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jeudi 11 février 2010








Radio Citron: écoutez la démence

Radio Citron a été lancée en grande pompe le 26 janvier à la maison de Radio France. Derrière ce label, une équipe de psychologues et leurs patients -des malades psychiques- se démènent pour devenir pro du micro, séduire le grand public et changer le regard sur la maladie.

Le 09 février 2010
par Iris Deroeux


« C’est la loi de l’horoscope, c’est le truc qui s’effiloche, si dans votre vie tout est moche, déménagez de l’avenue Foche », slame Charlie en délivrant son horoscope surréaliste. « Ecoutez-moi sur Radio citron ou c’est mon poing sur la gueule », ajoute-t-il.

Autre rubrique en ligne sur le site de Radio Citron : la critique cinéma d’Eric, 42 ans, atteint de Parkinson et de troubles psychiques depuis 15 ans. « Avant, j’appréhendais ma voix. La radio m’a permis de prendre confiance en moi. » Eric s’est laissé séduire en regardant un documentaire sur la Colifata, une émission de radio argentine animée depuis 1991 dans l’hôpital psychiatrique de Buenos Aires et suivie aujourd’hui par 7 millions d’auditeurs. Manu Chao a même réalisé un album avec ses animateurs. « Je me suis dit, pourquoi pas moi ? »

"Il ne fallait pas attendre le public mais aller vers lui"

La Colifata est bel et bien à l’origine de Radio Citron. Tout commence en 2007 lorsque son fondateur, le psychologue Alfredo Olivera, rencontre l’équipe du service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) Cadet, dans le IXe arrondissement parisien. Ce lieu appartient au réseau de l’association l’Elan Retrouvé dont les 17 établissements accueillent près de 3 000 malades psychiques par an, afin de les aider à se réinsérer.

A l’époque, le SAVS invitent les gens du quartier à venir se mélanger aux patients lors d’atelier photos ou d’écriture. « Mais personne ne venait, se souvient Colette Laury, chef de service à Cadet. La Colifata fut une révélation: il ne fallait pas attendre le public mais aller vers lui. Voilà le média dont on avait besoin pour changer le regard sur la maladie mentale », explique la psychologue, qui ne supporte plus la façon dont la maladie est associée à « des notions meurtrières, à l’homme qui s’enfuit d’un hôpital psychiatrique ». « Il y a une sensibilité, une intelligence supérieure ici », rappelle-t-elle.Deux ans plus tard, les subventions ont permis de s’équiper. Le SAVS s’est muni de micros, d'enregistreurs Nagra et d'ordinateurs à disposition des journalistes en herbe ; trois centres de l’Elan Retrouvé ont rejoint le projet. Alfredo Olivera est venu former les psychologues qui ont aussi appris les bases du montage. Aujourd’hui, ils transmettent aux patients motivés.

Sur les ondes du service public ?

Les centres organisent un atelier radio par semaine et enregistrent une émission commune une fois par mois, ensuite mise en ligne. Le site Internet a ainsi pu être inauguré en septembre 2009. Une radio libre d’un nouveau genre, un beau mélange de reportages, de chroniques poétiques, de débats philosophiques où l’on aborde la situation sociale des handicapés psychiques et tout autre chose.

« Grâce à la radio, on sort de sa solitude, on va vers les autres. On se sent valorisé. Ce que certains d’entre nous avaient complètement mis de côté », résume Sylvie. « Ca me fait un bien fou ! », confie la jeune femme arrivée au SAVS si déprimée qu’elle ne pouvait plus parler.

La suite ? Colette Laury rêve d’un programme Radio Citron diffusé sur les ondes du service public, « juste deux minutes par jour pour toucher le grand public ». Surtout depuis que Jean-Luc Hees, patron de Radio France, a laissé entendre lors de l’inauguration de la radio, le 26 janvier, qu’un programme de qualité pourrait y avoir sa place...

L’équipe cherche donc de l’aide pour que Radio Citron se professionnalise et un lieu pour enregistrer les émissions avec le public. Ingénieur du son, journaliste et autre amoureux de la radio, vous êtes les bienvenus...



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