule informe des demandeurs d'emploi, de ceux qui errent d'un CDD sous-qualifié à un boulot sous-payé - de toute cette cohorte pour laquelle il est évident qu'on ne trouve plus de travail, seulement des "heures" par-ci par-là, et encore, avec de la chance.

Quand l'idée lui est venue de tenter l'expérience, Florence Aubenas avait lu plusieurs livres autour du procédé d'immersion, à commencer par Tête de Turc (La Découverte, 1986), de Günter Wallraff, le plus célèbre de tous. A l'époque, elle s'interrogeait sur l'efficacité de la pratique journalistique. Un article peut-il permettre de faire changer les choses ? "On nous disait : "C'est la crise, tout va être englouti", et moi, assise à mon bureau, j'étais déroutée : le réel se dérobait. Depuis que j'étais dans le monde du travail, la crise était toujours là, omniprésente et intangible à la fois. Je ne comprenais pas."

Elle parle avec un sourire clair, le menton posé dans sa main. Rien de poseur, rien de forcé, dans ce café parisien où elle boit un crème, puis un autre. "Mon boulot, c'est de faire avec le réel. De voir les choses à hauteur d'être humain." Ne pas chercher à démontrer, mais à comprendre. Ce travail, Florence Aubenas l'aime absolument. "Ma vie à moi, c'est d'être journaliste. C'est mon identité profonde." D'où sa décision de partir pour Caen, où elle s'inscrira au chômage et mènera la vie d'une demandeuse d'emploi, pour "raconter cette France qui ne s'en sort pas" : faire son boulot, mais en plus long, en plus profond, donc en plus éclairant. Ne pas aborder les gens avec un carnet à la main, mais "faire partie d'eux, avec toutes les limites que cela suppose". Se mettre dans la peau d'une chômeuse, parce que "tout ne passe pas par les mots. Je voulais franchir la barrière du discours : vivre là, pour ne pas être tentée, par exemple, de m'adresser en priorité aux gens qui s'expriment bien, comme je l'aurais fait en tant que journaliste".

Une forme "d'engagement" revendiqué, qui lui donne la force d'affronter l'inévitable reproche : celui d'être allée à Caen dans une position ambiguë, à la fois observatrice et participante, à découvert et camouflée. "Quand je me rends en Afghanistan ou ailleurs, c'est pareil : je vais voir des situations qui ne sont pas les miennes. On ne m'a jamais reproché d'aller au Rwanda !"

Arrivée sur place, elle loue une chambre minuscule, se fabrique un CV plat comme la main (le bac, puis une vie de femme au foyer plaquée par son concubin) et se présente partout, des agences d'intérim à l'antenne locale de Pôle emploi. "Toujours à l'heure, toujours propre, je faisais attention à me présenter au mieux." Ses cheveux sont teints en blond, elle porte ses lunettes en permanence, mais son nom n'est pas changé : Florence Aubenas. A ses amis, elle a dit qu'elle partait au Maroc, écrire un roman. Commence alors la ronde des heures passées à scruter les annonces, à remplir des fiches, à se faire rembarrer. "Dans mon esprit, il paraissait évident que j'allais trouver tout de suite. Et brusquement, j'étais devant des gens qui me disaient : "Non, pas possible, enfin, vous voyez bien...", sans même finir leur phrase. Evidemment, ça recadre !"

En partant, elle avait prévu de rester jusqu'au moment où elle décrocherait un contrat à durée déterminée. Quatre mois lui paraissaient un délai raisonnable. Une fois sur place, il a bien fallu déchanter. "J'ai mis un mois et demi à trouver", dit-elle. Du travail ? Non, bien sûr : un maigre petit paquet d'heures, aux deux extrémités de la journée, sur le ferry qui traverse la Manche et dans des bureaux, des campings, des immeubles. Au début, elle prend des notes tous les soirs, puis seulement un jour sur deux, à cause de la fatigue. "Plus le temps passait, plus cela se rapprochait du journal intime. Au bout d'un mois, on lâche prise. Je n'étais plus quelqu'un qui surplombe, mais quelqu'un qui a perdu le contrôle et tente de surnager." Finie la distance du journaliste. Elle, bien sûr, savait que l'expérience aurait une fin, qu'elle retrouverait son travail, son appartement, ses amis, ce qui fausse la donne. Mais en attendant, elle était là, en plein dedans, épuisée par des heures de balai et de serpillière.

Lui arrivait-il de penser à son expérience d'otage ? Non, pas vraiment, mais il est probable, remarque-t-elle, que "sans cette captivité, je n'aurais jamais eu le culot de faire ce que j'ai fait". Braver l'appréhension de se faire démasquer, la peur du ridicule (celle de passer pour "Bécassine chez les pauvres"), mais surtout prendre "de la liberté avec le temps qui passe, cette matière si précieuse pour un journaliste". Le temps du chômeur, fait d'attente et encore d'attente, de transports interminables (et non rémunérés) vers des lieux où l'on va travailler une heure, ce temps-là, bien sûr, elle n'en avait pas la moindre idée avant d'y être engluée.

Dans le livre, Florence Aubenas a gommé ce qui "relevait de la mise en scène personnelle", mais pas l'amitié qu'elle a pu ressentir pour tel ou tel de ses compagnons de travail (ou de non-travail). Les portraits qu'elle brosse d'eux, sans compassion, sans jugement, sont magnifiques. Et qu'ont-ils dit, quand elle leur a révélé qu'elle venait d'écrire ce livre ? "Beaucoup ne savaient pas quoi faire de cette information. Leur vie leur paraît tellement sans intérêt." Bien qu'ils aient appris la nouvelle alors que le texte était encore modifiable, aucun n'a demandé à ne pas apparaître.

Elle, Florence Aubenas, n'a pas pu se résoudre à résilier le bail de sa chambre, à Caen. C'est dans ces quelques mètres carrés, loués 348 euros par mois, qu'elle a écrit une bonne partie de son livre. En se rendant là-bas, elle avait décidé d'utiliser l'argent que lui avait rapporté son livre sur le procès d'Outreau (La Méprise, Seuil, 2005). "J'avais mis cette somme de côté, c'était sacré : je me disais que je n'allais quand même pas acheter une voiture avec l'argent d'Outreau !" Bien lui en a pris : jamais, en six mois de travail acharné, elle n'est parvenue à gagner de quoi survivre. Même très modestement.

Raphaëlle Rérolle
Article paru dans l'édition du 19.02.10.


dimanche 14 février 2010

Les Livres de Psychanalyse
mercredi 10 février 2010

Jacques Lacan à Hollywood, et ailleurs

Slavoj Zizek











Sortie le : 11/02/2010
Editeur : Actes Sud
Collection : Rayon philo
Prix : 23,80 €


Présenter à un lecteur non spécialiste la pensée de Jacques Lacan est déjà un pari risqué. Mais le faire à travers le prisme du cinéma hollywoodien, et – inversement – traiter de la culture populaire par le prisme de la pensée lacanienne, voilà qui semble tenir de la gageure. Et pourtant Slavoj Zizek la tient, cette gageure, et avec quel brio. Incarné dans le personnage de Charlie Chaplin dans Les Lumières de la ville, le mystérieux “objet petit a” devient tout à coup lumineux. Soudain, nous comprenons Lacan, et c’est jubilatoire.
Mais cet ouvrage ne saurait se résumer à une tentative réussie de “vulgariser” une pensée sophistiquée.
Il s’agit en fait plus profondément ici de renouveler de fond en comble la notion marxiste de “matérialisme dialectique”. Zizek nous montre que Lacan permet de comprendre la vérité du système de Hegel, qui ne se trouve pas dans l’aboutissement qui met un terme au mouvement de l’être et de l’histoire, mais dans la mobilité infi nie qui institue au coeur des choses une différence à la fois minimale et essentielle. C’est par conséquent à une modifi cation radicale de notre vision de la structure du réel, c’est-à-dire à une nouvelle manière d’être réaliste, qui suppose le refus d’accepter les choses telles qu’elles sont, qu’en appelle Slavoj Zizek. Quiconque rejette l’idée que le capitalisme se confondrait avec le réel gagnera beaucoup à découvrir, avec cet ouvrage, l’une des pensées les plus innovantes et excitantes de l’époque.

