Par Raphaëlle Bacqué Publié le 22 avril 2021
ENQUÊTE Alors qu’en France l’Assemblée nationale n’est pas parvenue à s’accorder sur une proposition de loi sur l’« assistance médicalisée à mourir », « Le Monde » a suivi le parcours d’une sexagénaire allemande décidée à recourir au suicide assisté en Suisse, pays où cette pratique est autorisée.
Ce lundi-là, Thomas a conduit Doris, son épouse, de Francfort jusqu’à Bâle, pour qu’elle puisse y mourir. De la ville allemande à la cité suisse, il y a un peu plus de 300 kilomètres par la route. Même en période d’épidémie, malgré les règles de quarantaine officiellement imposées aux étrangers, les contrôles sont rarissimes et le couple est arrivé sans encombre à l’hôtel, un manoir blanc sur une petite place pavée, juste à la sortie de Bâle. Dehors, le printemps paraissait encore hésiter à s’installer, passant en quelques minutes d’une giboulée neigeuse à l’éclaircie la plus éclatante.
Le couple a-t-il seulement prêté attention aux saisons, au Rhin qui coule tout près, à la cabane en bois sur la place où les rares touristes boivent une bière en fin d’après-midi ? « Je les ai reçus moi-même, comme je le fais chaque fois pour ces gens venus de toute l’Europe et, lors des années sans épidémie, du monde entier pour mourir ici », raconte doucement Bojana Krüger, la directrice de l’hôtel. Hormis elle et ses employés, la plupart de ses clients ignorent ce que les Suisses ont fini par appeler « le tourisme de la mort » : des milliers d’étrangers, dont la majorité arrive de France, d’Allemagne ou de Grande-Bretagne, pour qu’on les aide médicalement à mourir.