« Charles Baudelaire est mort le 31 août 1867. Il était tombé malade dans un voyage entrepris en Belgique où il s’était occupé d’un ouvrage inédit : “La Belgique déshabillée” . La maladie seule fit tomber la plume du poète. Il fut ramené à Paris le 1er ou 2 juillet par sa mère et Arthur Stevens. Le 4 juillet, il entrait dans une maison de santé, située près de la rue du Dôme, près de l’avenue d’Eylau. C’est là qu’il mourut. Il fut soigné par le Dr Duval, très connu et mort il y a peu d’années.
Les dernières personnes qui virent le poète malade furent son ami intime et biographe, Charles Asselineau, Rops, le célèbre illustrateur, Poulet-Malassis, son éditeur, Maxime Du Camp, qui a rapporté les impressions de sa visite à Baudelaire dans ses “Souvenirs”, Champfleury et, surtout, Nadar et M. Troubat, le secrétaire dévoué de Sainte-Beuve.
Baudelaire est mort aphasique, avec une hémiplégie droite. L’intelligence semblait à peu près intacte et le mal resta stationnaire pendant plusieurs mois.
Le 21 janvier 1867, M. Troubat écrivait à Poulet-Malassis : “J’ai vu Baudelaire une fois, une seule. Champfleury va le voir de temps en temps. On l’a fait dîner chez Nadar. C’était imprudent et lui-même, je crois, en a ressenti et manifesté de la fatigue. Il en est resté à ces trois mots : Non, cré non, non, et la mémoire n’a pas faibli en lui. Il m’a montré tout ce qu’il aimait lorsque j’ai été le voir : les poésies d Sainte-Beuve, les œuvres d’Edgar Poe en anglais, un petit livre sur Goya. Et, dans le jardin de la maison de santé Duval, une plante grasse exotique dont il m’a fait admirer les découpures. Voilà l’ombre du Baudelaire d’autrefois mais elle est toujours ressemblante. Il a manifesté la plus grande colère à un nom de peintre que je lui ai nommé (toujours comme autrefois), mais quand je lui ai parlé de Richard Wagner et de Musset, il a souri d’allégresse.