Faims de siècles
Comment le SDF a succédé au bon vieil indigent
Déjà auteur de deux livres sur la pauvreté, au XIXe, puis au XXe siècle, André Gueslin a voulu inscrire ici son propos dans la plus longue durée, afin d’«analyser le passage entre le vagabond de l’ancienne France et le monde très contemporain des sans-abri». S’il se révèle un peu abrupt par endroits, le livre vaut pour la masse d’informations réunies. Tout commence vers le milieu du Moyen Age, lorsque la figure jusque-là sanctifiée de l’indigent s’estompe au profit d’images nettement moins favorables : «mauvais pauvres», gueux, errants. L’histoire des vagabonds devient alors celle d’une longue stigmatisation. Deux grandes mutations sont cependant sensibles. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la «masse vagabonde» se compose surtout d’hommes que les migrations du travail contraignent à prendre la route ; elle est de nos jours formée par ceux qui ont perdu leur emploi, rejoints sur leurs marges par des jeunes en rupture et des demandeurs d’asile. Au chemineau des campagnes, porteur de la besace et du bâton, a ainsi succédé le clochard ou le sans-abri, produits de la société urbaine.