Nouvelles psychanalytiques
jeudi 11 février 2010

La psychanalyse et l’Autre scène

Le samedi 20 février 2010, à 14h 30 à l’Ecole normale supérieure - Conférence-débat préparatoire aux Journées de Dubrovnik des 2, 3 et 4 Avril 2010




“L’inconscient freudien se distingue, de manière révolutionnaire, de l’idée de l’inconscient connue depuis la nuit des temps et qui désigne ce qui demeure lointain à la conscience, ce qui lui échappe. C’est avec l’introduction du concept de refoulement que Freud effectue une opération aussi copernicienne qu’humanisante. Il démontre que le processus de refoulement est le résultat d’une visée, d’un acte que le sujet fait « intentionnellement » en s’efforçant d’occulter, devant la problématique sexuelle, certains faits inquiétants.

Freud découvre que ce qui rend malade représente aussi le point de résistance contre le poids des fatalismes : sous le symptôme, le désir ! Il nous transmet l’inestimable idée que le savoir inconscient n’est pas inaccessible, qu’il y a un sujet à ce savoir insu dans toutes les structures psychiques. Pour Freud « l’autre scène » est celle du rêve, du lapsus et de l’acte manqué, celle des formations de l’inconscient. Cette Autre scène riche d’un savoir précieux, des pièces manquantes dans l’édifice conscient de l’homme, a été exploitée d’une manière différente par les écrivains et les poètes, par les artistes et les anthropologues.

Si Freud a bâti l’hypothèse Œdipe sur une tragédie de Sophocle, Lacan, lui, a longuement commenté Hamlet de Shakespeare. Lacan confirme qu’entre l’Autre et l’inconscient il y a l’acte de sujet, de ce sujet toujours divisé par son entrée dans le langage qui lui préexiste et qui le surdétermine. Il démontre que le savoir inconscient n’est pas acéphale, le « ich », le sujet, y est contenu, il se dévoile dans la cure grâce à l’énigme du transfert. Le sujet y découvre sa responsabilité, en osant s’y rapprocher il gagne la probabilité de changer le cours de sa vie : le destin et ses carcans peuvent perdre de leur obscur absolu.

Si l’écrivain observe, note, imagine, découvre, le psychanalyste, lui, doit franchir un pas en posant l’acte qui va rendre son savoir non su et son désir au sujet aliéné. Ce pas sera décisif pour le traitement du symptôme pénible, que la seule sublimation ne permet pas de dissoudre.

Le colloque de Dubrovnik, ville de multiples scènes, littéraires, musicales, théâtrales et politiques auxquelles l’inconscient n’est pas étranger, se voudrait d’insuffler un nouvel élan aux approches psychanalytiques sur les territoires meurtris des Balkans.”

Gorana Bulat-Manenti







29.01.10
Chronique d'abonnés

Jacques-Alain Miller


par Claude GUY, Psychanalyste


Contrairement à ce que l'on peut entendre ici et là, Jacques-Alain Miller qui a créé et dirige l'École de la cause freudienne et fondé l'Association mondiale de psychanalyse n'a pas retourné sa veste. Il est au contraire très fidèle, fidèle à la ligne de conduite qui est la sienne depuis toujours, à savoir la continuité de l'association qu'il a créé … à n'importe quel prix. Je ne crois pas qu'il y ait lieu à s'indigner ou à pousser des cris d'orfraie devant ce qui est tout simplement la suite logique d'une attitude jamais démentie.

«L'École, en tant qu'elle a des membres, qu'elle les sélectionne, ce n'est pas la psychanalyse pure, c'est la psychanalyse appliquée. C'est la psychanalyse appliquée à la constitution et au gouvernement d'une communauté professionnelle, et aux relations de cette communauté avec les puissances établies dans la société, et avec l'appareil de l'État …/... Un médecin apporte à l'École un crédit social qu'un non-médecin ne lui apporte pas. C'est ainsi. Une gestion avisée de l'intérêt de l'institution le prendra en compte »1.

Outre que le concept de psychanalyse pure est au mieux douteux, au pire abject (la race pure, la filiation pure …), le double sens constant et sous-jacent de son propos (les mots choisis de « constitution » et de « gouvernement » même s'ils s'appliquent en l'espèce à la communauté professionnelle, nous font nécessairement dresser l'oreille) indique clairement que Jacques-Alain Miller dit en fait ce qu'il pense vraiment et depuis fort longtemps. Ce que d'ailleurs, il développe tout à fait clairement plus loin.

Ce qu'il pense c'est que l'essentiel, « c'est une gestion avisée de l'intérêt de l'institution ». Voire même, et au fond il s'agit ni plus ni moins que de la véritable fonction d'une institution, de devoir mettre toutes ses forces à exister puis à perdurer, quoi qu'il en coûte. « Pourquoi une École ? Il s'agit en somme de créer et de faire perdurer une institution qui satisfasse pleinement aux exigences de l'État et de la société … » -on croit rêver, mais ce n'est encore rien !- « tout en abritant en son sein une pratique subversive qui s'appelle la psychanalyse pure. Pourquoi ces gages donnés, ces hochets reçus, ce grand déploiement de semblants ? Afin de loger la petite alvéole indispensable à la formation des analystes et à leur accréditation par d'autres analystes ».

C'est bien entendu du cynisme pur. Il le fait, il le sait, mais il n'y a pas d'autres moyens pour arriver à ses fins, faisons donc, notamment lorsque ces compromis permettent à une institution de gérer elle-même l'accréditation des analystes par d'autres analystes. La manœuvre est claire, l'association qui aura accepté les compromis voulus par l'Etat sera désignée comme bras séculier pour l'accréditation des analystes et mieux vaut que ce soit la sienne.

Et pour le cas où l'on n'aurait pas très bien compris ou, pire encore, qu'on ne voudrait pas comprendre, il vous assène une interprétation dont il a le secret, mettant en cause nos fantasmes et notre ringardise : « L'institution, ses compromis, voire ses ruses, déçoivent vos fantasmes ? Supprimez tout ça, il n'y a plus d'École …/... Vous voulez consolider l'institution en embrassant le siècle ? Moderniser, intégrer l'institution à la société, aux médias, au marché ? Devenir un rouage de l'État ou d'un de ses pseudopodes, l'Université, l'association Aurore, que sais-je encore ? Vous ne trouverez pas de recette, pas de mathème pour vous dire comment faire, pour vous indiquer dans chaque cas, en chaque circonstance, comment négocier la passe entre Charybde et Scylla... »

C'est tout de même la seule raison qui lui permet de défendre l'idée que l'École, son École, est devenue « réticente à admettre des non médecins et des non psychologues ». Tout cela donc au nom d'un pragmatisme bonhomme « le monde a changé depuis que le charmant X recrutait le charmant Y ». Ce qui en passant est déjà une critique virulente, comme si jusque là, jusqu'à ce que l'État s'en mêle, seul le copinage était de mise, oubliant de fait la transmission, l'importance des maîtres de savoir, de tout ce qui a fait et fera, n'en doutons pas, des filiations et souvent des gens audacieux à défaut d'être talentueux.

Il poursuit et c'est là que certains lui reprochent de retourner sa veste : « L'amendement Accoyer s'est imposé à nous, et ce n'est pas faute de l'avoir combattu ». On a perdu certes, mais dans l'honneur, au combat. Et, argument suprême pour qui ne veut voir qu'une seule tête, « Toute l'Europe réglemente aujourd'hui l'activité psy sur des bases comparables. Le méconnaître serait pratiquer ce qui s'appelle la politique de l'autruche ».

Là, on passe carrément à l'argument spécieux. Personne ne méconnaît. Il ne s'agit d'ailleurs pas de méconnaître, mais de ne pas faire systématiquement la même chose sous prétexte que tout le monde le fait. C'est franchement pitoyable, mais il doit se douter que ça ne tient pas. Il insiste alors sur les « compromis révolutionnaire » : « L'École n'existe pas au ciel des Idées, c'est une institution qui se démène pour la cause freudienne dans le monde effectivement réel, et cela comporte de passer des compromis, oui -à condition, bien entendu, qu'ils soient révolutionnaires ... ».

On appréciera le jeu sur la « cause freudienne », repris un peu plus loin dans son « je veux dire qu'ils fassent avancer la cause », les encore naïfs pouvant se demander de quoi il parle vraiment. Ne doutons pas qu'il parle pour sa cause, son École en le déguisant en une universelle « cause freudienne » qui n'est d'ailleurs pas à défendre sauf dans la clinique et n'a nul besoin de défenseurs patentés. Quant au compromis à passer, c'est un peu en l'occurrence le pacte avec le diable. Qu'importe l'âme (pourtant chère à Freud) pourvu qu'on ait la reconnaissance de l'État qui arrange bien les petites et les grandes affaires, y compris financières. Probablement la référence au « révolutionnaire » renvoie à toutes les compromissions qu'étaient prêts à faire (et sont prêts à faire) tous ceux qui ont comme projet une idée ficelée et veulent arriver à leur fin quoi qu'il en coûte.

Et finalement pour lui, tout ceci relève du banal -il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire- puisque « se faire psychologue, ce n'est pas le bout du monde tout de même » et qu'il « ne voit rien d'indécent à expliquer au novice que la psychanalyse ne le dispense pas de régler ses factures de gaz, ni de rendre à César ce qui lui revient ». Il rajoute enfin au cas où l'on remuerait encore un peu la question dans un réflexe de survie, « ce principe à la tradition pour lui ». De quelle tradition parle-t-il en la matière ? De Freud ? Certainement pas. Impossible à défendre puisque celui-ci prit la défense de Reik sur ce sujet et écrivit même un texte pour défendre son point de vue2. C'est Lacan qui, nous raconte-t-il : « quand Laplanche, normalien, voulut devenir analyste, celui-ci lui enjoignit de faire des études de médecine . C'était au milieu du siècle dernier ».

Mais bien sûr, rien n'est important et tout est égal à tout. C'est ce que ce monsieur nous sert, comme à son habitude.

On ne lit pas assez Jacques-Alain Miller.

On a tort.

Il est clair comme de l'eau de roche : il dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit.

L'inconscient peut bien aller se faire voir ailleurs.

1 « Commentaires sur quelques questions abordées dans la lettre précédente ». p. 8 et 9. n° 78 du Journal des journées de la Cause freudienne du mercredi 6 janvier 2010.
2 Psychanalyse et médecine ou « la question de l'analyse profane ». Texte de Sigmund Freud. 1925









La philosophie en marchant
[vendredi 05 février 2010]







Marcher, une philosophie
Frédéric Gros
Éditeur : Carnets nord
302 pages / 16,15 €


Résumé : La marche est une activité voisine de la pensée, émancipatrice et personnelle.
Jérémy ROMERO













Au premier abord, il pourrait paraître incongru que la philosophie soit susceptible de s’intéresser à un acte aussi anodin et banal que celui de marcher. Quel besoin en effet de s’interroger sur une activité à laquelle nous ne pensons même plus tant nous la pratiquons au quotidien depuis notre enfance ? C’est bien peut-être – et c’est toute la leçon de ce livre minutieux et patient de Frédéric Gros – que d’ordinaire nous ne marchons pas vraiment, ou plutôt que nous avons oublié les vertus de la marche concernant ce que, authentiquement, nous sommes. En effet, comme la pensée, la marche brise des rythmes qui ne sont pas vraiment les nôtres, qui ne nous définissent pas en ce que nous avons de plus profond ou de plus vrai : marcher, penser, c’est oser rompre avec ce qu’il y a de plus convenu et de plus réducteur dans notre existence quotidienne. Quand je marche, l’ennui de vivre me quitte, je délaisse les cadences de la productivité qui me sont imposées du dehors par une société qui ne sait plus vraiment marcher, tant sa passion de la vitesse pèse sur elle et sur tous ses membres comme un destin. Penser, faire de la philosophie, c’est reprendre son temps – au sens le plus propre –, c’est revenir au rythme de ce que nous sommes vraiment, à rebours des idéologies et des préjugés qui nous imposent leur pas. Marcher, une philosophie : les penseurs, les poètes, les mystiques et autres vagabonds qui parcourent ce livre nous en montreront les chemins.

Le temps de la marche

Marcher n’est pas un sport. C’est un acte qui ne nécessite pas l’apprentissage de gestes techniques mais est accessible directement à chacun. Il ne saurait entrer dans le domaine de la compétition car il n’est pas mesurable au sens d’une performance et ne vise pas un résultat ou une victoire sur l’adversaire. En ce sens, le temps de la marche n’a rien à voir avec celui de la compétition sportive ou du quotidien. S’il n’a pas l’intensité de la première, il ne relève pas plus du quadrillage gris et morne du second. On ne marche pas vraiment en se rendant de chez soi à la bouche de métro la plus proche pour aller travailler. Marcher est une activité monotone, régulière, répétitive : « un pied devant l’autre ». C’est l’injonction implicite qui guide tout marcheur, dans un véritable dialogue que celui-ci noue avec lui-même. Et cette injonction ne cessera de ponctuer ce livre autour de la marche - il faudrait plutôt dire de la marche tant il tente de comprendre l’essence de cette activité de l’intérieur – selon le rythme secret de chacun, comme une respiration de ce que nous sommes vraiment, libéré de nos contraintes quotidiennes, de ce qui nous détermine de manière inauthentique dans la vie de tous les jours. Car marcher rompt l’ennui, en dépit de sa monotonie, grâce à sa monotonie. Marcher nous remet en présence de nous-même par le décalage que ce geste instaure avec ce qui ordinairement nous aliène1. C’est bien en ce sens que marcher est une libération, similaire à celle de la pensée : une rupture avec la sclérose du corps et de l’esprit.

Les libertés de marcher

Le temps de la marche est celui qui nous ouvre à notre propre liberté. Toutes les conquêtes sur le temps au profit de la vitesse me rendent dépendants des choses et des autres : je dois faire vite pour prendre mon train ou l’avion, je ne peux pas faire autrement, alors que quand je choisis de marcher – et non pas courir – c’est mon propre rythme qui m’est restitué. Lors d’une grande marche, ne pas avoir un « choix indéfini quand il s’agit de manger ou de boire, être soumis à la grande fatalité du temps qu’il fait, ne compter que sur la régularité de son pas, cela fait apparaître soudain la profusion de l’offre (de marchandises, de transports, de mises en réseau), la démultiplication des facilités (de communiquer, d’acheter, de circuler), comme autant de dépendances. Toutes ces micro-libérations ne constituent jamais que des accélérations du système, qui m’emprisonne plus fort. Tout ce qui me libère du temps et de l’espace m’aliène à la vitesse »2. Aussi, à ce premier degré de liberté que nous accorde la marche, une liberté « suspensive », s’ajoutent ceux qui jalonneront tout l’ouvrage à travers les grandes figures de marcheurs : la liberté agressive et rebelle, toute en rupture avec la société de consommation, de la Beat Generation (Kerouac, Snyder, Ginsberg, Burroughs : tous de grands marcheurs ayant répondu à l’appel du sauvage, « the Wild »3, enfin « l’ultime liberté », « plus rare », « un troisième degré », celui du « renonçant »4, chère à la philosophie hindoue. Celle-ci distingue « quatre étapes sur les chemins de la vie »5: à l’enfant élève qui doit suivre l’enseignement de ses maîtres succède l’homme adulte qui doit veiller au bien-être de sa famille et respecter les lois de la société ; vient ensuite le stade de l’ermite qui s’exclut volontairement de la société pour se consacrer à la méditation et enfin le pèlerin qui veut à ce point ne plus rien posséder et se libérer de la contrainte des choses qu’il ne fait que marcher. C’est là « une vie désormais faite d’itinérance […] où la marche infinie, ici et là, illustre la coïncidence entre le Soi sans nom et le cœur partout présent du Monde. Alors le sage a renoncé à tout. C’est la plus haute liberté : celle du détachement parfait.»6 Pour l’auteur, tout randonneur a déjà entrevu la possibilité de cette liberté, celle pour laquelle plus rien ne compte puisque toute l’intensité du monde nous est offerte, en marchant. Et c’est bien cette intensité du réel – toujours propre à déjouer ce que nous croyions le mieux savoir7 – qui ne cesse de relancer la pensée, de la remettre en marche, soulignant par là leur étroite parenté.

Marcher, penser

Marcher est un acte à la fois simple et multiple, comme la pensée. Car il y a différentes façons de penser, de poser des problèmes comme il y a différentes façons de marcher, selon un rythme propre à chacun, dans des paysages différents, sous le soleil ou sous la pluie. Aucun penseur mieux que Nietzsche n’a su thématiser cette proximité de la pensée et de la marche : pour celle-ci ou pour celle-là, c’est d’abord une affaire de style. A la promenade de santé quotidienne de Kant, réglée comme une horloge, propre à délasser le corps des courbatures accumulées à force d’être sans cesse plié sur le bureau pour écrire, aux rêveries de celle, solitaire et guérissant de la méchanceté des autres, de Rousseau, il faut opposer la marche ascensionnelle de Nietzsche, toujours tendue vers les sommets, comme la pensée qu’il recherchait. Tout semble opposer ces différents types de penseurs et ces divers types de marcheurs, et pourtant : chacun s’accordait à dire que l’on ne peut avoir de bonnes pensées qu’en marchant. L’œuvre de chaque penseur est directement liée à la façon que celui-ci avait de marcher et c’est cette correspondance de la marche et de la pensée que s’attache à exposer l’auteur du livre en consacrant un chapitre à chacun de ces grands penseurs marcheurs. A « la rage de fuir »8 qui caractérisait Rimbaud, à pied de Charleville à Aden, en passant par Paris et Bruxelles, succèdent les « solitudes »9 que recherchait Thoreau en marchant dans les bois pour désobéir et rompre avec une société industrielle et si travailleuse qu’elle ne voit même plus la misère que son travail ne cesse de créer et de renforcer, ou encore les grands pèlerinages consacrés par le christianisme, essentiels pour la foi en ce qu’ils enseignent l’humilité et la pauvreté du vagabond, de celui qui n’a rien.

Faire la révolution en marchant

Marcher n'est pas seulement un passe-temps destiné à rompre l'ennui ou à se changer les idées. C'est en réalité la pensée en acte, traçant son chemin de manière opiniâtre, inflexible : c'est la pensée qui cherche à se réaliser dans le monde, dans sa gravité et sa pesanteur. C'est là la grande leçon de Gandhi : la violence est certes une forme de rébellion spectaculaire, qui tranche avec l'oppression en secouant le joug, mais elle ne sert à rien. Elle ne fera qu'alimenter le cycle maudit de la répression, violence contre violence. Gandhi lui substituait la marche comme un acte de résistance pacifique et serein. En effet, marcher pour protester contre l'oppression, c'est d'abord désobéir par la mise en suspens d'une activité aliénante qui nous a été imposée du dehors, par les autres. Quand je marche, je n'obéis et ne travaille plus. C'est ensuite manifester sa volonté la plus inflexible aux yeux de l'adversaire : rien ne me fera arrêter de marcher tant que le but – la liberté – ne sera pas atteint. « Nous n'allons pas faire demi-tour »10. Lors de la grande marche du sel de 1930 à laquelle quelques milliers d'Indiens ont fini par participer, faisant grossir sans cesse le nombre des marcheurs à mesure que la marche progressait à travers le pays, Gandhi définit les vertus libératrices – et donc éminemment politiques – de la marche : c'est le refus de la vitesse imposée par le monde occidental au bénéfice de la lenteur, du respect de la tradition qui nous enseigne l'humilité et la patience. Cette humilité, « c'est la reconnaissance tranquille de notre finitude : nous ne savons pas tout, nous ne pouvons pas tout »11. Elle manifeste notre dignité d'hommes, tout en nous rendant simples et autonomes à la fois. Je n'ai pas besoin de posséder beaucoup, je suis debout, cela suffit à ma liberté. La non-violence qu'elle implique – la longue marche vide de la colère et de la haine - n'est pas un aveu de faiblesse; au contraire : c'est le refus qu'oppose une âme sereine et déterminée à l'absurdité de la violence physique. La répression sanglante qu'exercèrent les Anglais contre les marcheurs indiens ne fit que mettre en relief cette absurdité de frapper à mort des hommes qui ont refusé d'employer la violence. En marchant, les Indiens firent fléchir les Anglais même s’ils n’obtinrent leur autonomie qu'en 1947. Celui qui marche a le temps de son côté. Il y a quelque chose d’inéluctable dans la marche, une fois que l’on est parti, l’on est comme forcé d’arriver. En elle, une philosophie patiente se déploie, nous restituant l’essence de la liberté : « la volonté comme destin »12.

Rédacteur : Jérémy ROMERO, Critique à nonfiction.frI
llustration : _O2_ / flickr.com


Notes :
1 - La marche, rien qu’une « simple promenade », permet de « se délester du fardeau des soucis, [d’]oublier un temps ses affaires. On choisit de ne pas emporter son bureau avec soi : on sort, on flâne, on pense à autre chose. Avec la randonnée, longue de plusieurs jours s’accentue le mouvement de déprise : on échappe aux contraintes du travail, on se libère du carcan des habitudes », page 11.
2 - Page 12
3 - « Quand on a claqué la porte du monde, on n’est plus tenu par rien : les trottoirs ne collent plus au pas (le parcours cent mille fois répété, du retour au bercail). Les carrefours tremblent comme des étoiles hésitantes, on redécouvre la peur frissonnante de choisir, la liberté comme un vertige », page 14)
4 - page 17
5 - ibid.
6 - page 18
7 - Voici ce que dit Nietzsche de cette nécessité de la marche pour la pensée dans Ecce Homo (« Pourquoi je suis si avisé ») : « Demeurer le moins possible assis : ne prêter foi à aucune pensée qui n’ait été composé au grand air, dans le libre mouvement du corps – à aucune idée où les muscles n’aient été aussi de la fête. Tout préjugé vient des entrailles. Être ‘’cul de plomb ‘’, je le répète, c’est le vrai péché contre l’esprit », cité par l’auteur page 21.
8 - Page 57 et suivantes
9 - page 77 et suivantes
10 - Gandhi, 10 mars 1930, cité par l'auteur page 257
11 - Page 266
12 - page 216. C’est ainsi que Nietzsche définissait la liberté.

Titre du livre : Marcher, une philosophie
Auteur : Frédéric Gros
Éditeur : Carnets nord
Date de publication : 15/05/09N° ISBN : 2355360081






le 08/02/2010
HPST : un comité d’évaluation veille au grain

Accompagnée pour la circonstance du président du Sénat, Gérard Larcher, la ministre de la Santé a officiellement installé ce lundi, lors d’un déplacement au centre hospitalier de Beauvais, le « comité d’évaluation de la mise en œuvre des dispositions relatives à la modernisation des établissements de santé de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ».

Cette instance, présidée par le sénateur (UMP) Jean-Pierre Fourcade, vient d’être créée par décret. « C’est une tâche d’envergure qui vous attend », a lancé Roselyne Bachelot à ses douze membres, rappelant que l’application du volet hospitalier de la loi HPST (le titre I) nécessitait à lui seul pas moins de 80 textes.

Le nouveau comité devra se réunir au moins trois fois par an ; ses séances ne seront pas publiques. Le gouvernement l’informera deux fois par an de l’avancée de ses travaux « HPST ». Les missions de ce « gendarme » du titre I sont à la fois « juridiques et opérationnelles », a expliqué Roselyne Bachelot. Il va en effet mesurer la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance hospitalière et en faire un bilan, évaluer les opérations de coopérations entre établissements de santé. La ministre le charge également de se pencher sur les agences régionales de santé (ARS).

Autant de sujets sur lesquels le comité doit formuler des recommandations à destination du ministère de la Santé et transmettre un rapport au Parlement à l’été 2011.

› K. P.



Le coin lecture

L'objet sublime de l'idéologie de Slavoj Žižek










Slavoj Žižek, né en Slovénie en 1949, est le docteur en philosophie et l'enquêteur de l'Institut d'Études sociales de Liubliana, et le professeur un visiteur dans le New School for Social Research de New York. Comme le professeur invité a aussi fait des cours dans des institutions comme Université Paris-VIII, SUNY Buffalo, University of Minnesota, Tulane University, New l'Orléans, Columbia University, New York et Princeton University.
En 1990 il a été un candidat la présidence de son pays, bien qu'il n'a pas été élu.

Un philosophe et un psychanalyste, Þižek dans son œuvre compose la pensée de Jacques Lacan avec le marxisme. Il tend à illustrer sa théorie avec exemples pris par la culture populaire. Par exemple, le cinéma de Hitchcock ou de David Lynch. La littérature de Kafka, ou de Shakespeare.

Il a publié quelques œuvres telles comme : “Ton symptôme jouit!”, “Tout ce que vous vouliez savoir sur Lacan et n'a-t-il jamais osé demander à Hitchcock”, “En Regardant au biais”, “Parce Qu'ils ne savent pas ce qu'ils font”, et “d'Épineux sujet”. Ses valeurs ont été traduits en nombreuses langues, comme le japonais, le portugais, le danois et l'allemand, entre les autres.

Dans L'objet sublime de l'idéologie, Þižek il réalise une analyse des illusions idéologiques d'intégration et d'exclusion que les sociétés humaines façonnent. En liant des concepts de la psychanalyse avec des phénomènes sociaux tels que le racisme ou le totalitarisme, le livre enquête sur la signification politique de ces illusions de contrôle. De cette façon, L'objet sublime de l'idéologie suppose une contribution puissante à la théorie psychanalytique de l'idéologie.

jeudi 11 février 2010








Radio Citron: écoutez la démence

Radio Citron a été lancée en grande pompe le 26 janvier à la maison de Radio France. Derrière ce label, une équipe de psychologues et leurs patients -des malades psychiques- se démènent pour devenir pro du micro, séduire le grand public et changer le regard sur la maladie.

Le 09 février 2010
par Iris Deroeux


« C’est la loi de l’horoscope, c’est le truc qui s’effiloche, si dans votre vie tout est moche, déménagez de l’avenue Foche », slame Charlie en délivrant son horoscope surréaliste. « Ecoutez-moi sur Radio citron ou c’est mon poing sur la gueule », ajoute-t-il.

Autre rubrique en ligne sur le site de Radio Citron : la critique cinéma d’Eric, 42 ans, atteint de Parkinson et de troubles psychiques depuis 15 ans. « Avant, j’appréhendais ma voix. La radio m’a permis de prendre confiance en moi. » Eric s’est laissé séduire en regardant un documentaire sur la Colifata, une émission de radio argentine animée depuis 1991 dans l’hôpital psychiatrique de Buenos Aires et suivie aujourd’hui par 7 millions d’auditeurs. Manu Chao a même réalisé un album avec ses animateurs. « Je me suis dit, pourquoi pas moi ? »

"Il ne fallait pas attendre le public mais aller vers lui"

La Colifata est bel et bien à l’origine de Radio Citron. Tout commence en 2007 lorsque son fondateur, le psychologue Alfredo Olivera, rencontre l’équipe du service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) Cadet, dans le IXe arrondissement parisien. Ce lieu appartient au réseau de l’association l’Elan Retrouvé dont les 17 établissements accueillent près de 3 000 malades psychiques par an, afin de les aider à se réinsérer.

A l’époque, le SAVS invitent les gens du quartier à venir se mélanger aux patients lors d’atelier photos ou d’écriture. « Mais personne ne venait, se souvient Colette Laury, chef de service à Cadet. La Colifata fut une révélation: il ne fallait pas attendre le public mais aller vers lui. Voilà le média dont on avait besoin pour changer le regard sur la maladie mentale », explique la psychologue, qui ne supporte plus la façon dont la maladie est associée à « des notions meurtrières, à l’homme qui s’enfuit d’un hôpital psychiatrique ». « Il y a une sensibilité, une intelligence supérieure ici », rappelle-t-elle.Deux ans plus tard, les subventions ont permis de s’équiper. Le SAVS s’est muni de micros, d'enregistreurs Nagra et d'ordinateurs à disposition des journalistes en herbe ; trois centres de l’Elan Retrouvé ont rejoint le projet. Alfredo Olivera est venu former les psychologues qui ont aussi appris les bases du montage. Aujourd’hui, ils transmettent aux patients motivés.

Sur les ondes du service public ?

Les centres organisent un atelier radio par semaine et enregistrent une émission commune une fois par mois, ensuite mise en ligne. Le site Internet a ainsi pu être inauguré en septembre 2009. Une radio libre d’un nouveau genre, un beau mélange de reportages, de chroniques poétiques, de débats philosophiques où l’on aborde la situation sociale des handicapés psychiques et tout autre chose.

« Grâce à la radio, on sort de sa solitude, on va vers les autres. On se sent valorisé. Ce que certains d’entre nous avaient complètement mis de côté », résume Sylvie. « Ca me fait un bien fou ! », confie la jeune femme arrivée au SAVS si déprimée qu’elle ne pouvait plus parler.

La suite ? Colette Laury rêve d’un programme Radio Citron diffusé sur les ondes du service public, « juste deux minutes par jour pour toucher le grand public ». Surtout depuis que Jean-Luc Hees, patron de Radio France, a laissé entendre lors de l’inauguration de la radio, le 26 janvier, qu’un programme de qualité pourrait y avoir sa place...

L’équipe cherche donc de l’aide pour que Radio Citron se professionnalise et un lieu pour enregistrer les émissions avec le public. Ingénieur du son, journaliste et autre amoureux de la radio, vous êtes les bienvenus...












Avec Charly « Gros Cerveau Déglingué », dans le studio de Radio Citron

La première radio animée par des handicapés psychiques

Reportage Ambiance Gros Cerveau Déglingué et Baleine-Taxi. Radio Citron, animée par des malades mentaux, a été inaugurée mardi . Le but : montrer que la folie a sa place à la radio.

«Écoutez Radio Citron, ou c’est mon poing sur la gueule»

Derrière le micro jaune, concentré sur sa feuille, Charly annonce la couleur : « Écoutez-moi sur Radio Citron ou c’est mon poing sur la gueule ». Charly, alias « Charly GCD, Gros Cerveau Déglingué. A ne pas confondre avec Charles De Gaulle Étoile » plaisante t-il, est un des chroniqueurs de Radio Citron. Cette radio, animée par des handicapés psychiques, a pour but de faire évoluer l’image de ces malades.

« Ah, vous êtes StreetPress! Street comme à New-York. Je suis fan de Bob Dylan »

L’imprévisibilité : C’est ce qui fait le charme de cette nouvelle radio. En voyant le nom du site, Charly dégaine, avant même qu’on ait enclenché la caméra : « Ah vous êtes StreetPress ! Street comme à New-York. Je suis fan de Bob Dylan. » Charly, rieur et bavard aujourd’hui, a eu une vie difficile. Il a passé 15 ans en HP après le suicide de sa fille de 20 ans. Maintenant il a ses chroniques (dont l’horoscope) sur Radio Citron. Une victoire un brin acidulée mais une victoire quand même sur le destin.

L’exemple de La Colifata et Manu Chao

Le concept vient d’Argentine : La Colifata est une émission créée et animée par Alfredo Oliveira depuis 15 ans avec les patients de l’hôpital psychiatrique de Buenos Aires. Il y a plus d’un an, Colette Rivemale, la directrice de Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS), le rencontre et projette d’adapter le projet à Paris. « On aurait aimé que Manu Chao soit notre parrain, mais il l’est déjà pour La Colifata, explique Anne Tuffelli, psychiatre. C’est une bonne chose d’avoir un nom connu ». Anne encadre les patients pour la réalisation et l’enregistrement de l’émission.

Quelques minutes d’antenne sur Radio France

Un samedi par mois, Charly, Colette et les autres se retrouvent pour une à deux heures d’émission. Pas de direct : Le programme est monté pour éviter les trop gros coups de folie. Et puis le direct, c’est un métier « On espère quand même que Radio France tiendra ses promesses de nous diffuser quelques minutes à l’antenne », confie optimiste Anne Tuffelli. Elle ne craint pas trop les débordements : « On a l’habitude des imprévus. On travaille avec et on aime ça. Si on entend les bruits de chaise pendant l’émission radio parce qu’ils se lèvent, ça n’a pas d’importance. »

« Regardez mon moyen de transport : Je suis venue en baleine ! »

L’émission pilote de ce mardi 26 janvier a donné un avant goût de ce que sera Radio Citron . Des animateurs se lèvent et d’autres se rassoient, pendant que les chroniqueurs prennent la parole pour partir en freestyle. « Je voulais juste que vous regardiez mon moyen de transport. Là dehors. Je suis venue en baleine ! », insiste une jeune femme, micro à la main. Silence. Puis, l’émission reprend son cours.

Radio Citron c’est un joyeux bordel. Mais, l’absurde, ça fait partie du deal. « En plus, on n’a eu aucune formation pour la radio. On fait ça sur le tas, même les thérapeutes », s’amuse la psychiatre. Ce zeste de folie et les pépins feront sans doute le succès de Radio Citron. En attendant le parrainage d’un grand nom de la chanson française.





24heures.ch

Lancement de Radio Citron, animée par des patients atteints de troubles psychiques

PARIS | Une nouvelle radio intitulée "Radio Citron" animée par des patients atteints de troubles psychiques et diffusant ses émissions sur internet, sera officiellement lancée mardi à la maison de Radio France, a annoncé lundi un communiqué de la ville de Paris.

AFP | 25.01.2010

Cette radio, qui existe déjà sur internet depuis septembre 2009, est gérée par l'association "l'Élan Retrouvé", qui accueille des personnes souffrant de maladie psychique.

Les usagers peuvent, sur Radio Citron, "s'exprimer sur ce qu'ils vivent, pensent ou sentent de la société qui les entoure, et sur ce qu'ils ont vécu à travers leur maladie", les animateurs étant encadré par un personnel soignant, a précisé à l'AFP "l'Élan Retrouvé".

Les patients qui enregistrent les émissions proviennent de plusieurs établissements de Paris et sa région, a précisé l'association, ravie de voir sa radio inaugurée à Radio France mardi, en présence du maire de Paris Bertrand Delanoë, de Jean Luc Hees, président-directeur général de Radio France, ainsi que de François Gérault, directeur général de "l'Élan retrouvé".

Radio Citron s'inspire d'une rencontre avec le créateur de "la Colifata", une émission de radio argentine qui émet depuis un hôpital psychiatrique. Née en août 1991, cette radio "connaît un succès grandissant à travers le monde, notamment grâce à l'album que Manu Chao a choisi de faire avec les malades y travaillant. Elle est écoutée par près de sept millions d'Argentins", selon la mairie.

L'association l'Élan retrouvé, qui crée et gère des structures sanitaires et médico-sociales de réadaptation et de réinsertion de malades handicapés psychiques, souhaite ainsi "faire évoluer l'image des maladies psychiques auprès du grand public", et "faire évoluer la perception que les malades psychiques ont d'eux-mêmes".

lundi 8 février 2010

En politique, on est puni par où on a péché




Idées - Tribune libre - Histoire -
Article paru le 28 janvier 2010
tribunes & idées


En politique, on est puni par où on a péché

PAR JEAN-PIERRE DRAPIER, PSYCHANALYSTE.

Une identité nationale qui n’existe pas  ?

L’identité qui n’existe pas. Quand ce titre s’est imposé à moi (construit sur le modèle du fameux syntagme lacanien « la femme qui n’existe pas »), je ne croyais pas si bien dire  : le terme même d’identité est absent du Vocabulaire de la psychanalyse, de Laplanche et Pontalis, du Vocabulaire de psychologie, de Piéron, du Lexique de psychanalyse, de Vanier, aussi bien que de l’imposant Index référentiel des séminaires de Jacques Lacan (1952-1980), de Krutzen. Pour les psychanalystes, le concept même d’identité est inexistant. Alors, celui d’identité nationale a fortiori. Pour Lacan, qui a défini trois registres régissant notre monde (le Symbolique, le Réel et l’Imaginaire), l’existence ne pourrait surgir que par une opération du Symbolique sur le Réel, ce qui implique ces deux registres dans la possibilité même, non pas d’une île, mais de l’existence. Faute d’une ex-sistence (écriture pour souligner le travail de surgissement), nous devons nous contenter de l’Imaginaire pour fonder l’identité. C’est l’Imaginaire qui lui donne sa consistance et, avec elle, sa malléabilité, sa variabilité au gré des idéaux, des modes et des idéologies, au gré des images promues pour servir de base à l’identification la plus basique, l’identification imaginaire, qui, elle, est un concept analytique  : je suis l’autre, je suis semblable à l’autre (et donc, nous sommes différents d’autres autres), car je m’identifie à son image.

On voit bien l’inconsistance théorique de ce processus, dépendant de l’image et de ses mensonges/artifices/artefacts et en quoi l’identification ne peut fonder une identité réelle mais simplement masquer nos failles. Pour le moi, l’identité est une solution faite pour leurrer le sujet, lui masquer sa division, son incomplétude, par la soumission au désir imaginaire d’un autre bon, semblable, et l’instauration d’un autre étranger, mauvais. L’Imaginaire est fondamentalement voué au leurre et, en tant que tel, à manier avec précaution car pouvant déclencher le pire  : diviser les Allemands entre l’aryen et le juif, les Yougoslaves entre le Serbe et le Croate, les Rwandais entre le Hutu et le Tutsi… La suite est connue  : « La guerre éclate / On s’y tient chaud / On s’honore l’un l’autre / Contre l’autre / À ses frais » (Guerre, Words y Plato, Sapho). Comme le montrent ces exemples, ce pire marche au mieux avec les plus proches, les plus apparemment semblables, même langue, même culture, même histoire  : l’imaginaire vient nier les traits symboliques et réels qui rapprochent deux communautés et ne peut alors assurer sa suprématie que dans l’effacement réel (génocide) et/ou symbolique (ethnocide) de l’autre. D’ailleurs, on voit les effets immédiats de l’ouverture de cette boîte de Pandore  : remontée du Front national, qui se repositionne par et dans ce débat, mise au pilori des personnes (issues) de l’immigration avec l’amalgame islamiste/musulman/arabe, décomplexion du racisme latent (Hortefeux et ses « Auvergnats »). C’est donc une initiative politique irresponsable mais de plus inutile et désespérée  : certes, tout comme la « grand-peur » de la grippe A (H1N1) créée de toutes pièces, cela permet d’escamoter les vraies questions (qui ont noms  : chômage, privatisation, crise du système capitaliste, etc.), mais cela reste vain pour ce qui est des dividendes politiques  : le débat sur « l’identité » nationale a été lancé après les élections européennes, présentées comme une grande victoire (imaginaire) par Nicolas Sarkozy, alors que le réel des chiffres est sans appel (un quart des voix pour l’UMP, trois quarts pour les opposants). Il n’est pas difficile de comprendre que les élections régionales, parce qu’à deux tours, s’annonçaient catastrophiques et qu’une diversion appelant à la mobilisation des « mêmes » (ou m’aiment  ?) étaient nécessaires. Ce que n’avait pas vu le grand stratège, c’est qu’en servant la soupe de l’extrême droite, il servait la soupe à l’extrême droite et donc s’affaiblissait dans le même temps où il affaiblissait la solidarité et la démocratie. Comme quoi, même en politique, il y a une moralité  : on est toujours puni par où on a péché  ! Ou plus sérieusement  : le réel se venge toujours.


Mother

La Dépêche du Midi

Mother








Boudé au Festival de Cannes dont les sélectionneurs l'ont casé sans égard dans la grille fourre-tout d'Un Certain Regard, Mother fait partie de ses films qui, une fois programmés sur la Croisette dans une indifférence polie, remontent en grâce. Une rapide réhabilitation pour le quatrième long-métrage de Bong Joon-ho, le réalisateur de Memories of murder et de The Host.

D'ailleurs, de ceux-ci, Mother en partage plusieurs des caractéristiques : le tableau mi-tendre mi-grinçant d'une petite communauté, le mélange heureux des genres, une pointe de satire sociale, des personnages « ordinaires », le goût de l'imprévisible, l'emprunt des sentiers de traverse plutôt que des voies rapides... C'est donc dans un style bien à lui, désormais immédiatement identifiable dans le cinéma sud-coréen, que Bong Joon-ho montre comment une sexagénaire, modeste vendeuse dans une minuscule herboristerie, puise en elle les ressources nécessaires à faire son fils, un gentil demeuré, de prison où il purge une peine pour être le coupable idéal dans le meurtre d'une lycéenne délurée. Non sans avoir soupçonné le meilleur ami de son rejeton, un vaurien plus malin qu'il y paraît, la mère de mener une enquête plus sérieuse que celle des policiers, fonctionnaires qui ne s'appuient sur des évidences sans chercher plus loin. Et, comme il l'a déjà fait dans Memories of murder, le réalisateur de donner de l'institution l'image peu reluisante d'une fraternité d'incapables.

En dépit d'un cadavre, d'une supposée culpabilité et d'une investigation reprise à zéro, Mother sort des ornières d'un polar mené par une sorte de Miss Marple un brin fantasque. D'abord parce que le meurtre n'intervient que relativement tard dans le scénario, ensuite parce que Bong Joon-ho ne fait pas du suspense et de la résolution de l'énigme une priorité. Son principal centre d'intérêt : l'ambivalence des liens entre la mère et son fils, la responsabilité de la première sur la psychologie du second. Une psychanalyse en somme, distillée tout au long d'un récit où l'absurde jouxte la tragédie, où la monstruosité de l'être le moins apte à s'exprimer par la violence s'efface au profit de son humanité la plus vaporeuse.

Les contraires s'attirent dans Mother. Mieux : ils fusionnent et brouillent toute tentative de jugement sur la moralité de ses protagonistes. Une magistrale illustration de la confusion des sentiments.

samedi 6 février 2010

Les Livres de Psychanalyse

La Cause freudienne n° 73 - Décembre 2009


Les surprises du sexe













16 euros

Les surprises du sexe : éditorial, Philippe Hellebois
Le rapport sexuel : Lacan versus Ratzinger, Antonio Di Ciaccia
Le sexe et ses bienfaits, Marco Focchi
Internet, un mode de la perversion, Erminia Macola
Crise d'identité sexuée, Rosa Elena Manzetti
Une porno-dépendance virtuelle ou réelle ?, Maurizio Mazzotti
Clicc @, Massimi Termini
Réalité virtuelle et réalité sexuelle, Carlo Vigano
Le programme de jouissance n'est pas virtuelle, Eric Laurent
Le bruit des talons, Sonia Chiriaco
Le livre des instructions trompeuses, Gustavo Dessal
L'homme aux loups : 2ème partie, Jacques-Alain Miller
Kraepelin, la fragilité d'une œuvre colossale, Guy Briole
De quoi Kretschmer est-il le nom ?, Philippe De Georges
Robert Gaupp et le cas Wagner, Jean-Claude Maleval
Raymond Roussell, René Fiori
La surprise Lacanienne, CarolinaKoretski
L'autorité entre semblant et responsabilité, Alfredo Zenoni
Le peintre résidu, Gérard Garouste
Ni chose ni personne, Jean-François Lebrun
Un souvenir d'enfance silencieux, Clotilde Leguil

Les Livres de Psychanalyse

Transférer, Séparer, Associer : Le savoir du psychanalyste


Psychanalyse n°17 - Janvier 2010










En librairie : 11.02.2010
Editeur : Erès
Directeur de la revue : Laure Thibaudeau
Prix : 20.00 €


Souhaitons qu'en 2010 vous ayez vu le film de Michael Haneke « Le ruban blanc ? Rarement l'écriture cinématographique, dont on sait la parenté avec le rébus, aura su montrer de façon aussi probante que le mauvais exemple vient d'abord d'en bas et comment une collection hétéroclite de pères, dont le trait commun est de penser que la loi et l'ordre doivent venir à bout de la jouissance, fabrique une portée de nazillons. La psychanalyse elle-même, quand elle s'abuse d'une conception totalitaire de la castration, n'est pas à l'abri d'un tel résultat.
« La vraie psychanalyse » pourrait par contre glisser à l'oreille d'Haneke qu'on peut heureusement compter sur les fils et filles pour échapper au destin que leur réserve l'aveuglement paternel, à condition de nommer le point, infiniment variable, où un père n'est jamais à la hauteur. C'est d'ailleurs ce dont témoigne le jeune instituteur qui se fait le passeur de l'histoire.


Les Livres de Psychanalyse

Psyché, visage et masques

Jacques André , Sylvie Dreyfus-Asséo , Anne-Christine Taylor











Paru le : 20/01/2010
Editeur : PUF
Prix : 19 €


Les anthropologues sont-ils seuls à mettre en cause l'opposition classique du masque, comme fausse identité, et du visage nu, comme reflet d'une intériorité qui s'offre au regard d'autrui ? Le dispositif de la cure psychanalytique, sa manière d'absenter les visages en face-à-face et, du coup, de brouiller les identités, ne la questionne-t-il pas aussi ? Pour les anthropologues, la fonction du masque, qui rend matériellement présente une entité normalement invisible, interroge le système des identifications et des différenciations.
Dans la psychanalyse, cette capacité de médiation revient à Eros qui, à la différence de Narcisse, ne se fige pas dans sa propre contemplation mais invente les masques afin d'animer le théâtre intérieur et d'accepter la rencontre avec l'autre. Masque-déformation ? Masque-transformation ? Quel pouvoir conférer à ce qui peut faire passer du visage à l'identité ?

Les Livres de Psychanalyse

Les récits du temps
Jacques André, Sylvie Dreyfus-Asséo, François Hartog











Paru le : 20/01/2010
Editeur : PUF
Prix : 14 €


La façon qu'a l'homme d'être dans le temps est une interrogation commune à l'historien et au psychanalyste.
Au gré des cultures, des époques, des individus, la représentation du temps et l'inscription des êtres collectifs comme des êtres individuels dans le mouvement de la temporalisation varient. Autant de variations qui font éclater notre idée commune du temps, sa fausse naturalité. Il y a une histoire du temps, il y a aussi une psychogenèse de la temporalité. Peut-être faut-il même envisager que l'idée de temps, en elle-même, procède d'une invention, à l'échelle de la culture comme de la vie individuelle.
L'historien et le psychanalyste n'ont ni le même objet, ni la même méthode, leur dialogue n'en est que plus nécessaire.

Les Livres de Psychanalyse
mercredi 27 janvier 2010

Neuroscience et psychanalyse - Une rencontre autour de la singularité

François Ansermet, Pierre Magistretti (dir.)
















Paru le : 21/01/2010
Editeur : Odile Jacob
Prix : 27 €


Quoi de commun entre, d'un côté, les neurosciences et le cerveau, et, de l'autre, la psychanalyse et le sujet ? Une perspective commune, celle du devenir et d'un devenir intégrant à chaque instant du nouveau, du non-programmé, du contingent, du discontinu.Serions-nous donc déterminés pour échapper aux nécessités biologiques et sociales ? Point de rencontre entre neurosciences et psychanalyse, cette ouverture à l'imprévisible et à la créativité est, en tout cas, ce qui permet l'émergence de notre individualité singulière. Ce livre, issu d'un colloque organisé au Collège de France, réunit des psychanalystes, des philosophes, des psychiatres et des neurobiologistes de premier plan.Pour la première fois, tous ensemble, ils engagent une discussion riche et ouverte sur la singularité et le statut de l'inconscient.

mercredi 3 février 2010

Quand les psys mettent les pieds dans le plat




SOCIÉTE
Publié le 02/02/2010 à 10:12 Le Point.fr
RENDEZ-VOUS


Quand les psys mettent les pieds dans le plat






Bernard-Henri Lévy et Jacques-Alain Miller
© MAISONNEUVE / BALTEL / SIPA


"Évaluer tue." C'est l'intitulé du grand meeting organisé par le Forum des psys, le 7 février à La Mutualité, à Paris (1).
Les psychiatres partent en guerre contre la culture de l'évaluation qui, selon eux, "promet la rentabilité et produit la mort". Principal visé : le monde de l'entreprise "où le monstre de l'évaluation s'est répandu comme une traînée de poudre se transformant en management par le stress", explique le psychanalyste Jacques-Alain Miller, à l'origine de ce meeting de protestation et auquel le trimestriel Le nouvel Âne consacre son dernier numéro. Une culture du tout chiffrable "qui exige de l'homme le zéro défaut et ne fait plus de différence entre l'humain et l'objet".
Aux côtés de Jacques-Alain Miller, Bernard-Henri Lévy présidera le forum ouvert à tous. Une façon de montrer qu'intellectuels et psys font cause commune. D'autres têtes d'affiche sont attendues, parmi lesquelles les philosophes Jean-Claude Milner, Cynthia Fleury, Yves Charles Zarka et l'universitaire Roland Gori.

(1) 24 rue Saint-Victor, Paris 5e, de 10 heures à 19 heures. Inscription sur place : 20€







Développement de l’humanité analysante en vue

La république des livres L'actualité littéraire, par Pierre Assouline

Développement de l’humanité analysante en vue

Le psychanalyste Jacques-Alain Millier, lacanien gendre de Lacan, vient de créer officiellement l’université populaire de psychanalyse Jacques-Lacan "pour (re-)prendre en charge l’éducation freudienne du public français et, à terme, en l’étendant sur tous les continents, pour développer une humanité analysante".

Il l’a annoncé dans le dernier numéro de Philosophie magazine (No 36, février) à l’issue d’un long débat conflictuel avec Michel Onfray sur les vérités et légendes qui gravitent autour de Freud. Légèrement sidéré par la nouvelle, le philosophe a conclu avec philosophie : "Eh bien … Après m’être battu pendant dix ans pour mettre sur pied mon université populaire (à Caen), après avoir été d’abord été superbement ignoré par les intellectuels parisiens pour cette démarche, disons que j’accueille cette nouvelle comme un genre d’hommage".

Malaise dans la psychiatrie en Aquitaine




POLITIQUE / SOCIAL - ÉCONOMIE -
Article paru le 30 janvier 2010
FRANCE


Malaise dans la psychiatrie en Aquitaine

Les soignants ont manifesté hier à Pau contre une refonte de leurs horaires de travail.
Nervosité chez les infirmiers de psychiatrie du Sud-Ouest. Devant le centre hospitalier des Pyrénées, à Pau (Pyrénées-Atlantiques), ils étaient 350 hier à l’appel de l’intersyndicale CGT, CFDT et FO, venus de Bayonne, de Mont-de-Marsan, de Bordeaux, de Cadillac, de Montpont et d’Agen, pour exprimer leur colère contre le futur changement de leurs horaires de travail.

À Pau, la direction de l’hôpital psychiatrique tente d’imposer cette mesure depuis juillet afin, selon elle, d’améliorer les conditions de travail et de soins. Elle envisage ainsi de faire travailler les personnels 7 heures et demie ou 12 heures par jour. Pour pousser au maximum la productivité et étaler le temps de travail sur plus de jours. Avec cette nouvelle organisation, 25 emplois seraient menacés. « On fonctionnait très bien en travaillant 8 heures, tout cela est fait pour supprimer des postes alors qu’il manque déjà 30 soignants au centre hospitalier », constate Bernard Laulhé, secrétaire CGT de l’hôpital de Pau. Mais la direction ne jure que par les économies.

En 2008, elle a déjà procédé à des coupes dans les effectifs en supprimant 10 postes de soignants. Et la direction compte réduire le déficit de 1,4 million d’euros de l’hôpital en continuant de rogner chez les personnels. Depuis juillet, l’hôpital de Pau est ponctuellement en grève et organise des actions  : blocages de ronds-points, envahissement du conseil d’administration pour lutter contre l’application de cette mesure. Après le rassemblement, les soignants ont rencontré le préfet pour lui transmettre une motion à destination de la ministre de la Santé. « Rien n’a changé ici depuis l’assassinat de deux infirmières par un ancien patient en 2004, on n’a pas plus de moyens et on travaille toujours dans un climat de violence avec les malades », regrette Bernard Laulhé.

Cécile Rousseau